74 millions d'euros pour attirer Cédric Bakambu en Chine. C'est le montant que devrait dépenser le club du Beijing Guoan en ce mois de janvier et cela placera l'attaquant congolais à la 16e place du classement des joueurs les plus chers de l'Histoire, devant Zlatan Ibrahimovic et Kaka. Si le marché chinois a affiché des promesses financières illimitées à ses débuts, la réalité du moment en est loin. La faute à un gouvernement ayant décidé de redistribuer les cartes.
Un ralentissement des investissements
Après avoir multiplié les transferts XXL, les clubs chinois ont été bien sages ces derniers mois. Il faut dire que l'été dernier, la fédération chinoise avait annoncé la mise en place d'une taxe destinée au développement du football local. Appelée "taxe 100%", elle oblige les clubs recrutant un joueur étranger pour plus de 6 millions d'euros (45 millions de yuans) à s'acquitter du même montant sous forme d'une taxe. Une condition est néanmoins requise : que le club acheteur présente un bilan économique déficitaire. En d'autres termes, si un club dans le rouge décide de sortir le chéquier pour recruter un joueur étranger, il passera deux fois à la caisse. L'argent de la taxe est mis dans un fonds d'investissement chargé d'aider au développement du football chinois à travers des centres de formation locaux et d'autres initiatives 100% chinoises. Si, par contre, le club possède un bilan financier excédentaire, il ne sera pas soumis à cette redevance.
Si l'on compare le mercato hivernal 2016/17 à celui de cette saison 2017/18, le constat est évident. S'il reste encore du temps aux clubs chinois pour inverser la courbe, la tendance n'est plus aux investissements démesurés. Si l'hiver dernier, Oscar (60 millions d'euros), Ighalo (24 millions d'euros), Witsel (20 millions d'euros), Tevez (salaire de 38 millions d'euros par an) avaient rallié la Chinese Super League, rejoignant ainsi les Alex Texeira (50 millions d'euros), Jackson Martinez (45 millions d'euros), Ramires (28 millions d'euros), Gervinho (19 millions d'euros) arrivés un an plus tôt, ce mercato hivernal est des plus calmes avec le seul Bakambu (74 millions d'euros avec les taxes) pour tête de gondole et un montant cumulé de dépenses de 5 millions d'euros sans le Gabonais. La Chine fait-elle face à une stagnation des flux financiers ?
Les clubs chinois accumulent les dettes
Portés par de riches propriétaires, les clubs chinois n'ont pas forcément l'œil à la dépense. Lors d'un rapport publié fin décembre par le cabinet d'audit PricewaterhouseCoopers, la dette cumulée des clubs de Chinese Super League atteignait les 500 millions d'euros. Avec des dépenses estimées en 2017 à 1,4 milliards d'euros et seulement 900 millions de revenus, la balance économique penche dangereusement. Tant que les riches propriétaires sont au commande, la CSL ne craint rien, mais en cas de plusieurs départs, que deviendrait ce championnat dopé par des joueurs étrangers surpayés ?
Les revenus commerciaux des clubs chinois représentent 64% de leurs revenus, suivis des droits TV (14%), des revenus tirés des transferts (11%), des subventions du gouvernement (6%) et du ticketing (3%). La dépendance aux revenus commerciaux s'explique en partie par la présence de ces généreux investisseurs, impliqués dans différents business dans leur pays, et n'hésitant pas à utiliser une entité pour en financer une autre. C'est ainsi qu'en 2017, Guangzhou Evergrande, Beijing Guoan, Shandong Luneng et Shanghai Shenhua avaient tous un sponsor maillot issu du giron de leurs propriétaires. Un autofinancement qui n'échappe à personne.
Le gouvernement veut plus de "local"
Il ne se passe désormais plus un mois sans que le gouvernement, via la fédération chinoise de football, annonce de nouvelles règles à suivre pour les clubs de Super League, afin de protéger les joueurs locaux. Le mois dernier, elle a par exemple annoncé que si un club chinois voulait utiliser son quota de joueurs étrangers à chaque match (3), alors il devra aligner autant de joueurs chinois âgés de 23 ans ou moins. Si une équipe débute par exemple un match avec trois joueurs étrangers (quota maximum), alors trois joueurs chinois U23 devront également être présents dans l'équipe-type. Si l'entraîneur n'aligne qu'un jeune joueur local, alors un seul joueur étranger le sera également.
Cette mesure restrictive vise à donner du temps de jeu aux jeunes footballeurs chinois en contribuant à leur développement. En 2017, les clubs de CSL n'avaient pour seule contrainte que d'aligner titulaire un joueur U23 par match. Résultat, de nombreux entraîneurs n'attendaient que quelques minutes de jeu pour le remplacer par un joueur plus expérimenté. Avec cette nouvelle règle, les techniciens ne pourront plus tricher.
En 2018, le gouvernement a également décidé d'abaisser le contingent de joueurs étrangers par match. Les clubs ne peuvent pas enregistrer plus de 6 joueurs étrangers par saison, contre 7 précédemment. Seuls 4 d'entre eux peuvent être alignés sur la feuille de match, contre 5 auparavant. Les dirigeants chinois veulent que la CSL soit un tremplin pour les footballeurs locaux, et pas seulement une maison dorée pour les joueurs européens et sud-américains dragués par les milliardaires du pays.
Preuve que rien n'est simple du côté de l'Empire du milieu, Beijing Guoan n'a toujours pas annoncé le recrutement de Cédric Bakambu, pourtant dans les tuyaux depuis 48 heures. Le club chinois essaye de trouver un moyen de contourner la taxe. Mais la fédération ne compte pas se laisser faire et a prévenu le club par courrier qu'il ne devra pas se mettre en infraction par rapports aux règles du marché des transferts. Le joueur africain le plus cher de l'Histoire devra attendre encore un peu avant de fouler les pelouses chinoises.
Johann Crochet avec Zhicheng Hu