L'OGC Nice a changé. Par les résultats, pour le moment éloignés de ceux obtenus la saison dernière, mais aussi par la structure du club qui s'est largement embellie avec un centre d'entraînement flambant neuf. C'est dans ce bâtiment qui n'a rien à envier aux plus belles structures européennes que Christophe Jallet nous rejoint pour aborder la situation du club et le match à venir face à l'Olympique lyonnais, le club qu'il a quitté l'été dernier. Lucide et éclairé sur les difficultés de son équipe, l'international français a de bonnes raisons de croire que demain sera un jour meilleur.
En début de saison ce Nice-Lyon était coché sur le calendrier comme un match entre deux candidats au podium…
Christophe Jallet : C’est vrai que ça pourrait être un match de haut de tableau. Ce n’est pas le cas parce que nos résultats ne sont pas à la hauteur de nos espérances. Ce sera tout de même un match de haut niveau entre deux équipes qui produisent du jeu, qui ont l’ambition d’aller vers l’avant pour marquer des buts. Il n’y aura pas le reflet au classement mais je pense que ce sera un super match.
Que manque-t-il à l’équipe par rapport à la saison dernière ?
Techniquement et qualitativement on a un super groupe. Mais on est en cruel manque de confiance et ce ne sont que des petits détails qui jouent en notre défaveur. Dans ces circonstances c’est difficile d’être serein quand on joue. Une fois qu’on aura passé cette crise de confiance, on verra le vrai visage de l’OGC Nice.
Les victoires redonnent naturellement de la confiance. Comment la retrouve-t-on pour gagner de nouveau ?
Chacun travaille dur à l’entraînement pour inverser cette spirale négative. Après, Il y a des matches référence qui peuvent nous permettre de franchir des caps et celui qui arrive face à Lyon en sera un, je l’espère, pour notre apprentissage collectif.
Le style de jeu de l'OGC Nice peut-il être un frein pour redresser une situation dans l'urgence ?
Oui et non. Ça ne nous ressemblerait pas de nous mettre tous derrière et de balancer devant. On aurait très peu de chances de gagner les matches d’ailleurs, on le voit parce qu’on est plus en danger et moins efficaces quand on recule. On sait que notre salut passera par le jeu parce que c’est l’identité du club. On a des joueurs pour jouer et puis de toute façon, sur le long terme, le jeu paye. C’est comme ça, les équipes qui cherchent à construire quelque chose et qui vont vers l’avant sont récompensées. On a une identité de jeu très forte, il faut la préserver.
Après les 3è et 4è places des deux dernières saisons, beaucoup pensaient que Nice était structurellement construit pour terminer durablement dans les 5 premiers du championnat. Est-ce le cas ou pas encore ?
En tout cas les infrastructures sont en train d’évoluer pour amener à de meilleures performances au quotidien. Il y a un état d’esprit général dans le club qui aspire à cette stabilité. Après il ne faut pas oublier qu’on a le dixième budget de Ligue 1 donc il n’est pas toujours possible de répéter la magnifique saison de l’an passé. Je pense que le club est sur le très bon chemin.
Une remontée jusque dans les hauteurs du classement est-elle un objectif réaliste ou est-ce qu’après un tel départ on pense simplement à sauver les meubles ?
Il faut être ambitieux et conquérant dans la vie. On n’a pas le droit de se contenter de regarder derrière. Quand on regarde le classement, on se dit qu’une série de deux ou trois victoires peut nous raccrocher au wagon de tête. C’est tout à fait envisageable mais tant que ça n’arrivera pas, on restera englués.
En cela l’OL n’arrive pas vraiment au bon moment, si ?
On se retrouve un peu dans la même situation que contre Monaco en début de saison (Nice restait sur 5 défaites en 6 matches toutes compétitions confondues, ndlr). On était dans le dur et on a su sortir les tripes, l’orgueil et la qualité pour les battre 4-0. Ce ne sera certainement pas le même match mais on sait qu’on a les armes pour battre n’importe quelle équipe.
Que pensez-vous de l’OL que vous rencontrerez dimanche ?
Je les ai vus jouer plusieurs fois cette saison. Après quelques difficultés ils sont bien revenus et ils m’ont impressionné contre Saint-Étienne. Ils ont des hauts et des bas mais j’ai l’impression qu’ils ont retrouvé un niveau de jeu collectif impressionnant. J’espère juste que Nabil Fekir sera un peu moins bon dimanche et qu’il nous laissera tranquilles (rires).
Nabil Fekir fait énormément parler de lui en ce début de saison. Vous qui l’avez côtoyé la saison passée et encore en équipe de France, êtes-vous surpris par le niveau de ses performances ?
