Le coup de gueule poussé par Jean-Pierre Caillot, le président du Stade de Reims, après le match contre Lille (1-1) dimanche dernier, n'est pas passé inaperçu. Réclamant un penalty non-sifflé pour une main du Lillois Soumaoro en fin de match, le dirigeant est venu pester contre l'arbitrage, et le VAR en particulier. Un discours qu'il maintient aujourd'hui, avec des mots quelques peu différents, mais toujours avec la volonté d'améliorer les choses. Et ce le plus rapidement possible.
On a beaucoup parlé de votre coup de gueule contre l’arbitrage, et le VAR en particulier, après le match contre Lille (1-1). Avec le recul, emploieriez-vous les mêmes mots ?
Jean-Pierre Caillot : La pensée serait probablement la même. Ce n’est jamais simple quand on reçoit 20 000 personnes dans son stade et qu’on voit son équipe faire un match de haute volée face à l’une des plus grosses écuries du championnat. Ce sont des grands moments de football. J’ai eu un sentiment de frustration, comme tous les gens qui étaient au stade. Dans ces cas-là, on pense tout de suite aux penalties précédents qui ont pu être sifflés contre nous. Il y en a quand même eu sept depuis le début du championnat, contre un seul en notre faveur. J’ai peut-être eu des mots forts, mais ça fait partie de mon rôle. J’ai voulu faire passer un message, ce qui ne m’empêche pas d’être très ouvert au dialogue. Je suis allé en parler avec Mr Garibian cette semaine. Il m’a rappelé l’honnêteté des arbitres, ce dont je ne doute absolument pas, d’autant qu’en tant que chef d’entreprise, je sais que rien n’est facile. En revanche, quand je revois les images et celles du match aller où on siffle un penalty très sévère contre nous, je me dis que c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. On ne peut pas subir constamment, il faut réagir. Je n’ai absolument pas honte de ce que j’ai dit, parce que je l’ai dit avec beaucoup de respect et de politesse. J’ai juste voulu faire entendre ma voix et elle a été entendue visiblement.
Quoi qu’il en soit, le débat sur le VAR revient régulièrement. Aujourd’hui, pensez-vous que c’est un échec ou, au contraire, avez-vous la volonté de faire avancer les choses ?
Il faut se rappeler où on était avant le VAR. Les arbitres nous disaient qu’ils souhaitaient des moyens pour éviter les erreurs. En tant que président de club depuis des années, j’ai connu des montées mais aussi des descentes. Et souvent quand vous descendez, vous pensez au penalty qu’a raté votre joueur clé, à l’erreur qu’a pu faire votre défenseur, et vous pensez aussi au but qu’on vous a refusé de façon anormale. Donc si on peut gommer ce genre de problèmes, je suis plutôt partisan du VAR et je l’étais encore mercredi puisque j’étais au Conseil de la Ligue et qu’on a voté une augmentation du poste de l’arbitrage. Il ne faut pas oublier que l’arbitrage français, le VAR comme la Goal Line Technology, sont payés par les clubs français. Je ne me suis pas opposé à ce vote, ce qui montre bien que je ne suis pas hostile à l’utilisation du VAR. Par contre, je résonne en tant que chef d’entreprise, et à partir du moment où vous mettez 6 millions ou 6,5 millions d’euros sur la table, vous êtes en droit d’avoir certaines exigences. Et mon grief, si tant est que j’en aie un, c’est de dire 'Ok, je peux comprendre que c’est une nouveauté, que les gens doivent se roder, s’habituer et peuvent faire des erreurs'. Mais il faut s’arranger pour apprendre de ces erreurs et les gommer. D’où ma réaction à l’issue du match contre Lille. Essayons d’avoir plus de cohérence dans les décisions qui sont prises, d’avoir des anciens arbitres même si j’ai conscience que ce n’est que la première année et qu’on n’a peut-être pas le vivier nécessaire pour cela. Mais on ne peut pas estimer qu’il y a main une semaine, et décider l’inverse la semaine suivante ou sur un autre match. Pour gommer ça, il faut qu’on ait régulièrement les mêmes personnes qui interviennent de façon régulière, ou en tout cas une cohérence dans les décisions. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
"Le fond de mon intervention était surtout d'améliorer le VAR" Dimanche dernier, vous avez mis le doigt sur un problème d’équité en annonçant penser que «Reims dérange à la 6e place». Qui pense cela selon vous, et pourquoi ?
Je pense que personne ne le pense, et très sincèrement j’ai dit ça parce qu’après avoir fait passer mon message, il était peut-être nécessaire d’amplifier un petit peu la chambre de résonance. Je l’ai dit avec mon sentiment de frustration de fin de match, mais très honnêtement, je pense que personne n’en veut au Stade de Reims. Et d’ailleurs, je ne suis pas tombé dans le complot. J’ai simplement posé la question. Et toutes les réponses que j’ai eues des journalistes et de l’environnement me confortent dans cette idée. On est en droit de se poser la question puisque personne ne nous attendait à cette place. Mais ce n’était pas le fond de mon intervention, qui était surtout d’améliorer le VAR.
