Il y a environ trente ans une société commerciale lançait en Angleterre la Premier League, compétition rassemblant l’élite du foot anglais, s’affranchissant, ainsi, de la fédération anglaise. Voici que ces derniers jours les rumeurs d’un nouveau schisme bruisse de l’autre côté de la Manche.
Le 11 octobre dernier, Manchester United et Liverpool ont rendu public leur « Project Big Picture ». Ceci a été fait alors que les clubs les plus riches sont en train de faire les comptes des pertes financières subies par la Covid-19 et où l’English Football League (EFL) qui comprend les trois divisions professionnelles inférieures est au bord du précipice...
Le « Big 6 » à la manœuvre
Au départ, contrairement à ses habitudes, la réforme envisagée manifestait un souci d’équité et de solidarité. En effet, un fonds de sauvetage 250 millions de livres étaient destinées à l’English Football League en addition du quart des droits de diffusion TV pour les quatre premières divisions.
En contrepartie de cette manne financière, les exigences comprenaient : la réduction de la Premier League à dix-huit clubs au lieu de vingt actuellement, deux relégations automatiques en Championship (Ligue 2 anglaise), suppression de la Coupe de la Ligue (Carabao Cup) et de la Charity Shield en entrée de saison.
Cependant, un détail dans la refonte de la gouvernance de la Premier League attire l’attention. Le projet prévoit que les neuf clubs ayant le plus d’ancienneté aient des droits préférentiels. En clair, le « Big 6 » aurait plus de poids que les quatorze actuelles, pour adopter ou réfuter une réforme. Rappelons que le « Big 6 » est composé en réalité de neuf équipes : Liverpool, Manchester United, Manchester City, Chelsea, Arsenal, Tottenham, Everton, West Ham et Southampton.
C’est une véritable prise de pouvoir par les clubs les plus riches comme on le constate sur la plupart des ligues nationales européennes.
Le 14 octobre le projet a été repoussé par la Premier League et dénoncé comme un véritable coup de force, même par le gouvernement anglais plutôt libéral en la matière.
European Premier League
Mais, pour autant, le feu ne s’est pas éteint. Comme dans un poker menteur que l’on pourrait jouer sur un casino en ligne, où chacun abat ses cartes en fonction de la réaction de l’adversaire, les promoteurs du projet ont annoncée le 22 octobre qu’ils envisageaient de créer l’European Premier League.
A ce stade il n’y a pas grand-chose à craindre. L’idée d’une compétition européenne fermée nourrit depuis plus de vingt ans les fantasmes de certains. Pour le moment, la seule réponse de l’UEFA est d’accorder plus de faveurs au Gotha continental lors de la Champions League.
Cependant, la possibilité du développement d’une Ligue des champions fermée pourrait se concrétiser dans les années à venir. En 2018, « Football Leaks » avait révélé un projet extrêmement élaboré qui a amené l’UEFA à mettre en place une formule semi-fermée de la coupe aux grandes oreilles et qui pourrait voir le jour à l’horizon 2024.
L’European Premier League arriverait plus tôt et serait disputée en parallèle aux championnats nationaux. A terme elle pourrait remplacer la Ligue des champions et permettre à ses participants (seize ou dix-huit) de toucher des revenus colossaux. Elle serait composée du « Big 6 », le Real, le Barça, le Bayern, le PSG et la Juve.
Beaucoup d’argent en jeu
Le projet d’une European Premier League intéresse plusieurs investisseurs, parmi lesquels JP Morgan, la banque américaine. La FIFA serait aussi d’accord sur le principe, ce qui de fait piétinerait les prérogatives de l’UEFA et donnerait la bénédiction aux clubs d’y participer sans craindre une exclusion.
Au vu de la crise que traverse le football européen en raison du coronavirus, les événements pourraient s’accélérer.
Les clubs les plus riches qui ont subi de grosses pertes financières ont moins envie de partager un gâteau qui a tendance à se rétrécir. L’idée d’avoir un gâteau plus gros avec moins de parts à partager semble bien séduisante... Affaire à suivre !