Ghana : Un centre de formation pour rêver et apprendre à servir les autres

La jeune Patience a réussi à convaincre sa mère d’intégrer cette académie d’excellence située à une centaine de kilomètres à l'est d'Accra, car "Right to Dream" (RtD), ce n'est pas qu'une question de football : "C'est surtout l'opportunité de recevoir une bonne éducation", explique l'adolescente dans un anglais parfait.
Issue d'une famille très pauvre de pêcheurs, Patience a été remarquée parmi une centaine d'autres concurrentes pour son talent à manier le ballon rond.
Trois ans plus tard, ce qui a le plus changé chez elle, ce ne sont pas ses tirs au but : "Avant, je ne pouvais pas m'exprimer en public", confie-t-elle à l'AFP.
Avoir le droit de rêver, c'est pouvoir relever la tête et se faire une place dans la société : "Si un jour je peux jouer dans l'équipe féminine des Black Stars (l'équipe nationale du Ghana), c'est bien", explique Patience. "Mais ce n'est pas ce qui fera vivre ma famille. Je voudrais devenir comptable".
- Desailly, Abedi Pelé, Appiah, les Boateng... -
Les garçons terminent leur séance d'entraînement pendant que le soleil se cache derrière les collines. Pour eux, intégrer les clubs européens comme leurs compatriotes Marcel Desailly (Chelsea, équipe de France), Abedi Pelé (Bayern Munich), Stephen Appiah (Juventus Milan) ou encore les frères Boateng (équipes nationales ghanéenne et allemande) reste l'objectif numéro un.
Geoffrey Acheampong, ancien élève de RtD, vient de signer à Bastia, club français de Ligue 1. Son portrait a aussitôt rejoint le grand planisphère, trônant au centre de l’école, où sont épinglées les photos des étudiants sur leur lieu de transfert.
L'académie, fondée en 2000 par Tom Vernon, nouveau propriétaire du club danois FC Nordsjaelland, propose une formation réputée à travers le continent grâce aux sponsors (Nike, Tullow Oil), à des dons privés, aux pourcentages récupérés lors d'achats en clubs, mais aussi grâce au soutien financier des anciens élèves.
En 16 ans, l’académie a élevé plus de 30 joueurs au niveau professionnel, la plupart évoluant en France (Valenciennes, Lille, Lorient), en Angleterre ou dans les pays scandinaves, et a obtenu une quarantaine de bourses d'étude, notamment aux Etats-Unis. Car avant de devenir célèbre, encore faut-il terminer sa scolarité.
- Les pieds sur terre -
Hors des sentiers de l'académie, des milliers de jeunes Africains suivent, pour réaliser leur rêve européen, des agents frauduleux qui leur promettent l'entrée dans des clubs en échange de milliers d'euros. Mais "ils finissent bloqués en Europe, en Asie ou ailleurs, obligés de faire la manche pour survivre", se désole Ibrahim Sannie Daara, porte-parole de la Ghana Football Association, la fédération nationale qui compte plus de 40.000 licenciés.
"Beaucoup de jeunes ont des histoires personnelles tragiques car l'Afrique manque de structures pour développer leur potentiel", explique James Meller, directeur de l'académie. "Le départ vers l'Europe à cet âge critique du développement doit être préparé".
Mickeal Lion, 14 ans, revient d'une tournée mondiale avec sa classe qui l'a mené au Brésil et au Danemark. C'était la première fois qu'il sortait du Ghana. "Ça nous donne une petite idée de ce qui nous attend plus tard", affirme l'ado avec une assurance déroutante.
Parmi les citations qui ornent les murs de l'école, sa préférée est "Ne vous attendez pas à accomplir vos rêves, si vous n'êtes pas prêts à aider les autres à accomplir les leurs".
A chaque congé, lorsque les étudiants rentrent chez eux, ils doivent évaluer les besoins de leur communauté, monter un projet et travailler à récolter des fonds.
Ainsi Thomas Yegbor, 15 ans, issu d'un village voisin, a pu acheter des bancs pour son ancienne école primaire et octroyer un micro-crédit à une femme du marché pour ouvrir un restaurant.
Il espère porter un jour les couleurs de son pays. Mais avant, ce fils de petits agriculteurs compte poursuivre son parcours scolaire dans un lycée près d'Atlanta, grâce à une bourse d’étude.
"Si jamais le foot ne marche pas ou si je me blesse, je pourrai toujours me retourner", explique-t-il.
Apprendre à rêver, mais toujours en gardant les pieds sur terre.