Enzo Maresca, un équilibriste en zone de turbulence

Chelsea n’est pas une équipe réputée pour la beauté de son jeu. Lors d’un après-midi riche en affiches alléchantes, il est probable que vous ne choisissiez pas de regarder son match. Et pourtant, Chelsea gagne - souvent à contre-courant - et fait dérailler bien des pronostics. Ce que le club accomplit passe souvent inaperçu, loin des projecteurs braqués sur les cadors du moment. Mais, que vous y croyiez ou non, Chelsea est redevenu une équipe compétitive, capable de viser très haut. Et aujourd’hui, c’est la Coupe du monde des clubs qui est dans sa ligne de mire.
Ce renouveau doit beaucoup à Enzo Maresca, un technicien aguerri dans l’art de garder le cap en pleine tempête. Depuis le début de la saison, l’Italien n’a cessé de faire face à des turbulences, parfois au sens propre. Aux États-Unis, par exemple, le huitième de finale contre Benfica a été repoussé de plus de quatre heures à cause d’une alerte orage, comme plusieurs autres rencontres du tournoi. Les Blues ont fini par s’imposer, mais au terme d’un match disputé dans des conditions surréalistes.
Maresca n’a pas mâché ses mots à l’égard de la FIFA. "Pour moi, ce n’est pas du football. Il y a déjà eu sept, huit, neuf matchs suspendus ici. Je pense que c’est une blague", a-t-il lâché sans détour, avant de pointer du doigt l’organisation : "Je comprends qu’on doive suspendre un match pour des raisons de sécurité. Mais si cela se produit aussi souvent, c’est sans doute que ce pays n’était pas le bon choix pour accueillir cette compétition." Maresca dit les choses franchement - à quiconque, sans détour.
C’est peut-être là l’un des ressorts de son succès. Beaucoup se souviennent encore du joueur qu’il fut : un milieu de terrain élégant, combatif, passé par la Juventus et devenu une figure du grand Séville. Un gant de velours sur des griffes d’acier, une image qui colle encore à sa peau d’entraîneur. Dès son arrivée à Chelsea, il a tenu tête au projet déséquilibré de Todd Boehly. Sans ambiguïté, il a affirmé : "Je ne travaille pas avec 42 joueurs. J’en gère 21. Que les autres aient 20 ans de contrat ou non, cela ne me regarde pas. Ce n’est pas mon problème."
La carrière d'Enzo Maresca en tant qu'entraîneur a commencé en juin 2017, lorsqu'il a commencé à travailler dans l'encadrement technique d'Ascoli où il exerçait en tant qu'entraîneur en secret car il ne possédait pas encore les diplômes. Peu de temps après, il est retourné à Séville pour devenir l'assistant de Vincenzo Montella qu'il a accompagné jusqu'à son limogeage à la fin de la saison 2017-18. Il a fallu attendre deux ans avant d'apprendre qu'il entraînerait l'équipe réserve de Manchester City.
Sa relation avec les 'Sky Blues' sera essentielle plus tard, mais avant cela, il a décidé de voler de ses propres ailes. Il lui a fallu trébucher en dirigeant Parme, où il comptait sur Gianluigi Buffon ou Franco el 'Mudo' Vázquez, jusqu'à son licenciement en novembre 2021. Et en juin 2022, après le départ de Juanma Lillo de City, il est revenu pour être l'un des adjoints de Pep Guardiola.
Il s'est bien formé aux côtés de l'entraîneur de Santpedor et en juin 2023, il est parti pour trouver sa première grande opportunité en Angleterre. Elle lui a été offerte par Leicester City, qui venait d'être relégué, et cela n'aurait pas pu mieux se passer : il est remonté en Premier League avec deux journées d'avance. Une montée qui lui a valu d'être recruté par Chelsea comme l'un des entraîneurs les plus prometteurs du paysage. Là, il a pris comme bras droit Willy Caballero, avec qui il a joué lorsque Malaga était en Ligue des champions et qu'il a retrouvé à Manchester.
L’un des atouts majeurs du Chelsea que construit Enzo Maresca, c’est la jeunesse. Le onze aligné en demi-finale contre Fluminense affichait une moyenne d’âge de 24,8 ans, avec Nkunku, Adarabioyo et Robert Sánchez comme joueurs les plus âgés… à seulement 27 ans chacun. Une base d’avenir est en train d’éclore, déjà récompensée par un premier titre - la Conference League face au Real Betis -, et qui pourrait en disputer un autre au PSG sur un match sec.
Cole Palmer, Pedro Neto, Moisés Caicedo et Enzo Fernández forment l’ossature de cette équipe, autour de laquelle Reece James, un "vétéran" de seulement 25 ans, tente de retrouver sa place. Madueke, Nico Jackson, le tout nouvel arrivant João Pedro… À coups de millions - 525 millions d’euros depuis l’été dernier - , même si Maresca s’acharne à minimiser l’importance des budgets, les Blues bâtissent un Chelsea plus compétitif en dépit d’une impression de recrutement parfois impulsif et désordonné. L’Italien, lui, a su poser ses limites, ce qui est essentiel pour donner de la cohérence à l’effectif.
Au final, même de manière irrégulière et en empruntant le chemin le moins escarpé, le club londonien a franchi les étapes une à une. Chelsea a tiré les leçons de la claque reçue face à Flamengo (3-1) lors de la deuxième journée, et depuis, chaque match a tourné en sa faveur. Di María a arraché la prolongation contre Benfica en égalisant à la 95e minute, mais les Portugais, épuisés et réduits à dix, ont fini complètement dépassés par Chelsea (1-4). En quart de finale, une énorme erreur de Weverton a offert le 1-2 aux Blues, et la recrue de João Pedro a fait basculer la demi-finale contre Fluminense en inscrivant un doublé
Reste à voir si face à un PSG en pleine dynamique, Chelsea aura une réussite similaire.. Mais l’histoire de Chelsea nous a souvent montré que plus la situation est périlleuse, mieux il s’en sort. C’est ainsi qu’est arrivée sa première Ligue des champions, sous la houlette d’un autre Italien, Roberto Di Matteo. Enzo Maresca, lui, apporte d’autres idées, mais pour l’instant, le pragmatisme reste la ligne de conduite pour atteindre le résultat.