Après le coup de tonnerre, l'orage est là: à deux jours de son entrée en lice dans le tournoi, lundi contre la République tchèque à Toulouse (groupe D), l'équipe double championne d'Europe en titre a fait les gros titres pour tout autre chose que le football.
En "Une" des quotidiens sportifs Marca et As, samedi, c'était De Gea qui s'affichait en pleine page plutôt que le match d'ouverture de la compétition la veille.
Bref, la pression s'accumule autour du gardien de Manchester United, accusé par une femme "témoin protégé" dans une enquête en Espagne d'avoir organisé une soirée, en 2012, au cours de laquelle des footballeurs l'auraient contrainte, ainsi qu'une autre femme, à avoir des relations sexuelles.
De Gea, qui n'aurait pas participé lui-même à ces agissements selon la presse, s'est défendu vendredi devant les médias en assurant que tout était "faux".
Et il a reçu le soutien de sa délégation: le sélectionneur Vicente del Bosque s'est dit rassuré par le démenti du portier et l'attaquant Pedro Rodriguez a déclaré samedi que les autres joueurs allaient l'"aider".
- 'Nous sommes avec lui' -
"Nous sommes avec lui, tous, et il s'est montré très tranquille, avec la tête froide", a assuré Pedro.
Avant le scandale, De Gea (25 ans, 9 sélections) semblait bien parti pour déloger l'emblématique Casillas (35 ans, 167 sélections), jugé vieillissant. Mais depuis vendredi, l'équation se pose autrement.
"Aura-t-il la tranquillité intérieure nécessaire pour jouer, à un poste où toute déconcentration peut provoquer un but ?", s'interroge samedi le directeur du journal As, Alfredo Relaño, dans un éditorial.
Et au-delà du mental, la morale pourrait aussi jouer, même si De Gea, qui n'est que mentionné dans l'enquête, n'est pour le moment accusé de rien. Il appartient au juge et au parquet de décider si la témoin est crédible et s'il y a lieu de convoquer le ou les footballeurs pour avoir leur version des faits.
Sur le terrain, aligner le gardien mancunien lundi pourrait l'exposer à une trop forte pression publique et médiatique. Mais ne pas l'aligner, c'est sans doute l'enfoncer moralement.
A l'inverse, Casillas apparaît remis en selle. Recordman des sélections avec l'Espagne, le capitaine n'a pas fait une grande saison avec son club, le FC Porto. Mais il reste le patron charismatique de la "Roja", qu'il a conduite au triplé Euro-Mondial-Euro entre 2008 et 2012, et son expérience peut compenser des performances déclinantes.
- Choix cornélien -
Le choix s'annonce donc cornélien pour Del Bosque, qui rêvait ces derniers mois de réussir une "transition douce" entre l'icône Casillas et la promesse De Gea, élu meilleur gardien du Championnat d'Angleterre 2015-2016.
"Nous examinerons tout cela comme nous devons l'examiner, rien de plus. D'abord l'aspect sportif, ensuite c'est un tout, nous devons être sûrs de ce que nous faisons, à tous les niveaux", a dit le sélectionneur à la radio espagnole Cadena Cope, sans trancher publiquement le débat.
En coulisses, le quotidien Marca a écrit samedi que Del Bosque comptait pour le moment s'en tenir à son projet initial, à savoir titulariser De Gea. Un sentiment partagé par Pedro: "Je pense que cette information (sur le scandale) ne va affecter en rien la décision", a dit l'ailier de Chelsea.
Au-delà de ce débat, le risque pour l'Espagne est de gaspiller trop d'énergie au lieu de penser à son premier match contre les Tchèques. "Je ne crois pas que cela va nous déstabiliser, même si cela n'arrive pas à un très bon moment", a reconnu Pedro.
"J'espère que ce ne sera pas une excuse pour ne pas avoir un rendement maximal", a conclu Del Bosque, contraint de trancher rapidement son épineux dilemme.