Sa robuste silhouette d'1,95 m surmontée de lunettes et son anglais courant caractérisé par un accent français à couper au couteau faisaient partie du décorum de la Fifa depuis sa nomination au poste de secrétaire général il y a dix ans. En clair, c'était le bras droit de Sepp Blatter, président déchu de l'instance suprême du football.
Le voilà cette fois dans le viseur de la justice suisse, qui a ouvert une procédure pénale contre lui et Nasser Al-Khelaïfi, directeur de la société BeIn Media et président du Paris SG, en lien "avec l"octroi de droits média pour les Coupes du monde de football". Le Parisien de naissance est soupçonné "de corruption privée, d'escroquerie, de gestion déloyale et de faux dans les titres".
Sa descente aux enfers a commencé en septembre 2015 quand l'ex-footballeur israélien Benny Alon le met en cause dans une affaire de revente de billets du Mondial-2014. La Fifa le relève alors de ses fonctions avant de le limoger en janvier 2016.
L'instance le condamne à 12 ans de suspension de toute activité liée au football en février 2016, peine réduite à 10 ans en appel. La justice civile suisse s'intéresse aussi à ce volet depuis mars 2016.
La justice interne de la Fifa, elle, l'accuse alors de "conflits d'intérêts" et d'avoir "accepté et distribué des cadeaux et autres avantages". Et déjà à l'époque, il lui est reproché d'avoir tenté de commercialiser des droits de retransmission télévisée à des prix inférieurs à leur valeur et d'avoir détruit des preuves...
"Je ne comprends pas cette haine"
Mercredi, il s'était présenté au Tribunal arbitral du sport de Lausanne pour demander l'annulation de sa suspension. "J'ai toujours fait mon job de la meilleure manière possible et j'ai toujours privilégié les intérêts de la Fifa. Même si dans un divorce on passe de l'amour à la haine, je ne comprends pas cette haine", avait-il déclaré à la sortie de l'audience.
Son parcours est jalonné par les affaires. Entré à la Fifa en 2003, il en est évincé une première fois sans ménagement en 2006, alors directeur marketing. La cause? Un litige entre deux grands sponsors, Mastercard et Visa qui vaut à la Fifa de payer 90 millions de dollars de dédommagements à la première. Mais, surprise, Valcke est rappelé et promu, à un poste éminemment stratégique dès 2007...
Affable et séducteur, il débute sa carrière dans les années 1980 comme journaliste à Canal+ et se constitue un solide carnet d'adresses au sein de la chaîne cryptée dans la décennie suivante, comme directeur adjoint du service des Sports puis à la tête de la filiale Sport+.
Il a apprend les ficelles de l'économie du foot auprès de Jean-Claude Darmon, le pionnier du marketing foot en France, et Ricardo Teixeira, patron aussi puissant que sulfureux du foot brésilien de 1989 à 2012.
Sa liberté de ton lui vaut aussi des ennuis. Chargé de superviser l'organisation des Coupes du monde, il lâche ainsi en avril 2013: "Je vais dire quelque chose de fou, mais un moindre niveau de démocratie est parfois préférable pour organiser une Coupe du monde. Quand on a un homme fort à la tête d'un état qui peut décider, comme pourra l'être Poutine en 2018, c'est plus facile pour les organisateurs qu'avec un pays comme l'Allemagne où il faut négocier à plusieurs niveaux".
"Botter les fesses"
Son franc-parler va aussi tendre les relations avec des organisateurs de Mondial. Il courrouce ainsi le Qatar: dans un mail rendu public, il écrit en 2011 à propos du Qatari Mohamed Bin Hammam, éphémère challenger de Blatter bientôt suspendu à vie du foot: "Peut-être qu'il (Bin Hammam) pensait qu'il pouvait acheter la Fifa comme ils (les Qataris) ont acheté le Mondial (2022)"... Valcke se retranche derrière un "ton plus léger" utilisé dans son courriel pour se défendre.
Sa saillie la plus célèbre ? Irrité par les retards sur les chantiers du Mondial-2014, il incite les Brésiliens à se "botter les fesses". Enorme scandale au pays du football roi, de l'homme de la rue jusqu'aux sphères politiques, au point que Valcke devient persona non grata, jusqu'à ce qu'il fasse amende honorable.
Valcke, qui touchait à la Fifa un salaire annuel estimé à 1,9 M EUR, est également accusé par son ancienne maison de s'être partagé - avec Blatter et l'ancien secrétaire général adjoint Markus Kattner - 80 millions de dollars en bonus et primes, "dans un effort coordonné d'enrichissement personnel".
Valcke, qui avait quitté la Suisse, avait ouvert une société spécialisée dans l'événementiel à côté de Barcelone.