En cette fin de saison, il va y avoir des enjeux sportifs et financiers importants avec la possible qualification européenne. Craigniez-vous que ces erreurs d’arbitrages, récurrentes de votre point de vue, puissent gâcher la fin de saison et vous porter préjudice ?
Non, et ce serait triste d’ailleurs. Au risque de vous surprendre, je fais cette intervention et cette déclaration pour le Stade de Reims, mais aussi pour le bien du football. Dans ma vie de président, j’ai connu des périodes beaucoup plus douloureuses et difficiles où le moindre point pouvait me faire descendre dans la division inférieure. Nous sommes promus, notre objectif était d’être dans les 14 premiers. Je pense raisonnablement qu’on devrait atteindre cet objectif voire faire mieux, mais ce n’est pas l’objet. Aujourd’hui, je pense plus à mes collègues de Guingamp, Dijon ou Caen, qui auraient pu avoir la frustration d’un penalty non-sifflé à la dernière minute comme ça a été le cas du Stade de Reims. Donc, j’ai parlé pour mon club, mais surtout pour l’ensemble du football car ce qui s’améliorera dans les mois ou les années à venir sera profitable pour tout le monde, y compris pour le Stade de Reims. Par contre, je n’ai pas dit ça à propos d’une éventuelle qualification en Coupe d’Europe. Ce n’est pas l’objectif de notre saison, on verra où nous mènerons les sept dernières rencontres.
Vous avez évoqué l’idée de faire appel à des anciens arbitres à l’assistance vidéo. L’idée, c’est quoi ? Avoir un œil juste ?
Je ne parle pas d’avoir un œil juste parce que ça voudrait dire que les autres n’ont pas un œil juste, mais il faut appeler un chat un chat, puisque personne ne le dit. Il y a beaucoup de la langue de bois dans le football, mais les gens qui sont aujourd’hui en charge du VAR sont aussi les gens qui interviennent sur le terrain dans un certain nombre de cas. Et tout le monde sait qu’aujourd’hui on parle de professionnalisation de l’arbitrage, que les arbitres sont notés, de même qu’un sportif de haut niveau à des comptes à rendre et des contrats à honorer. Moi, dans ma carrière, pour un point et voire pire, pour dix minutes, je me suis retrouvé en Ligue 2. Alors, pour un demi-point ou un point, l'arbitre peut se trouer et se retrouver dans la catégorie inférieure. Donc aujourd’hui, quelle est son objectivité totale ? Et je ne parle pas de malhonnêteté, mais de subconscient... De quelqu’un qui est dans la camionnette et qui doit donner à son concurrent des informations. Pour éviter ce genre de malentendu, je trouve que pour l’objectivité du VAR il est nécessaire que ce soit des personnes différentes, ou en tout cas qu’ils n’aient pas la même fonction.
"Je n'ai pas la volonté qu'on fasse marche arrière pour autant" La saison prochaine, une solution devrait être instaurée avec le système de visualisation des matches via une assistance vidéo centralisée à Paris. Qu’en pensez-vous ?
Techniquement, ce sera déjà plus simple. Aujourd’hui, les conditions de travail ne sont pas toujours optimales quand des cars régies sont déplacés. Peut-être est-ce une solution... Ça permettra peut-être de mutualiser les équipes, donc oui, ce sont probablement des éléments qui permettront de faire avancer le VAR. Mais je le précise bien. Contrairement à certains acteurs du football qui ont pris position ces derniers temps, je n’ai pas la volonté qu’on fasse marche arrière sur le VAR.
Votre volonté est donc surtout d’accompagner, d’améliorer ce système.
Oui, mais après c’est ce que j’expliquais à Mr. Garibian... À partir du moment où on dépense beaucoup d’argent, on a des exigences sur des résultats. Ça n’enlèvera jamais l’appréciation de l’arbitre, parce qu’on est dans le football et que c’est complètement légitime, mais il faut au maximum apprendre des erreurs, et au prix où on paye la période de rodage doit être la plus courte possible.
Avant le début de saison, Mr. Garibian et Mr. Fautrel rappelaient qu’ils faisaient de nombreuses visites dans les clubs, et qu'ils étaient très satisfaits de ce qu’on leur présentait. Avez-vous le sentiment qu’on vous a menti à un moment donné ?
Non, je n’ai pas du tout ce sentiment. Les gens sont de bonne volonté, il n’y a pas de débat là-dessus. Tout est analysé, tout est cadré, même si chacun est dans sa vision des choses et a peut-être une mauvaise foi légitime. Je dis mauvaise foi avec le sourire, parce que c’est ce que j’ai dit à Mr. Garibian avec beaucoup d’humour quand il m’a reçu et m’a montré les images. Jusqu’à la fin, même en essayant de faire preuve d’ouverture, je vois le penalty contre Lille et je ne vois pas le penalty contre Dijon. Et lui, avec ses yeux d’ancien arbitre et de défenseur d’une institution voit différemment les choses. Mais tout ça se vit en pleine convivialité et sans aucune animosité.
Propos recueillis par Benjamin Quarez, à Reims.