Non parce que je l’ai vu à ses "débuts" pour sa première saison pleine en Ligue 1. Il a des qualités hors-normes d’explosivité, de dribble et de finition. Il a vraiment pris de l’ampleur. Je sais qu’il a beaucoup bossé à l’intersaison pour revenir à son meilleur niveau et c’est un très bel exemple pour montrer que quand on bosse dans la vie ça paye toujours. Il a bossé deux fois plus que les autres et c’est vraiment une belle leçon.
Le club a beaucoup changé l’été dernier avec un recrutement plus orienté vers l’étranger, avez-vous senti ce virage ?
On était obligés de le sentir puisqu’on arrivait à la fin d’un cycle avec plusieurs joueurs importants qui avaient envie de partir. Il y avait différentes stratégies pour les remplacer, je pense qu’ils ont voulu s’inspirer de ce qu’a fait Monaco avec, en plus, un centre de formation hyper performant avec des jeunes joueurs de très grande qualité. Ils ont un bel effectif, un stade magnifique et un super centre d’entraînement. C’est vraiment un top club et je suis heureux d’avoir pu vivre 3 années là-bas.
Il y aura d’un côté Bruno Génésio, qui a l’image d’un coach décrié, et Lucien Favre qui a contrario est encensé. Vous qui avez successivement travaillé avec les deux, quelles sont les différences dans leurs méthodes ?
Lucien est beaucoup axé sur le travail tactique et les mouvements collectifs, ce qui était peut-être un peu moins le cas avec Bruno mais Bruno a un rapport humain qui est supérieur. Il a toujours vécu à Lyon, son cœur bat pour l’Olympique lyonnais et du coup, ça transpire. Ce sont deux hommes de très grande valeur que j’estime. J’avais déjà une très belle image de Lucien Favre de l’extérieur et elle est encore meilleure aujourd’hui.
Le travail tactique, c’est la meilleure façon de définir la méthode Favre ?
Il y a le travail tactique mais aussi et surtout avoir constamment l’envie de jouer. Ne pas avoir peur, se montrer, tenter des choses. Il ne reprochera jamais à un joueur de tenter quelque chose tant que c’est dans l’esprit du jeu. On fait tous des erreurs, mais il y a différentes façons de voir les choses. Certains disent qu’on ne fait pas une erreur si on dégage en touche, lui il préfère qu’on tente de relancer. Et c’est quelqu’un qui est vraiment toujours derrière son groupe.
"La Coupe du monde dicte un peu tout pour moi parce que ce sera ma dernière opportunité" À 34 ans, peut-on encore progresser au poste de latéral ?
Oui et surtout à ce poste où il y a une évolution permanente. On en demande énormément et toujours plus que ce soit offensivement ou défensivement, il n’y a jamais un match de latéral qui est abouti aux yeux des gens. On peut toujours progresser même sur des choses moins visibles comme la gestion des émotions, le travail tactique… Tant qu’on a envie et qu’on se donne les moyens, ce n’est pas une question d’âge.
Votre poste prend une importance capitale dans le football moderne.
(Il coupe). C’est clair. C’est assez éprouvant physiquement et il faut être concentré à la fois pour proposer une solution offensive et anticiper la perte de balle pour être placé défensivement. On nous en demande vraiment beaucoup mais c’est mieux. C’est quand même hyper intéressant de jouer à un poste un petit peu clé.
C'est un poste encore incertain en équipe de France en vue du Mondial. Vous y pensez souvent ?
C’est toujours dans un coin de ma tête, forcément, parce que c’est ça qui a dicté mon envie de rejoindre Nice. Je suis très content d’avoir une visibilité ici. Penser à la Coupe du monde c’est ce qui me permet de rester vigilant dans l’approche des entraînements, des matches, de l’hygiène de vie. Ça dicte un petit peu tout pour moi parce que ce sera ma dernière opportunité et ça arrive dans peu de carrières.
Qu’avez-vous pensé des prestations de Benjamin Pavard lors du dernier rassemblement ?
Je pense qu’il a fait deux bonnes prestations. Il n’a pas été absorbé par la pression et ce n’est jamais évident quand on fait ses premiers pas en Bleu. On sent qu’il est nature, il a une faculté d’adaptation intéressante parce qu’il peut jouer à plusieurs postes sans baisser de niveau. C’est un joueur qui a le potentiel pour s’inscrire en équipe de France dans le futur.
La dernière fois qu’un Niçois a participé à une Coupe du monde avec la France c’était en 1978… Toute une ville compte sur vous !
Pas que sur moi ! Il y a d’autres joueurs français dans le coup. Je suis un des espoirs parce que j’y suis actuellement mais la saison est encore longue. J’espère que j’y serai, mais pas seul.
Quels joueurs niçois pourraient vous accompagner ?
Arnaud (Souquet) au poste de latéral droit. Maxime (Lemarchand), je trouve que c’est vraiment un excellent défenseur. Alassane (Pléa) a été présélectionné et peut rentrer dans les plans de Didier Deschamps parce qu’il a vraiment un jeu qui est collectivement très intéressant.
Propos recueillis par Julien Quelen, à Nice.