À 10h45, Fernandinho arrive tout sourire en salle de musculation, s'étire, avant de soulever en rythme une barre d'haltères, aux côtés d'une dizaine de coéquipiers chinois.
Ici, tout le monde l'appelle 'Xiao hei' (prononcer "siao ré"), soit 'Petit Noir' en français. Un surnom donné en référence à son jeune âge (24 ans) et à sa couleur de peau. Et qui visiblement ne le dérange pas.
L'attaquant est arrivé en Chine à l'été 2015, après une expérience peu convaincante dans un petit club de D1 portugaise. Il découvre alors Chongqing (sud-ouest), mégapole pluvieuse de 8,5 millions d'habitants (l'équivalent de la population de la Suisse), ses gratte-ciel clinquants, son nuage de pollution, ses rues escarpées et ses centres commerciaux avec écrans géants.
"Les différences culturelles sont grandes. Les Brésiliens par exemple sont d'un naturel plutôt agité. En Chine, les gens sont plus réservés", constate le jeune homme.
"Mais chacun y met du sien. Je fais souvent des blagues avec mes coéquipiers chinois, qui du coup en font aussi. Ça détend l'atmosphère !"
La Chine n'est que 81e au classement mondial de la Fifa. Mais elle promeut désormais activement le ballon rond, sous l'égide de son président Xi Jinping, lui-même fan de foot. Une impulsion étatique interprétée par les patrons de clubs comme un appel à investir: depuis deux ou trois ans, ils recrutent des footballeurs étrangers à tour de bras.
'Belle visibilité'
Aujourd'hui, les 16 clubs de la Super League chinoise (1re division) en comptent 78, dont 24 Brésiliens. Parmi eux, Fernandinho mène une vie frugale, sans commune mesure avec celle d'Oscar, l'ex-vedette de Chelsea : payé 24 millions d'euros annuels par le Shanghai SIPG, celui-ci habite un luxueux appartement de 400 mètres carrés en face de la somptueuse avenue shanghaïenne du Bund, selon la presse locale.
"On joue un bon football en Chine (...), ça monte en puissance. Et tous les grands joueurs qui viennent ici apportent une belle visibilité au championnat", assure Fernandinho, en référence aux autres stars Ramires (Jiangsu Suning), Pato (Tianjin Quanjian), Hulk (Shanghai SIPG) ou Carlos Tevez (payé 38 millions d'euros au Shanghai Shenhua).
"Nous, les footballeurs étrangers, on ne vient pas seulement pour l'argent. Mais aussi pour participer à cet essor du ballon rond", insiste-t-il.
Car dans son nouveau club, Fernandinho a un statut : c'est le joueur-star, il est titulaire indiscutable et évolue dans un stade d'une capacité de 60 000 spectateurs.
Au Brésil, il avait débuté au Flamengo, un prestigieux club de Rio aux nombreux supporters, et qui visait le titre. Le Chongqing Dangdai Lifan, 8e de la dernière saison (sur 16) a une ambition bien plus modeste : se maintenir en première division.
Mais Fernandinho, "très bien reçu", se dit "très heureux" dans le club et désireux de "travailler dur pour donner du plaisir aux supporters".
Steaks et films
Reste la barrière de la langue. Hormis "nihao" (bonjour) et "xiexie" (merci), le joueur ne parle pas chinois, et très peu anglais. Lorsqu'il est à l'entraînement, va à la banque, fait une course ou des démarches administratives, le club met à sa disposition un interprète chinois qui parle portugais.
Mais l'ex-Carioca n'est pas totalement dépaysé : les entraîneurs-adjoints du club sont eux-aussi brésiliens. Et il reste en contact quotidien avec ses amis et sa famille via une application mobile de messagerie.
Côté nourriture, par contre, Fernandinho ne s'est pas vraiment habitué à la cuisine chinoise. Et reste un fervent adepte du "churrasco", le barbecue brésilien qu'il déguste régulièrement avec des compatriotes vivant à Chongqing.
"Au club, on connaît mes habitudes, on me prépare ce que j'aime : du riz, de l'omelette, parfois du poulet, des steaks. Et à la maison, je mange brésilien."
Parfois, il déjeune au Blue Frog, une brasserie branchée de cuisine occidentale et de burgers qui diffuse du football, avant de faire du shopping dans les magasins de prêt-à-porter de marques internationales.
Durant son temps libre, il aime surtout se reposer dans l'appartement qu'il loue. "Je joue à la PlayStation, je regarde des films (...) Des fois, je fais aussi du billard, du bowling, et du tourisme ailleurs en Chine."
Il a encore tout le temps de voyager : son contrat n'expirera que fin 2019. A-t-il pour autant envie de s'installer définitivement en Chine, voire de se marier avec une Chinoise ?
"Je veux jouer au football pendant un moment ici", répond-il en éclatant de rire. Sans rien exclure...