Hervé Renard, le baroudeur "bûcheur" pas encore prophète en son pays

Avec son teint hâlé, sa chemise immaculée et ses cheveux longs, "de l'extérieur on pense que c'est un play-boy, mais pas du tout". Pour le décrire, sa compagne Viviane Dièye préfère retenir sa "droiture, son franc parler et sa rigueur dans le travail".

Le nouveau sélectionneur de l'équipe de France féminine a gravi patiemment tous les échelons pour devenir un technicien réputé, ce qui n'était pas gagné d'avance.

"J'ai commencé ma carrière d'entraîneur en 1998, à 30 ans, en National 3 à Draguignan", rembobinait-il auprès de l'AFP à l'automne avant la Coupe du monde jouée avec l'Arabie saoudite, lors de laquelle les "Faucons verts" ont griffé l'Argentine de Lionel Messi.

Faute de succès balle au pied, le natif d'Aix-les-Bains file rapidement sur le banc: "Je n'ai pas fait la carrière de joueur dont j'aurais rêvé, et à juste titre (un seul match en L1 avec Cannes, NDLR), j'ai essayé de me rattraper en tant qu'entraîneur".

Il fait ses gammes dans les divisions inférieures et monte aussi son entreprise de nettoyage de villas sur la Côte d'Azur, RV Net, "un métier difficile" synonyme de courtes nuits et de "journées bien remplies".

Deux CAN gagnées

"Il est très humble, contrairement à ce qu'on pense parfois, il n'oublie jamais d'où il vient", racontait récemment à l'AFP Viviane Dièye. "Il a su garder la même humilité qu'à ses débuts", celle d'un "technicien bûcheur", complète Gaël Mahé, agent qui connaît Renard du temps où il secondait Claude Le Roy avec le Ghana (2007-2008).

La rencontre avec le "Sorcier blond", spécialiste du football africain, est un tournant majeur pour Renard. "Elle a changé mon destin", dit-il.

L'élève s'émancipe de son mentor en prenant la tête de la Zambie, notamment, avec qui il parvient à gagner la Coupe d'Afrique des nations à la surprise générale, en 2012. Trois ans plus tard, il récidive avec la Côte d'Ivoire, cette fois. Il dirige aussi le Maroc, notamment durant la Coupe du monde 2018.

Renard a bien tenté sa chance en France, mais ses passages à Sochaux (2013-2014) et Lille (2015) n'ont pas laissé un souvenir impérissable. Diriger les Bleues l'exposera bien plus aux yeux du grand public, avec le Mondial féminin cet été en Australie et, surtout, les JO de Paris en 2024.

Le "collectif" d'abord

Pour accomplir ce nouveau défi, le père de quatre enfants (sa compagne en a trois autres) a renoncé aux pétro-dollars de l'Arabie saoudite, où son lucratif contrat courait jusqu'en 2027, pour un poste largement moins rémunérateur, prouvant que l'argent n'était pas son moteur principal.

De quoi diminuer peut-être la "honte" ressentie par Renard vis-à-vis de sa mère, d'origine polonaise, qui l'a élevé seule dans une "éducation assez stricte".

"Elle faisait des extras pour arrondir les fins de mois. C'était parfois compliqué, mais on n'était pas les seuls. Aujourd'hui, elle est fière de moi, mais parfois, j'ai honte. Je ne peux pas lui dire les salaires qu'on touche dans le football", confiait-il en 2015 au quotidien Libération.

A la tête de l'équipe de France féminine, Renard sera chargé d'apaiser les plaies d'une sélection tiraillée depuis plusieurs mois par le management de Corinne Diacre, au sein d'un vestiaire où co-existent plusieurs fortes personnalités.

"J'accorde toujours plus d'importance au collectif", a-t-il l'habitude de dire. Cela tombe à pic.