Cette fois-ci, il n'a pas su gérer. Pourtant tout en contrôle depuis son arrivée à Marseille, Patrice Evra s'est laissé déborder par un coup de sang ce jeudi soir à Guimaraes, renvoyant un supporter un peu trop insultant en tribune d'un high kick aussi violent que soudain. Faisant sien le précepte "œil pour œil, dent pour dent", le latéral gauche de l'OM a une nouvelle fois montré la facette sombre de sa personnalité. Débordé aussi bien dans son couloir gauche que par son besoin de nourrir un égo surdimensionné sur les réseaux sociaux, Patrice Evra a sans doute achevé sa saison 2017-2018 avec l'OM sur un coup de pied en pleine tête.
S'il convient de condamner l'attitude abrutissante des quelques supporters de l'OM s'étant déplacés jusqu'au Portugal pour insulter le latéral français, la réponse disproportionnée de ce dernier témoigne de son extrême nervosité et d'un caractère que les vidéos sur Instagram ne parviennent plus à masquer. Tiède rebelle bien accroché au système, Patrice Evra affiche pourtant un parcours sportif exceptionnel (8 titres de champion, 5 finales de Ligue des champions disputées, finale de l'Euro 2016) qui aurait dû lui permettre d'être érigé comme modèle, parmi les meilleurs éléments de l'hexagone. Si ses performances en club ont toujours contrebalancé ses sorties égotiques, ses mauvaises prestations en équipe de France et à l'Olympique de Marseille en ont fait un joueur critiqué, remis en question et ardemment secoué.
S'il avait remonté la pente de la popularité lors de son passage à la Juventus, avec un retour en grâce en sélection où chacune de ses convocations était justifiée par son rôle de leader – appelé communément "grand frère" dans le monde du football – dans le vestiaire, il est intéressant de noter que jamais le critère de la performance purement individuelle n'était invoqué. Tout sauf un hasard.
Dans un plan de communication que l'on peut difficilement juger comme non-calculé, Patrice Evra s'affichait de plus en plus régulièrement en vidéo à Turin ou Clairefontaine sur les réseaux sociaux aux côtés de Paul Pogba, son ami du temps de Manchester, joueur à l'époque apprécié voire adulé pour sa spontanéité et sa fraicheur. Le message véhiculé ? Imprimer à l'esprit qu'il était un joueur cool, qu'il avait changé, le tout bien "marketé" avec ce surnom "Tonton Pat" qui sent bon les repas de famille autour d'un rosbeef à point.
Patrice Evra a poursuivi cette initiative à son arrivée à Marseille. Dans des vidéos qui fleuraient autant la sincérité que le calcul, on y voyait le slogan "I love this game" être répété en boucle, dans des vidéos fraiches, cool, millimétrées pour le public présent sur les réseaux sociaux, ces "millennials" courtisés par toutes les marques et tous les médias. En glissant d'un footballeur performant en club à ce rôle unique de leader de vestiaire et de clown pour ados, Patrice Evra en a oublié le terrain. Qui, lui, l'a vite rattrapé. Dans son dos, comme souvent.
Dès lors, la fréquence des vidéos a augmenté. Et "Tonton Pat" a perdu pied. En quelques semaines, il est passé du costume de panda au kung-fu panda. Autrefois infatigable danseur, le latéral olympien s'est mué en acteur. Filmé de plein gré alors qu'il distribuait des denrées alimentaires à plusieurs SDF de la cité phocéenne, il a ainsi fait le choix de nourrir son égo et non son cœur dans une vidéo malaisante, au lendemain d'une piteuse défaite contre Rennes. Sept ans après Knysna, le point de non retour était encore atteint par Patrice Evra.
Si recevoir des insultes fait partie du kit du footballeur, cet acte n'accueille heureusement pas pour réponse unique un coup de pied en pleine figure. La loi de la jungle n'étant pas encore la règle, ce jeudi soir, Patrice Evra a perdu plus qu'un match. Il sait que son nom ne sera désormais plus associé qu'à cette image furtive mais bien réelle.