Mardi en Ligue des champions, plusieurs joueurs passés par Salzbourg portaient le maillot du RB Leipzig à Besiktas (défaite 2-0) : le gardien Gulasci, Keita, Ilsanker, Sabitzer ou encore le jeune Français Dayot Upamecano. Presque la moitié de l'équipe !
Depuis 2015, une douzaine de joueurs sont ainsi passés directement du club quatre fois champion d'Autriche (série en cours) à Leipzig, pour des prix défiant toute concurrence.
L'international guinéen Naby Keita, qui vient d'être revendu 70 millions d'euros à Liverpool pour la saison prochaine, était par exemple arrivé d'Autriche en 2016 pour 15 millions d'euros.
Au point que certains fans du RB Salzbourg, irrités de voir leur équipe se vider de ses forces vives, ont surnommé leur propre club : "le self-service de Leipzig".
Pour respecter les règlements de l'UEFA, qui interdit à deux clubs possédés par la même entité de jouer en même temps les compétitions européennes, Red Bull a officiellement abandonné toute fonction dirigeante à Salzbourg, pour ne garder qu'un contrat de sponsoring.
Et Ralf Rangnick, actuel directeur sportif de Leipzig, se concentre depuis 2015 uniquement sur l'équipe allemande, après avoir été pendant plusieurs années chargé du développement des deux clubs en même temps.
La morale (et le droit !) sont saufs. Mais les deux équipes ont toujours le même maillot.
Salzbourg, en fait, est un étage de la fusée imaginée par le milliardaire autrichien Dietrich Mateschitz, fondateur de la marque Red Bull, qui rêve de gagner la Ligue des champions, mais à sa façon: sans acheter de stars et en s'appuyant sur son réseau de détection et de formation des jeunes talents.
Le précédent de la F1
A ceux qui sourient de ses ambitions, Mateschitz rappelle que son arrivée en Formule 1 avait également été regardée avec scepticisme. Jusqu'à qu'il remporte quatre titres mondiaux. Avec une stratégie similaire de deux équipes, l'une préparant les champions de l'autre : Red Bull et Toro Rosso.
Salzbourg, au niveau inférieur, procède de la même façon que Leipzig. Il puise dans un réservoir de petits clubs autrichiens contrôlés par Red Bull, ou dans celui de la filière brésilienne, le RB Brasil, qui joue dans le championnat de l'Etat de Sao Paulo.
Et comme Leipzig, Salzbourg a également investi dans le "scouting", la recherche active de pépites partout en Europe, pour les attirer vers les centres de formation Red Bull.
Ce fonctionnement illustre la philosophie de Mateschitz, le mécène de 73 ans. Pour lui, la réussite doit être une réussite de son modèle, quitte à patienter quelques années de plus avant d'arriver au sommet.
En amont de l'équipe pro, la réputation des centres de formation de Leipzig et Salzbourg est désormais bien établie.
Leipzig, plus riche, n'hésite pas à proposer des contrats mirobolants -- plusieurs dizaines de milliers d'euros, selon la presse -- à des ados de 14 ou 15 ans.
Les "RB" n'ont ni Neymar ni Ronaldo, et en sont fiers. "Avant de faire signer un joueur, nous nous renseignons sur son caractère", assure Rangnick, la cheville ouvrière de cette réussite. "Pour le genre de football que nous pratiquons, nous avons besoin de +team players+, de joueurs collectifs. Nous ne voulons pas de joueur qui, après avoir marqué un but, s'échappe pour aller célébrer tout seul avec le public".
Les joueurs trop excentriques, couverts de tatouages ou aux coiffures trop visibles, ne sont pas non plus les bienvenus. Chez Red Bull, la star c'est le maillot.