"C'était un grand moment", rembobine Micoud, désormais président de l'AS Cannes, son club formateur, où il faisait en 1993 ses débuts professionnels. L'ASC s'impose (2-0/1-1), Valenciennes redescend, sur les braises de l'affaire OM-VA.
"C'était exceptionnel de vivre ça, à 19 ans, nous les jeunes avec les anciens, comme Luis (Fernandez), devenu entraîneur en cours de saison. Il prônait un jeu offensif, on se régalait sur le terrain."
Luis a quitté le terrain en décembre pour remplacer Erick Mombaerts, et lancé une de ces opérations commando qui feront sa légende. "Je n'étais pas programmé pour être entraîneur, mais Francis Borelli, mon président (également au PSG, ndlr), souhaitait du changement", se souvient-il.
Cannes finit en trombe, 2e du groupe A (c'est la dernière saison à deux groupes), bat Rouen (2-1) au premier tour, puis Rennes (1-0/3-0) en finale de barrage D2 et se présente devant Valenciennes, 18e de D1 (on ne disait pas encore Ligue 1), traumatisé par l'affaire VA-OM.
"On se sentait invincible"
"Il y avait beaucoup de stress, parce que des matches, on en a joué quatre, mais on restait sur une belle dynamique, on se sentait invincibles, et on a eu la chance de bien commencer le match à Valenciennes", reconnaît Micoud.
Le 4 juin 1993, Jean-Michel Capoue ouvre le score (26e) et refroidit un Nungesser déjà en colère contre ses joueurs à cause du scandale de corruption qui a éclaté quinze jours plus tôt.
Franck Priou aggrave le score (81e), "mais il s'est cassé le nez, lui il mettait la tête où les autres ne mettent pas le pied", rigole Luis.
"J'ai pleuré quand on m'a annoncé qu'il ne pourrait pas jouer le retour, j'étais très sensible, poursuit le jeune entraîneur, 33 ans à l'époque. C'était injuste pour Franck, un type fantastique au plan humain."
Au retour, cinq jours plus tard, Mickaël Madar ouvre le score (12e) dans un stade de la Bocca plein à craquer. Arnaud Duncker réduit le score (29e), mais c'est trop tard.
"On les a pris en pleine affaire OM-VA, c'était le bon moment, reconnaît Fernandez, et on jouait le retour à domicile."
La fête qui s'ensuit est mémorable. "Je me souviens du défilé sur la Croisette dans des camions benne, au milieu de la foule, c'était génial", rigole Micoud.
"Les gens étaient heureux"
Fernandez aussi est hilare : "On était très simple, et puis il fallait faire vite, on a improvisé, tu ne peux rien préparer, et si on ne monte pas ? Il faut respecter l'adversaire. Mais on savait que les gens étaient heureux, en centre-ville c'était la folie!"
Micoud et Fernandez ont payé leur dette au club qui les a lancé et relancé, respectivement. Aujourd'hui le champion d'Europe 2000 avec les Bleus a aidé comme dirigeant l'AS Cannes, tombé dans les profondeurs du foot amateur, à remonter en CFA2. "C'est intéressant, philosophiquement on peut mettre en place ce dont on avait envie comme joueur", explique-t-il.
L'ASC est l'autre grand amour de Luis avec le PSG. "Je l'ai dans le cœur ce club de Cannes, il m'avait accueilli (en 1989) alors que j'étais condamné par tout le monde, j'avais eu une grosse blessure au genou, une sale opération, je m'y étais refait une santé avec Jean Fernandez et Albert Émon" comme entraîneurs.
Le champion d'Europe 1984 se souvient de ces barrages comme d'"une belle aventure humaine, mais pour réussir ce coup il faut des joueurs. J'avais Durix, Ayache, le regretté Patrice Lestage, Hampartzoumian, Micoud, Madar, Priou... Je souhaite à tout entraîneur d'avoir un groupe comme celui que j'ai eu pour me lancer. J'aimerais tellement revivre ces moments..."