Manchester City est une nouvelle équipe cette saison. Plus fiable, plus sûre de son jeu, plus mature dans son approche des matches et sa gestion. La deuxième année de Pep Guardiola ne cesse de voir les records tomber. Après le succès face à Manchester United à Old Trafford dimanche (1-2), le club est parvenu à obtenir une quatorzième victoire consécutive, une performance unique dans l'histoire de la Premier League. Si des ajustements ont été réalisés par rapport à l'exercice précédent dans certaines zones du terrain, de l'intégration des latéraux - Walker et Mendy - aux changements de positions de De Bruyne et Silva, le poste de gardien a également connu un boulversement avec la substitution de Claudio Bravo. En recrutant Ederson en provenance du Benfica Lisbonne, le technicien catalan a fait le pari de poursuivre dans son optique de croire en un joueur capable d'apporter des valeurs ajoutées à son groupe dans le jeu. Et pour le moment, la résultante est considérable.
Le rôle de gardien de but a toujours été singulier. Poste à part dans le football, il a connu une évolution permanente au cours des dernières années selon Olivier Lagarde, entraîneur des gardiens à Amiens, notamment dans l'aspiration de relancer proprement de derrière : "Tous les clubs essaient de trouver ce gardien là car tout le monde tente d'avoir le maximum de possession de balle donc ils cherchent à repartir de derrière. Après il faut les qualités des joueurs défensifs pour le faire. En termes de gardiens, Neuer avait commencé même s'il a un très bon jeu long, il y a des gardiens comme Maignan, ici en France, qui le fait beaucoup car c'était la stratégie de Bielsa. Maintenant il faut voir si cela va être pareil avec le changement d'entraîneur. À l'étranger par rapport à cette philosophie de jeu, c'est certainement pour ça qu'ils l'on recruté, il y a Ederson à Manchester City car Guardiola voulait à tout prix un gardien sachant jouer aux pieds. Avec des qualités autres, Oblak est pas mal à l'Atlético Madrid", analyse-t-il pour 'Goal'. Puis de renchérir sur la transformation du statut : "C'est le poste qui a le plus évolué depuis l'interdiction de jouer avec les mains sur les passes en retrait."
Dans le football de plus haut niveau, un gardien est plus ou moins soliicité durant les rencontres en fonction du degré de domination que va avoir son équipe sur un match. Si Manchester City concède peu d'opportunités à ses adversaires, notamment car, par volonté propre, l'équipe bénéficie du contrôle du ballon, le portier en général doit posséder de nombreuses qualités afin de performer pour Olivier Lagarde : "Il faut des gardiens très toniques aujourd'hui, qui prennent de la place dans les buts avec une très bonne lecture des trajectoires et qui sont présents dans la participation du jeu. Aujourd'hui un gardien ne peut plus se permettre de rester dans ses six mètres, c'est fini ça. Il est nécessaire qu'ils suivent le bloc, participent au niveau du jeu aux pieds, dans le jeu aérien également. On ne peut plus dire que ce soit un 'gardien de handball' qui fait des super arrêts réflexes sur sa ligne car il ne va pas soulager son équipe et ne va pas augmenter la confiance de son groupe. C'est un joueur de plus qui sait se servir de ses mains, un des postes les plus complets dans le football."
L'objectif du gardien de but est clairement défini pour Olivier Lagarde : "Il a pour mission de capter le ballon à la base. Aujourd'hui certains s'enflamment rapidement sur des gardiens qui repoussent tout, cependant il y a des gardiens qui peuvent garder le ballon mais le repoussent, le mettent en corner, et un corner est un danger de plus sur votre but. Certains le repoussent dans l'axe alors qu'ils pouvaient largement le capter. Il faut qu'ils s'adaptent car il y a de plus en plus de monde devant eux, donc ils doivent avoir une grande vivacité des membres supérieurs et inférieurs afin de réagir à une action soudaine et doivent rester dans l'esprit de capter le ballon, de le garder, le respecter. Si on peut le garder, on le respecte. On le garde et à l'arrivée on relance et nous avons la possession du ballon."
L'homme qui ne voulait pas être gardien, Victor Valdés, que l'on peut très certainement considéré comme l'un des éléments majeurs dans certaines conquêtes de Ligues des Champions du Barça, notamment la finale 2006 face à Arsenal et Thierry Henry, avait exprimé ses sentiments sur son poste lors d'un reportage diffusé dans l'émission 'Informe Robinson' : "De l’âge de 8 ans jusqu’à 18, jouer en tant que gardien chaque semaine a été, pour le dire d’une certaine manière, une souffrance spéciale. Une souffrance constante au sujet de quelque chose que je ne voulais pas faire, jouer gardien, et que je ne comprenais pas. C’était un état d’anxiété à cause du fait de penser au match du week-end. Cela m’horrifiait de penser que le samedi il y aurait un match et je savais que ces 90 minutes seraient horribles. J’étais l’enfant typique qui, peut être, ne profitait pas de ce qu’il était en train de vivre. Tu finis par penser pratiquement que ta vie n’a pas de sens, elle n’a pas de sens… J’avais peur d’échouer." Depuis, le natif de L'Hospitalet a su envisager ce rôle d'une différente façon grâce à Guardiola qui lui a donné confiance en ses possibilités. Valdés ne voulait pas être séparé du reste de l'équipe, il voulait être un membre intégral du Barça et l'a été avec le coach catalan.
Pour Olivier Lagarde, le rôle du gardien est particulier : "À ce poste, une erreur ça se voit. Avec internet, la télévision, cela fait le tour du monde. À ce niveau, le gardien qui a peur d'échouer ne va pas aller loin, ne va pas jouer à haut niveau très longtemps. Il faut qu'ils soient très forts dans leurs têtes. En termes de mental c'est un poste à part, il faut en avoir beaucoup. Tout le monde dans sa carrière connaîtra des moments compliqués, même les plus grands. Neuer a fait des erreurs, Oblak, que j'aime beaucoup, en fait aussi. Ils se posent toujours la même question quand ils encaissent un but 'est-ce que je n'aurais pas pu faire quelque chose de mieux ?' ou 'qu'est-ce que je n'ai pas fait pour ne pas le prendre ?'.
D'une façon plus globale, le football prôné par Guardiola naît depuis les pieds de son gardien, avec la première passe capable de donner de la continuité, d''établir un avantage à partir de la fondamentale sortie de balle. L'entraîneur de Manchester City possède la défense la plus hermétique de Premier League en compagnie de Manchester United ainsi qu'un gardien anti-pressing en la personne d'Ederson. ''Quand j'étais au Bayern, on a joué Benfica et Ederson y était. On s'est dit ''c'est quoi ce truc ?'' Il a la capacité d'envoyer le ballon dans la surface adverse", a expliqué Guardiola. Auteur d'une double parade de premier ordre face à Lukaku et Mata à Old Trafford, Ederson a refusé que Manchester United égalise et renforcé par la même la croyance qui veut qu'un titre se gagne aussi avec un grand gardien. Nul doute que Manchester City en possède un dans ses rangs.