Il y a quatre ans, Diego Costa avait fait une intrusion remarquée en équipe d'Espagne. Elle lui avait permis de se faire une place au chaud dans le groupe de la Roja pour la Coupe du monde au Brésil, son pays natal, qu'il avait aussi représenté. Cet épisode est la genèse de son histoire avec l'Espagne. Il suffit à rappeler ce qu'elle est. Une aventure tumultueuse, en pointillés, diffusant l'étrange impression que ce lutteur est une pièce rapportée dans une machine huilée, où tous les rouages se ressemblent. Or, accepter Costa, c'est accepter sa différence.
Lopetegui n'a jamais coupé les ponts
Après sa prise de fonction, Julen Lopetegui a rapidement cerné le malaise. "S'il est avec nous c'est qu'on considère que sa présence est importante. Nous l'aimons comme il l'est". La rhétorique est claire, les mots frappent. Dans sa logique de reconstruction, Lopetegui a bien l'intention de varier ses armes. Il ne remet pas le projet de l'Espagne en cause, mais il y impose sa griffe. Et Costa en fait partie. Le couac, c'est que le calvaire de l'Espagnol à Chelsea a compliqué l'affiaire, forcément. En conflit ouvert avec Antonio Conte, l'Hispano-Brésilien a disparu des radars l'année passée. Ce schéma en club s'est logiquement calqué en sélection, où il a fait sa dernière apparition le 23 mars 2017.
Julen Lopetegui, lui, n'a jamais coupé les ponts. À l'entame d'une saison internationale qui doit idéalement amener la Roja à son apogée pour la Coupe du monde, le technicien a fait passer un nouveau message. Factuel, toujours. "L’été de Diego a été difficile, étrange et compliqué. C’est encore un joueur de Chelsea, c’est un problème. Nous espérons qu’il va vite résoudre sa situation. Il faut qu’il s’entraîne, qu’il dispute des matches. S’il veut être considéré par la sélection, il faut qu’il joue." Une façon de rappeler que la porte n'était pas fermée. Il y a huit mois, les cartes étaient donc entre les mains de Diego Costa. C'est ce qui a dicté son plan.
L'attaquant espagnol n'a pas attendu le mercato d'hiver pour se mettre d'accord sur les conditions d'un retour à l'Atlético de Madrid. Ce club est resté sa maison. Parce qu'il lui ressemble, déjà. Et surtout parce qu'il lui a permis d'entrer dans la dimension des attaquants qui comptent. Dès l'opération bouclée, Costa a patienté comme un lion en cage jusqu'au cœur de l'hiver. Son Atléti avait changé, un peu. Romantique et vétuste, le vieux Calderon a laissé place au Wanda Metropolitano, cette enceinte modernisée où les Colchoneros ont pris leurs aises.
Il a aussi découvert Antoine Griezmann, nouveau personnage central de l'équipe, mais ce lifting ne l'a pas bridé. Parce que le bonhomme est resté le même. Agile, fougueux, impétueux. Pour son premier match contre Getafe (2-0), le bougre a débloqué son compteur avant d'être exclu sévèrement pour un excès de zèle. L'image a presque fait sourire les amoureux du club.
Son retour aux sources est un choix payant
Il aura suffi d'un retour aux sources, finalement, pour que Diego Costa redevienne ce qu'il a toujours été. Le ciel s'est dégagé pour tout le monde, d'ailleurs. Son association avec Antoine Griezmann a renforcé son apport avec les performances éblouissantes du Mâconnais à ses côtés. Le rappel du buteur en sélection espagnole ne souffre donc d'aucune contestation sur le plan purement sportif. Et le comble de l'histoire, c'est que Diego Costa a récupéré numériquement la place d'Alvaro Morata, longtemps plongé dans le brouillard à Chelsea, lui aussi... L'ancien Madrilène, antithèse de Costa, a commencé à se refaire la cerise la semaine passée, mais il aura d'autres réponses à donner.
Dans un pays où les milieux créatifs pleuvent comme des perles, le poste d'avant-centre est devenu un sujet sensible. Personne n'a oublié la parenthèse de l'Euro 2012, où Cesc Fabregas avait enfilé ce costume incommode de faux numéro 9. Personne n'a oublié, non plus, les prestations soporifiques de Costa pendant le Mondial brésilien. Mais la suite a prouvé que le problème de cette grande nation dépassait largement ce simple rôle. C'est une grande partie du casting qui était à refaire.
D'autant que la concurrence en pointe, Morata donc, mais aussi Iago Aspas ou Rodrigo Moreno, n'a pas à effrayer le buteur de l'Atlético. Il n'y a qu'à voir le retour d'un dinosaure comme David Villa en fin d'année dernière pour s'en convaincre. "Pour moi, il a beaucoup de bonnes qualités, et aussi d'autres aspects qu'il peut améliorer, avait encore rappelé Julen Lopetegui. Nous, on veut qu'il ait cette rage. Pas dans l'excès, mais un peu. Parce c'est comme ça qu'il s'exprime. Nous aimons cette partie de lui, et nous voulons la stimuler." Les prochaines échéances - contre l'Allemagne vendredi, puis l'Argentine mardi prochain - résonnent assez fort. Diego Costa le sait, il joue très gros. C'est au printemps que les destinées basculent.