"Il n'y a rien de plus beau, je suis très heureux que mon élève ait fait mieux", commente Miroslav Blazevic, qui avait eu Dalic à ses côtés quand il entraînait le club de Varazdin, ville du nord de la Croatie.
Blazevic décrit son disciple comme un "psychologue, pédagogue" : "il a créé une atmosphère 'tous pour un, un pour tous', une ambiance familiale dans l'équipe, et ça ce n'est pas donné à tout le monde", poursuit dans la presse croate ce technicien passé à la postérité pour sa demi-finale en 98 et pour avoir porté un képi en hommage au gendarme Nivel agressé pendant le tournoi par des hooligans.
"Dalic est droit. Il est honnête, ne ment jamais. Les joueurs suivent Dalic." Cette rectitude fait du bien dans un football croate rongé par les affaires.
Le sélectionneur actuel a d'ailleurs été fait citoyen d'honneur de Varazdin, où il avait joué au milieu de terrain et où il avait commencé sa carrière de coach avec Varteks. A l'entrée de la ville, sur un grand panneau, on peut lire "Humble mais grand", avec une photo du coach dans sa chemise blanche fétiche.
Sa nomination avait tout du pari. Joueur, il n'était pas passé par la sélection, mais avait été adjoint du coach des Espoirs, à une époque où les stars actuelles, comme Rakitic, y étaient.
La mission était vertigineuse : remplacer au pied levé Ante Cacic, au lendemain d'un nul contre la Finlande (1-1), alors que les Vatreni ("Les Flamboyants") risquaient d'être absents en Russie et n'avaient plus qu'un match en éliminatoires à jouer 48 heures après...
Le choix de cet homme de 51 ans, originaire de la Bosnie voisine, avait été décrit à l'époque par Davor Suker, figure de l'équipe de 1998 et aujourd'hui président de la fédération, comme une "thérapie de choc".
"Il n'y a pas eu de négociations, j'ai juste accepté parce que c'était le rêve de ma vie d'entraîner l'équipe de mon pays. Je n'ai pas douté", a confié cette semaine ce père de deux fils aujourd'hui adultes.
Et la Croatie gagnait donc le match en Ukraine (2-0) synonyme de séance de rattrapage en barrages, contre la Grèce. "Je n'ai pas mis de conditions après le match d'Ukraine, j'ai travaillé six semaines sans contrat - j'ai dit 'on verra après le match contre la Grèce'. Que veut dire un bout de papier si mon pays n'est pas qualifié pour le Mondial..."
Les Croates écrasent les Grecs 4 à 1 à l'aller et le retour n'est plus qu'une formalité (0-0). Le billet pour le Mondial russe est en poche. La suite est connue, avec notamment la correction infligée à l'Argentine de Lionel Messi en poules (3-0) et cette route escarpée jusqu'en finale, avec trois matches en prolongation.
A l'image de la carrière du bonhomme. "J'ai toujours choisi le chemin le plus difficile. Je suis allé à l'étranger dès que j'ai trouvé un travail - en Europe, nous ne sommes pas respectés même si des entraîneurs croates ont bien réussi."
"En Europe, vous voulez des grands noms... J'ai commencé dans un petit club en leur disant 'grand nom, beaucoup d'argent, grosse erreur'. On a commencé en bas de l'échelle, (...) et je me suis fait un nom, j'ai entraîné parmi les plus grands clubs d'Asie", ajoute-t-il.
C'est en s'expatriant - en Arabie saoudite à la tête d'Al-Faisaly puis d'Al-Hilal, avant de rebondir aux Emirats arabes unis comme coach d'Al Ain - qu'il se fera effectivement repérer. Le goût des déménagements, il l'avait eu dès ses débuts en tant qu’entraîneur, passant de Rijeka, en Croatie, au Dinamo Tirana avec lequel il avait remporté la supercoupe albanaise en 2008.
"Rien ne m'a été servi sur un plateau, pas comme en Europe où certains ont des jobs dans des gros clubs parce qu'ils étaient des grands noms comme joueurs. Il y a de grands entraîneurs en Croate, Niko Kovac, Slaven Bilic... J'ai l'habitude de dire, 'donnez-moi le Real Madrid ou Barcelone, et je gagnerai des titres'." Il a une chance d'en gagner un, le plus grand, dès dimanche.