Il fut une époque où l'Angleterre était le royaume des buteurs. Depuis quelques années, elle est devenu celui des créateurs. Et ce n'est peut-être pas un hasard si elle est aussi tirée vers le haut par les plus grands entraîneurs.
Parmi toutes les équipes du plateau, Manchester City et Tottenham personnifient mieux que les autres la dimension tactique que la Premier League est en train de prendre. Et ces deux-là se retrouvent ce samedi pour un duel qui opposera deux joueurs brillants et trop souvent sous-estimés : Kevin De Bruyne et Christian Eriksen.
Leur style
Le Belge et le Danois ont des aptitudes comparables, mais ils ne les expriment pas de la même manière. Ni dans leur position, ni dans leur gestuelle. Par le passé, Kevin De Bruyne a souvent été aligné sur un côté, et il a fallu que le dogmatique Pep Guardiola l'encadre pour que son registre créatif soit totalement optimisé. Repositionné dans le cœur du jeu, plus bas, l'ancien joueur de Wolfsburg est aujourd'hui la première rampe de lancement des Citizens. Sa vision panoramique est tactiquement précieuse, esthétiquement délicieuse. C'est certainement sa plus grande force. Capable de trouver des angles de passe très difficile, le Belge est une référence mondiale dans ce domaine.
Christian Eriksen, lui, dispose d'une profil plus classique. Ce qui ne signifie pas qu'il est moins prisé, au contraire, à une époque où les vrais meneurs de jeu sont en voie de disparition. Formé à l'école de l'Ajax, le Danois est aussi un as dans l'art de la passe. Un art qui consiste à voir avant les autres, d'abord, puis à traduire sa pensée par un geste juste. Si ces deux-là sont dans le haut du panier pour ces deux étapes, la palme reviendrait à De Bruyne pour les idées. Eriksen, lui, est redouté pour sa qualité de pied. Joueur axial de formation, le milieu offensif de Tottenham aime aussi faire parler sa frappe précise et puissante à longue distance.
Leurs chiffres
Kevin De Bruyne a un temps de jeu légèrement supérieur à Christian Eriksen, mais les deux milieux sont des maillons essentiels de leur club respectif. À statut égal, le Belge présente des statistiques encore plus flatteuses. Dans une position plus reculée, il a davantage marqué que le Danois. Mais il est surtout devenu une véritable machine à caviars, et il devrait terminer meilleur passeur de la saison assez aisément s'il conserve ce rythme effréné, dans une ligue où les spécialistes du genre sont légion, à l'image de Mesut Özil, Cesc Fabregas, son coéquipier David Silva ou... Christian Eriksen.
La précision de De Bruyne se reflète également dans le nombre d'occasions qu'il a créées, indiquant toutes les passes à l'origine d'une opportunité franche. Là aussi, pourtant, Christian Eriksen a un beau bilan à brandir. Sur le pourcentage de passes réussies, enfin, les deux hommes présentent des chiffres sensiblement comparables. Mention spéciale à Eriksen, malgré tout, car le Danois évolue dans une zone un peu moins confortable et dans une équipe au style plus direct.
Leur dynamique du moment
Aussi influents sur le terrain que discrets en dehors, Kevin De Bruyne et Christian Eriksen n'ont jamais autant fait parler d'eux. Enfin, serait-on tenté de dire... car les deux artistes en montrent assez pour prendre la lumière. Le Belge a une cote élevée depuis un moment. Son expérience à Wolfsburg lui avait permis de prendre une autre dimension, mais son image se bonifie au gré de ses exploits. Dix-septième du dernier classement du Ballon d'Or, le maître à jouer de Manchester City a obtenu le meilleur classement de sa carrière. Son influence dans une équipe admirée par toute l'Europe en dit long. Comme le crédit que Pep Guardiola lui accorde.
Christian Eriksen n'a tout de même pas autant de références. Le meneur de jeu danois n'a par exemple jamais été nommé pour le Ballon d'Or, même si son absence est de plus en plus contestée. Malgré cela, Eriksen traverse certainement l'une des périodes les plus fastes de sa carrière. Si sa régularité avec Tottenham n'est plus à démontrer, son impact dans la qualification du Danemark pour la Coupe du monde en fera l'ennemi numéro un des Bleus en Russie. La différence entre ces deux-là est aussi celle qui sépare Manchester City et Tottenham, finalement. Un contraste infime entre deux créateurs qui voient plus vite que les autres, et qui verront encore plus clair après ce duel attendu par toute l'Angleterre...