Quels souvenirs conservez-vous de ce barrage ?
"Ce n'est pas un souvenir très glorieux. En plus j'étais un jeune joueur, j'avais 22 ans, c'était une fin de saison catastrophique humainement. On était dans une spirale complètement négative, sportivement et psychologiquement. Au contraire Cannes était sur une dynamique hyper-positive, avec l'enchaînement de victoires, la possibilité d'accéder à la L1, on a fait un match catastrophique à la maison (défaite 2-0)."
Comment aviez-vous préparé ce match ?
"Le président (Michel Coencas, NDLR) avait fait des efforts énormes pour qu'on gagne ces matches, une mise au vert, des belles primes, mais il aurait pu nous promettre la lune on aurait été incapable de la toucher. Ça n'a pas suffit. Les joueurs étaient concernés, mais pas suffisamment pour pouvoir gagner."
À cause du scandale de corruption?
"Oui. L'équipe était complètement disparate, beaucoup savaient qu'ils allaient partir, la descente était écrite. L'équipe était détruite par OM-VA. Ça a créé des tensions, forcément. Ca concernait trois joueurs majeurs, Jacques (Glassmann, le lanceur d'alerte), (Jorge) Burruchaga et (Christophe) Robert (les joueurs corrompus par l'OM). Déjà que le groupe n'était pas très compétitif... C'était chacun pour soi, l'état d'esprit était déplorable, et même sur ce match, alors que Nungesser est un stade chaud, je n'ai pas le souvenir d'un public avec un fort engouement."
Étaient-ils plus forts ?
R: "Avec les joueurs qu'ils avaient, Micoud, Durix, Capoue, Luis (Fernandez) entraîneur, Franck Priou en leader mental, ils nous ont déglingués. Nous, on n'avait pas de leader, Burruchaga ne pouvait plus l'être après ce qui s'était passé, et de toutes façons il ne jouait plus. Glassmann était trop atteint psychologiquement. Pourtant, il a été juste, lui, et il a été dézingué totalement. J'ai toujours des rapports avec Jacques."
Vous souvenez-vous d'une anecdote de ces matches ?
"Je me souviens de nos têtes une fois le premier but encaissé (Capoue, 26), à Nungesser. Sur nos visages il y avait écrit: +C'est fini+. Le ciel nous était tombé sur la tête, c'était l'obscurité totale. Avec un nul, on aurait regagné un peu de confiance pour aller chercher un résultat à l'extérieur. Là, on savait qu'on était mort et enterré."
Cela a-t-il été dur de s'en remettre ?
"Très dur pour le club. La saison d'après le club est descendu, a continué à dégringoler. Personnellement, cela a freiné ma progression. Après deux années de L2 à Niort puis Valenciennes à 18 et 19 ans, tu crois que tu as mis le pied et il te tombe ce truc... Pourtant j'avais marqué le but de la montée en 1992. Je n'ai plus jamais joué en L1 après. J'ai fait deux montées, mais moi je préférais être titulaire en L2 que remplaçant en L1."
Êtes-vous resté attaché à VA ?
"Oui, j'ai gardé un bon souvenir, j'y ai vécu une montée, un maintien en L2 avec les pros en tant que coach alors que j'étais en charge des 19 ans au départ. Mais je ne retiens pas grand chose humainement sur la dernière année, 1993-94. La réception de Valenciennes dans les clubs du sud était apocalyptique... On nous chantait: +Glassmann téléphone!+ etc. J'ai souvenir qu'à Istres, il a fallu deux bus pour arriver au stade, un vide comme leurre, un avec nous dedans, par sécurité. On avait atterri à l'aéroport militaire d'Istres... Dans un restaurant, on nous balançait les plats sur la table comme des moins que rien... On était des jeunes joueurs, c'est le club qui était ciblé, mais ça t'endurcit...