Le match comptant pour les qualifications de la Coupe du Monde 2022 s'est soldé par un nul (0-0) mardi, devant une poignée de spectateurs, dont le président de la Fifa Gianni Infantino.
Il s'agissait de la première rencontre en compétition entre les sélections masculines des deux pays encore techniquement en guerre. Mais elle n'a pas été retransmise en direct et aucun journaliste étranger n'était accrédité.
Au-delà de la chronique sportive, l'ambiance de ce derby de la péninsule pose des interrogations réelles sur les perspectives de la coopération sportive intercoréenne, qui joua un rôle clé dans la détente observée en 2018.
Jusqu'à la dernière minute, les Sud-Coréens ignoraient que le match se jouerait à huis clos dans le stade Kim Il Sung.
"Nous nous attendions à voir 50.000 Nord-Coréens arriver à l'ouverture des grilles, mais personne n'est venu", a confié le vice-président de la fédération sud-coréenne (KFA) Choi Young-il à son retour jeudi matin à l'aéroport d'Incheon.
"Les grilles ne se sont jamais ouvertes. J'étais vraiment surpris, comme les joueurs et le sélectionneur."
- "Beaucoup d'insultes" -
Le dirigeant a dit avoir confié son désarroi quant à cette absence de spectateurs à un homologue de la fédération nord-coréenne qui lui a répondu: "Peut-être qu'ils ne voulaient pas voir ça."
Capitaine des Guerriers Taeguk, comme est surnommée la sélection sud-coréenne, la star de Tottenham Son Heung-min a été sidéré par l'agressivité de l'adversaire.
"Le match était très agressif, et rentrer sans être blessé est un exploit", a déclaré l'ailier. "Les Nord-Coréens étaient vraiment à cran. Il y avait beaucoup de sales insultes."
M. Choi, lui, ne se rappelle pas avoir déjà vu un tel niveau d'agressivité sur une pelouse: "C'était comme la guerre."
Force est de reconnaître que le contexte diplomatique est plombé depuis plusieurs mois sur la péninsule. Pyongyang a multiplié les essais de missiles pour protester notamment contre des manoeuvres entre la Corée du Sud et les Etats-Unis.
Le Nord, qui a claqué la porte des négociations avec Washington sur le nucléaire, écarte en outre toute relance du dialoque intercoréen.
On est donc loin des effusions de 2018, quand le président sud-coréen Moon Jae-in avait profité des Jeux Olympiques de Pyeongchang pour briser la glace et rencontrer trois fois le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un.
Les deux hommes avaient même lancé un projet de candidature commune à l'organisation des JO de 2032, qui semble désormais très hypothétique.
- La diplomatie du sport en échec -
La rencontre avait beau être historique, l'agence officielle nord-coréenne KCNA a fait le minimum dans son compte-rendu. Une seule phrase: "Le match d'attaque et de contre-attaque s'est terminé par un nul."
De son côté, le quotidien sud-coréen Joongang Daily se montrait jeudi ironique dans un éditorial: "Nous devrions peut-être juste remercier la Corée du Nord d'avoir permis que nos joueurs de football rentrent sains et saufs."
"Comment la Corée du Sud peut-elle envisager coorganiser les Jeux Olympiques avec un homologue aussi fourbe?"
M. Infantino a aussi confié sa déception: "J'avais hâte de voir un stade plein pour ce match historique mais j'ai été déçu de voir qu'il n'y avait aucun spectateur dans les tribunes."
"Nous avons été surpris de cela et par plusieurs autres points, concernant notamment la retranmission en direct et les problèmes avec les visas et les journalistes étrangers", a ajouté le président de la Fifa dans un communiqué.
En l'absence de reporters étrangers, le seul écho du match est venu des sites de la Fifa et de la Confédération asiatique (AFC) qui étaient autorisés à divulguer le minimum d'informations factuelles.
M. Infantino avait auparavant suggéré l'idée d'une candidature commune pour l'organisation de la Coupe du Monde féminine de 2023. Mais nombre de Sud-Coréens se montrent de plus en plus sceptiques quant à la diplomatie du sport.
"Comment un pays qui interdit les retransmissions en direct et la présence de supporteurs pourrait organiser une Coupe du Monde", interrogeait un internaute.