Pour toute la gloire qui a suivi, cela valait la peine d'attendre l'éclosion de Didier Drogba au plus haut niveau.
Cette trajectoire est étonnante mais elle reflète son histoire, car le jeune Drogba a dû surmonter de multiples obstacles pour faire son entrée dans le monde du football professionnel. Avant de s'interroger sur ce qu'il pouvait faire, il a dû se demander qui il était, où il était, et ce qu'il pouvait être.
Né et élevé dans la métropole d'Abidjan en Côte d'Ivoire, il est envoyé à l'âge de cinq ans en France pour vivre avec son oncle, Michel Goba, footballeur professionnel ayant réalisé une carrière respectable (principalement en deuxième division).
Goba avait convaincu les Drogba que le jeune Didier aurait, en France, "une vraie chance de réussir dans la vie" .
Sa période initiale d'adaptation, elle, n'était pas prévue. Nostalgique, Drogba retourne en Côte d'Ivoire trois ans plus tard, avant d'être renvoyé directement en France après que ses deux parents aient dû s'inscrire sur la liste des chômeurs.
Il n'y aura pas de retour en arrière cette fois-ci. L'adolescent se consolera en comparant son sort à celui de Laye, le protagoniste du roman de Camara Laye The Dark Child en 1953, qui avait quitté sa Guinée pour Paris au même âge.
Le talent de Drogba pour le football était évident dès ses débuts, mais il n'aura pas l'ascension soudaine dont certains bénéficient. Drogba a dû patienter, longtemps, en prenant les étapes les unes après les autres, devenant semi-professionnel avant que Le Mans ne le repère en 1997.
Il fait ses débuts en janvier 1999 et reste membre de l'équipe première pendant 3 ans, mais il ne devient jamais un joueur cadre de l'équipe sarthoise en Ligue 1, avec seulement 12 buts en plus de 60 apparitions.
Cela suffit à Guingamp, toutefois, qui décèle le potentiel de l'Ivoirien et lui offre l'opportunité de rebondir. Dans un premier temps, Drogba peine à se faire remarquer puisque le club évite la relégation de justesse. Il signe 3 buts lors de ses 20 premières apparitions.
"Didier ne sortait pas du système académique", avait déclaré son entraîneur au Mans, Marc Westerloppe. "Il a fallu 4 ans à Didier pour être capable de s'entraîner tous les jours et de jouer toutes les semaines."
Drogba était, au mieux, un diamant brut, mais devait s'acclimater à la vie d'un footballeur professionnel. À savoir éviter les excès en dehors du terrain et suivre un programme très strict imposé par le club pour sa condition physique.
"Quand il a compris qu'il devait travailler, il est devenu un très bon joueur", soulignait Westerloppe.
Cette période est le tournant de sa carrière. Un an plus tard, Drogba, plus affûté, tire tous les enseignements de la saison précédente et rugit enfin pour marquer 17 buts en 26 titularisations et hisser le club breton à la 7ème place de Ligue 1.
Une explosion qui convainc Marseille de débourser 4 millions d'euros pour s'attacher ses services. "Le seul risque, c'était de savoir comment il s'adapterait à un club aussi connu que l'OM", avait déclaré l'entraîneur Alain Perrin.
La Ligue 1 devient son jardin favori, et Drogba écrase ses adversaires, marquant 19 buts sur la scène nationale tout en guidant son équipe en finale de la Coupe de l'UEFA.
"Il a marqué des buts avant son arrivée, mais une fois qu'il était entouré de joueurs de meilleure qualité, c'était facile pour lui", soulignait Perrin.
Drogba avait atteint son objectif au plus haut niveau, et Chelsea sauta sur l'occasion pour s'offrir l'Ivoirien avec une indemnité de transfert record pour le club londonien à l'époque.
Après des débuts poussifs en Ligue 1, Drogba quittera finalement le championnat de France avec 39 buts en 80 apparitions. C'était avant d'écrire une nouvelle page de sa carrière à Londres, la plus belle.
Légende de la Ligue 1, chouchou de Stamford Bridge, Didier Drogba a connu une trajectoire sinueuse, mais elle l'a mené sur le toit de l'Europe. Oui, cela valait la peine d'attendre.