La vice-présidente de la Fédération, 48 ans, porte depuis 2014 la candidature française couronnée de succès. Pas une réunion majeure ni un déplacement stratégique sans elle.
L'ancienne joueuse internationale et professeure d'éducation physique a un agenda de ministre et un enthousiasme débordant. Un débit mitraillette qu'elle ponctue de "c'est génial" et autres "c'est dingue" pour décrire le grand coup d'accélérateur que la compétition va donner au football féminin.
"Je ne vous dis même pas ce que je ressens. J'ai vraiment l'impression d'être à ma place, de servir une cause qui est de permettre à toutes les jeunes filles de jouer au foot, juste parce qu'elles aiment ça, de rêver de gagner des Jeux olympiques et des Coupes du monde comme c'était mon cas. Sauf qu'aujourd'hui, elles peuvent le faire. Franchement, c'est énorme !", lance-t-elle dans un entretien accordé à l'AFP.
Campanile et Flunch
Un monde sépare l'équipe de France qu'elle a connue et celle des Wendie Renard, Eugénie Le Sommer et Amandine Henry, qui se lancent à l'assaut du Mondial vendredi au Parc des princes.
Souvenir des Bleues en février 94, contre l'Ecosse, en banlieue parisienne : "C'était à Ozoir-la-Ferrière (Seine-et-Marne), il devait y avoir 1500 personnes, nos familles et les invités. On était logé à Saint-Maur, au Campanile je crois, on était trois par chambre, on s'entraînait sur un terrain stabilisé. Mais c'était génial".
Et dans ses clubs successifs, à Poissy, Juvisy, puis Soyaux (près d'Angoulême) : "On faisait les voyages en bus parce que ca coûtait trop cher. On s'arrêtait sur l'autoroute pour manger au Flunch et on allait direct' au match. Dès fois, le repas restait un peu sur l'estomac...".
"Je suis du fourgon où on disait que le foot féminin était dangereux pour la santé, la procréation et la féminité, même si c'était moins pire que pour celles qui étaient là dans les années 80", décrit-elle.
Les crampons raccrochés, toujours en parallèle de sa carrière d'enseignante, elle gravit les échelons de dirigeante. Adjointe au Pole France de Clairefontaine, elle encadre une "génération dorée française, Sonia Bompastor, Laura Georges, Camille Abily, Laure Bouleau"... Puis obtient le poste de manageuse générale de la section féminine du PSG en 2009-2010, avant que le club renonce (temporairement) à ses ambitions en la matière pour se concentrer sur les garçons...
C'est finalement le patron de la Fédération Noël Le Graët qui la recrute en 2011, avec une mission simple : rattraper le retard de la France dans un football féminin largement dominé par les Etats-Unis ou l'Allemagne.
"J'ai demandé quatre rendez-vous à Noël Le Graët avant d'accepter, alors qu'il raconte souvent que quand c'est des hommes, dans la seconde qui suit, ils disent oui... Sur ça on a un vrai travail à faire", sourit-elle.
"Je ne suis pas féministe"
Alors que la Coupe du monde n'est pas encore au programme, les objectifs sont déjà ambitieux, passer la barre des 100 000 licenciées, donner enfin un peu de visibilité à une pratique largement en retard, et sont atteints. La Fédération compte aujourd'hui 185 000 pratiquantes (contre plus de 2 millions chez les garçons) et mise sur le Mondial pour dépasser le cap des 200 000.
"Je sais tellement pourquoi je suis là. Je compte les jours jusqu'à ce match d'ouverture le 7 juin au Parc, j'en ai rêvé toute ma vie", confie-t-elle encore.
Dans un monde du football dominé par les hommes, Henriques incarne ces rares dirigeantes à occuper des postes clés, comme la secrétaire générale de la Fifa Fatma Samoura, la présidente de la Ligue française de football Nathalie Boy de la Tour, la directrice générale de la FFF Florence Hardouin ou celle du club de Chelsea, Marina Granovskaia.
Elle refuse pourtant l'étiquette de féministe, "non, même s'il paraît qu'on l'est toutes un peu". Pragmatique, elle défend "un cheminement pour convaincre les hommes à la mixité, ne surtout par leur rentrer dedans en disant 'vous êtes des machos', c'est très vite contre-productif".
En février, lors d'un colloque sur le football féminin, quand certaines intervenantes déploraient le "scandale" des écarts de salaires et de primes XXL entre joueuses et joueurs, Brigitte Henriques n'avait pas voulu s'appesantir sur le sujet.
"Très sincèrement, je préfère qu'on mène le combat de convaincre les partenaires de s'engager et faire le pari de l'économie du foot féminin. De faire en sorte que le sport féminin rapporte de l'argent pour enclencher ce cercle vertueux. Après, il n'y aura plus le souci d'égalité salariale".