Il était un peu moins de 22h40 dimanche soir lorsque Neymar et Edinson Cavani décidaient d'ajouter un peu de piment au début de saison du PSG. Alors qu'en début de deuxième mi-temps, l'Uruguayen s'était déjà agacé auprès de Daniel Alves, qui avait confisqué un ballon pour l'offrir à Neymar sur un coup-franc bien placé, cette fois, la tension était directe entre l'ancien joueur de Naples et le néo-parisien. Une scène peu banale mais qui s'est déjà déroulée au moins une fois dans chaque club. Une question d'égo et de statistiques.
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Cette scène, les supporters du PSG avaient pu en voir un aperçu lors de la rencontre face à Saint-Etienne le 25 août dernier, en un peu moins appuyée. Neymar avait lors de ce match déjà échangé avec Cavani, tireur désigné de penalties, pour évaluer ses possibilités lors de la faute de Janko dans la surface. L'Uruguayen avait eu le dernier mot et Neymar n'avait pas manifesté de signe d'agacement. Mais face à Lyon, lors de l'épisode du coup-franc (57e) et du penalty (80e), les deux joueurs, d'abord Cavani puis Neymar, ont montré des signes de réprobation.
Un énervement qui s'est poursuivi dans le vestiaire du PSG selon L'Equipe. Le quotidien explique en effet que Cavani "a fait savoir en espagnol qu'il n'avait pas apprécié l'attitude de Neymar sur le pénalty". Le Brésilien "lui aurait alors répondu de manière peu aimable selon plusieurs témoins avant que le meilleur buteur du club ne se lève et que le ton monte d'un cran". Il aurait alors fallu que Thiago Silva et Marquinhos s'interposent afin d'éviter que la situation ne s'envenime. La suite est connue, Cavani a rapidement quitté le Parc des princes sans dire un mot.
Mais qui tire les penalties au PSG ?
La réponse est très simple, depuis le départ de Zlatan Ibrahimovic, c'est Edinson Cavani. L'ancien attaquant napolitain a tiré 13 des 15 penalties obtenus par le PSG en Ligue 1 et Ligue des champions, pour 11 buts marqués. Les deux autres joueurs ayant eu l'opportunité de marquer sont Jesé et Lucas Moura. Face à Nantes en novembre dernier (2-0), l'Espagnol avait marqué le deuxième but dans les arrêts de jeu, dans une rencontre marquée par l'absence de Cavani qui était resté sur le banc toute la rencontre. Face à Saint-Etienne au Parc la saison passée (1-1), Lucas Moura avait transformé le penalty, juste avant l'entrée en jeu de Cavani, ménagé au coup d'envoi de ce match. Autrement dit, lorsque Cavani joue, Cavani tire les penalties.
L'autre épisode du match face à Lyon dimanche concerne un coup-franc bien placé. À Paris, plusieurs joueurs tentent leur chance avec plus ou moins de réussite. Angel Di Maria est le joueur ayant tiré le plus de coups-francs directs au PSG depuis le début de la saison dernière, avec 12 tentatives pour 2 buts (dont le mémorable face au Barça, en huitième de finale aller de la C1). Edinson Cavani suit de près avec 8 essais pour 1 réalisation, tandis que Lucas Moura a marqué 1 but sur 5 tirs. L'Argentin et l'Uruguayen se sont partagés 69% des coups-francs. Mais face à Lyon, les deux tentatives ont été effectuées par ... Neymar ! Le Brésilien veut bousculer la hiérarchie.
Ce qu'en dit Unai Emery
Avant la rencontre face à l'OL, Unai Emery avait été interrogé sur la hiérarchie des tireurs de penalties. Et sa réponse avait été surprenante : "J'ai parlé avec Cavani et Neymar et ils savent tous deux, car ils sont intelligents, que l'objectif premier est l'intérêt général de l'équipe. Donc Cavani tire les penalties, mais ce sera aussi au tour de Neymar, quand le moment sera opportun." L'entraîneur parisien avait donc choisi de confirmer Cavani comme numéro 1 tout en laissant une grosse porte ouverte à Neymar. Il avait donc choisi de ne pas trop choisir et ne pas trop s'avancer.
Après la rencontre, la bisbille Cavani-Neymar était sur toutes les lèvres et l'Espagnol n'a eu d'autres choix que d'évoquer cette situation : "Je leur ai dit de s'arranger entre eux. Je crois que les deux sont capables de le faire et nous allons faire tirer les deux. S'il ne trouvent pas d'accord, je vais trancher. Je ne veux pas que ce soit un problème pour nous." Face aux gros égos, il est rare que les choses s'arrangent d'elles-mêmes. Dans ses propos, Unai Emery semble vouloir opter pour le bon sens en espérant que les deux joueurs seront capables de se mettre d'accord. Mais à trop laisser la situation s'éterniser sans trancher, elle pourrait rapidement s'envenimer.
Un entraîneur prisonnier de cette situation ?
La tâche n'est pas aisée pour Unai Emery. Le PSG construit sa réussite sportive sur l'arrivée de Neymar. Il construit une partie de ses revenus également sur le Brésilien. Il construit là encore son aura médiatique en profitant de celle de l'ancien joueur du Barça. Il est sur un piedestal et il tend aujourd'hui à être plus gros que le club. La gestion d'un tel joueur n'est pas facile. Prendre une décision qui ne va pas dans le sens de la star de l'équipe (ici, il s'agirait de confirmer Cavani comme tireur numéro 1 de penalties) peut affaiblir la position de l'entraîneur si le joueur partage sa déception ou son agacement, dans le vestiaire et de manière publique. Tout conflit entre un joueur et un entraîneur est difficile à désamorcer.
De l'autre côté, afficher une préférence pour Neymar dès aujourd'hui pourrait fragiliser le vestiaire et les plus anciens joueurs. Tout donner très (trop ?) facilement à Neymar alors qu'il vient tout juste d'arriver et que les rumeurs d'un clan brésilien omnipotent fleurissent pourrait être dommageable.
Une solution en douceur peut s'imposer pour satisfaire tous les égos et ne fragiliser personne : un partage équitable selon les matches et les situations. Au Barça, sur les saisons 2015/2016 et 2016/2017, Messi a tiré 18 penalties contre 15 pour Neymar. Mais sur les coups-francs, l'Argentin demeurait bien le premier choix et de loin (113 tirés contre 32 pour le Brésilien toutes compétitions confondues).
Neymar à la poursuite du Ballon d'Or
Vivre dans l'ombre de Lionel Messi a été présenté comme l'un des facteurs du souhait de Neymar de quitter le FC Barcelone et de rejoindre le Paris Saint-Germain. Cette volonté d'émancipation, d'être dans la lumière et au coeur d'un projet ambitieux a guidé Neymar dans son désir de conquérir le Ballon d'Or que se partagent Messi et Ronaldo depuis 2008. Dans une distinction individuelle où les statistiques ont toute leur importance, il faut impressionner par le nombre de buts. L'Argentin et le Portugais sont des machines, marquent des buts comme on ramasse des cerises au début de l'été, par poignées. Neymar le sait et a certainement cette pression invisible en tête à chaque match. Tirer un simple penalty, avec un, deux, trois ou quatre buts d'avance, revêt donc une certaine importance. Attention néanmoins, pour le biens de tous, qu'elle ne vire pas à l'obsession.