Q : Etiez-vous favorable à l'arrêt définitif des championnats ?
R : "Dès le début de la crise sanitaire, j'avais demandé que l'hypothèse d'un arrêt des compétitions soit étudié sérieusement, ce qui n'a pas été fait. Il y avait une telle obsession de continuer à tout prix qu'on a laissé cela de côté, une politique de l'autruche comme si on écartait le danger sans le regarder en face. Dans les derniers jours, j'étais parmi les présidents hostiles à la reprise parce que les conditions n'étaient pas réunies. Le Premier ministre a forcément pris la décision qui s'imposait. On l'a vu notamment avec le protocole médical qui nous était transmis."
Q : Vous ne le jugiez pas crédible ?
R : "Il était totalement irréaliste. Vous êtes dans un sport de contact, il est bien évident que la distanciation sociale est difficile à exercer. En dehors de ça, quand vous avez un protocole qui annonce que, compte tenu des conditions de la reprise, les risques de blessure musculaire sont multipliées par six... En tant que dirigeant, vous n'avez pas envie d'engager les joueurs dans cette aventure."
Q : Les modalités du classement final ont fait des déçus. Etait-il possible de concilier l'avis des clubs et l'intérêt général ?
R : "On est toujours soupçonné de défendre d'abord son intérêt propre. (...) Il y en a qui joue une place européenne, d'autres qui jouent pour monter. Je comprends l'irritation d'Ajaccio, de Troyes et Clermont qui étaient tout près de la montée automatique (en L1, ndlr) et qui n'auront pas l'occasion de jouer les barrages. Si on avait davantage anticipé, peut-être qu'au lieu de programmer dix journées de championnat en Ligue 2, on aurait dit +programmons les barrages+. C'est plus facile de faire trois ou quatre matches que plusieurs dizaines. En Ligue 2, on va plaider pour qu'on reparte à 22 clubs et qu'éventuellement il y ait un barrage entre le dernier et le troisième de National."
Q : Vous évoquiez une sorte de déni du foot français par rapport à un arrêt des compétitions. Qui visiez-vous, les clubs ou la Ligue ?
R : "Il aurait pu y avoir une approche plus équilibrée de la Ligue. Ils n'ont pas étudié cette hypothèse sérieusement. A partir du moment où ils ont été confrontés à la décision gouvernementale, on a été mis au pied du mur et c'est parti un peu dans tous les sens. Si on l'avait préparé plus en amont, ça se serait passé plus sereinement. Tout le monde avait envie de reprendre, moi le premier. Mais à un moment donné, il faut faire preuve de réalisme. N'importe quelle entreprise, face à une crise pareille, travaille l'hypothèse la plus noire. Ca fait même partie des fondamentaux. On peut toujours se dire que c'est théorique et qu'on se fait peur pour rien, mais de temps en temps ce n'est pas pour rien puisque ça arrive."
Q : L'exécutif de la Ligue, silencieux avant l'arrêt du championnat, a dénoncé la "cacophonie" émanant des présidents de clubs. Etait-ce blessant ?
R : "Peut-être pas blessant, mais désobligeant. Moi aussi je respecte les positions de Nathalie Boy de la Tour et Didier Quillot (présidente et directeur général de la LFP, ndlr), mais ils pouvaient éviter de faire cette sortie-là. Ils travaillent comme tout le monde. Il faut laisser les uns et les autres s'exprimer, ne pas cadenasser le débat. Il y a des silences assourdissants qui sont parfois plus gênants que des expressions personnelles et particulières. La vraie cacophonie n'est pas dans les déclarations des différents présidents -- raisonnables pour l'essentiel -- mais dans les non-prises décisions de la Ligue sur certains sujets importants. On a une crise qu'on n'a jamais connu en un siècle ou deux, comment voulez-vous dans une compétition où les clubs sont face à face, qu'il n'y ait pas des voix discordantes? L'exécutif de la Ligue s'est un peu trompé de cible en dénonçant la cacophonie et en mettant en évidence que certains parlaient quand eux travaillaient."
Propos recueillis par Jérémy TALBOT.