"Rien ne peut décrire le sentiment des fans de football lorsqu'ils entrent dans le stade et entendent les chants", explique M. el-Kiey, cadre dans une banque au Caire.
"Nous sommes maintenant complètement privés de ça", dit-il, regrettant de ne plus connaitre le rituel du choix du t-shirt à porter le jour du match.
Les portes des stades du pays ont fermé une première fois après la mort de 72 supporteurs d'Al-Ahly en février 2012 dans des affrontements avec des supporteurs d'une autre équipe égyptienne.
En février 2015, les portes ont rouvert, mais 19 supporteurs de Zamalek ont été tués dans des violences. Et les autorités ont de nouveau fermé les stades.
L'absence de fans a fait baisser l'intérêt pour les deux équipes, du Zamalek comme d'Al-Ahli, qui à chacune de leurs rencontres vidaient les rues et provoquaient la paralysie dans la capitale égyptienne.
Jusqu'à dimanche dernier, le lieu où doit se dérouler leur prochaine rencontre n'avait pas été révélé. C'est finalement le petit stade Petrosport en périphérie du Caire qui accueillera le derby jeudi. A la télévision, les voix des joueurs peuvent être entendues pendant les matchs dans le stade vide et silencieux.
Les autorités interviennent souvent pour changer le calendrier des matchs en Egypte depuis la révolution de 2011 et la chute du président Hosni Mubarak, qui a ouvert une période d'instabilité dans le pays.
La rivalité entre les deux clubs cairotes a pris un tour nationaliste depuis le début du 20e siècle, chacun des deux prétendant être le plus égyptien dans ce sport apporté par le colonisateur britannique.
Al-Ahli jouit d'une immense popularité en Egypte et dans le monde arabe, où plusieurs clubs portent son nom dont un à Jeddah en Arabie saoudite, un à Dubai aux Emirats arabes unis et un autre à Benghazi en Libye. Zamalek dispose également d'une certaine popularité, notamment parmi les nations africaines.
"Tribunes virtuelles"
Si Al-Ahli a été champion de la ligue égyptienne plus de fois qu'aucun autre club avec 28 titres, Zamalek a toujours été son plus sérieux rival avec 12 titres. L'écart est moins impressionnant en Coupe d'Egypte avec 35 titres pour Al-Ahli et 25 pour Zamalek.
La rivalité ne se limite pas au public local ou même arabe, car les deux équipes sont des têtes d'affiche de la ligue africaine avec huit titres de champion pour Al-Ahli et cinq pour Zamalek.
Et les deux formations sont en concurrence permanente pour attirer les meilleurs joueurs d'Egypte et de la région. Mais ces derniers temps, le niveau des deux équipes n'est plus à la hauteur de leur palmarès.
"Le niveau technique des joueurs a baissé en raison de l'absence de supporteurs", explique à l'AFP l'analyste Amir Abdel-Halim qui écrit pour le site internet égyptien FilGoal.
"La motivation et l'enthousiasme manquent aux joueurs devant les tribunes vides", ajoute-t-il. Lors d'une rencontre à Dubaï en octobre 2015, les deux équipes ont pu livrer une meilleure performance devant un large public.
Depuis que les supporteurs ont dû déserter les stades en Egypte, ils se sont organisés sur internet. "La concurrence entre les supporteurs s'est déplacée vers les réseaux sociaux qui sont devenus les tribunes virtuelles", selon M. Abdel-Halim.
"Imaginez un jeune de 16 ans, fan de Al-Ahli ou Zamalek et qui n'a jamais mis les pieds dans un stade", dit-il. Par le passé, les performances en dent de scie de Zamalek ont permis à Al-Ahli de dominer le championnat.
Mais Zamalek a redressé la barre ces deux dernières années, empochant le titre de champion en 2015 et remportant les quatre dernière coupes d'Egypte.