Gareth Bale est à un carrefour de sa carrière. Un tournant à négocier avec prudence lors des prochains mois de compétition. À la clé, plusieurs routes à emprunter et autant de possibilités : partir du Real comme un prince, rester et reconquérir sa place au sein du onze ou être cédé sans gloire pour la moitié du prix qu'il avait coûté.
Mais à la vitesse à laquelle Bale se déplace, les virages sont forcément plus serrés. D'autant que sur sa feuille de route, il lui faudra éviter plusieurs obstacles. Les blessures, véritable fléau chez le Gallois, comme autant de cratères et nids de poule qui ont jalonné son parcours jusqu'ici, lui causant moult arrêts forcés aux stands.
Passeur décisif affûté 20 secondes après entré en jeu contre Fuenlabrada en Coupe du Roi, il a débloqué la situation et évité à son club un nouvel 'Alcorconazo' à domicile en créant deux buts pour Borja Mayoral, lui qui était absent depuis septembre dernier. À l'approche d'un Clasico déjà déterminant pour la suite de la campagne, Bale est apparu comme un sauveur qui se dresserait soudainement, la tunique éclairée par les néons de Bernabeu, avec la promesse solennelle d'aider le vaisseau mère à éviter une saison éclairée jusqu'ici au néant.
"C'est un avion, c'est un oiseau, non c'est Gareth Bale !", qui… se blesse de nouveau et qui se retrouve absent pour le match suivant à Bilbao. Tel un Superman qui boitillerait et traînerait la jambe en claudiquant vers la cabine téléphonique la plus proche pour se préparer, Bale est déjà en retard au calendrier des ambitions.
Alors qu'on espérait son retour face au Borussia Dortmund, contre qui il s'était blessé en septembre dernier après avoir sorti une belle prestation, Bale ne bouclera sans doute pas la boucle, lui qui ne s'est pas entraîné ce mardi. Un retour face à Séville ce samedi est possible, avec l'espoir d'éviter cette fois de se tenir l'arrière de la cuisse après un joli but ou une belle passe, telle une malédiction tenace, ou un script écrit à l'avance. Et pourquoi pas laisser, cette fois, la kryptonite au vestiaire
Car Madrid aurait bien besoin d'un sauveur et Bale en présente toutes les caractéristiques. Sa vitesse permettrait au Real de mieux exploiter différents schémas tactiques, qui mettraient en exergue son explosivité. Car là où un Isco organise l'espace devant lui, Bale le dévore.
En 4-3-3, en 4-4-2 sur un flanc, Bale, capable de permuter, de centrer des deux pieds et accessoirement de transpercer les filets depuis une distance respectable du pied gauche, offre des alternatives réelles et séduisantes au diamant émoussé de Zidane. Avec lui le Real garde sa capacité menaçante dans le jeu posé, mais reste tout aussi dangereux -sinon plus- quand il est acculé.
On se souvient bien du Real d'Ancelotti (et du Zidane assistant) , qui d'une seule relance pouvait prendre fatalement à revers un adversaire qui était pourtant tranquillement en train d'assiéger le but merengue quelques secondes auparavant. Ce but de Ronaldo lors du 0-4 à Munich en demi-finale de Ligue des champions 2014 sur un service de Bale en est la parfaite illustration.
Mais le joueur qui faisait l'objet de comparatifs glorieux et souvent à son avantage avec Neymar à son arrivée dans les quotidiens espagnols continue à alimenter aujourd'hui les colonnes des journaux ibériques, mais pour d'autres raisons. AS rappelait il ya quelques semaines les chiffres de la décadence de Bale, allant même plus loin en allant déterrer un autre joueur britannique ayant lui aussi connu les affres de la fréquentation outrancière de l'infirmerie madrilène : Jonathan Woodgate.
Cet ancien coéquipier de Bale à Tottenham a ainsi été convié à évaluer les malheurs du Gallois et l'impact psychologique que peuvent avoir les absences répétées dans un club aussi exposé médiatiquement que le Real Madrid. "Oui, il est souvent blessé, mais ce n'est pas forcément de sa faute (...). Je sais ce qu'il ressent. On est très seul quand on est blessé. Et tout le monde autour de vous parle. Blah, blah, blah. Il n'y a rien de pire (...). Mais Bale a un plus grand profil. Il est connu. Personne ne savait qui était Jonathan Woodgate", avait confié l'ancien défenseur merengue , qui avait joué 9 matchs en deux saisons à Madrid avant de repartir en Angleterre.
Bale l'a depuis détrôné en terme du prix de la minute jouée. AS calculait à la mi-novembre que Bale avait coûté 12 000 euros la minute de jeu ou 1 million d'euros par match, lui qui, avant son bref retour en forme de parenthèse contre Fuenlabrada, avait raté 40 des 60 derniers matchs de son équipe pour 99 matches manqués depuis son arrivée en 2013 au Real et surtout, 20 blessures en tout.
Les médias madrilènes, autant jaugeurs que modeleurs d'opinions chez le socios de base, ont donc rangé Bale dans la catégorie "problèmes potentiels" et non dans le tiroir des solutions miracles où figurent habituellement les prochaines recrues éventuelles à la mode ou le prochain jeune prometteur à surgir du centre de formation. À Madrid, ce n'est jamais bon signe.
De Formule 1 hyper-performante, Bale est devenu une voiture de collectionneur, précieuse et fragile, n'intéressant qu'ne poignée de collectionneurs et connaisseurs, du club anglais occasionnel à l'investisseur potentiel du Moyen-Orient. La bonne nouvelle, c'est qu'une fois réglé correctement, le moteur peut encore rugir et faire rougir les plus grosses cylindrées d'Europe. Le Real demande juste une dernière accélération.