Il y a peu de joueurs qui font preuvent d'autant de sincérité que l'attaquant belge. Surtout pour raconter une histoire aussi terrible que la sienne. Il a tenu à parler de cet enfer maintenant qu'il s'en est sorti et qu'il participe à son deuxième Mondial.
Son père, un migrant congolais qui a disputé le Mondial aux États-Unis avec le Zaïr, a dilapidé l'argent familial une fois sa carrière terminée. C'est là qu'a commencé le cauchemar.
"Ce qu'on a perdu en premier c'est la télévision par câble. Fini le football. Il y a des jours où ma mère devait emprunter du pain. Les boulangers nous connaissaient, moi et mon frère (Jordan, aujourd'hui à la Lazio), du coup ils nous laissaient prendre le pain le lundi et le payer le vendredi", explique-t-il.
Le point d'inflexion
Cependant, une scène à laquelle il a assisté quand il avait six ans lui a fait prendre conscience de la gravité de la situation. "Je savais qu'on luttait. Mais quand j'ai vu ma mère couper le lait avec de l'eau je me suis dit que quelque chose s'était cassé. Voilà ce que c'était notre vie à présent", a-t-il confié.
Même s'il était très jeune à l'époque, il se rappelle de la scène comme si c'était hier : "Je suis entré dans la cuisine et j'ai vu ma mère devant le frigo avec la brique de lait. Comme c'était souvent le cas, le menu c'était pain avec du lait. Mais cette fois elle le mélangeait avec quelque chose. Elle m'a souri, comme si tout allait pour le mieux. Mais je me suis rendu compte de ce qui se passait, elle mélangeait le lait avec de l'eau. On n'avait pas suffisamment d'argent pour en avoir pour toute la semaine. On était ruinés. Pas pauvres, ruinés."
Il s'est donc promis que ça ne serait pas le cas à l'avenir, qu'il ferait tout pour sortir de cette situation. Et il a fait une promesse à sa mère.
"Je le jure, c'est comme si quelqu'un m'avait réveillé. Je savais exactement ce que j'avais à faire. Je ne pouvais pas voir ma mère comme cela. Je lui ai dit : "Maman, ça ne va pas durer. Je serai footballeur à Anderlecht. Dans peu de temps. Tu n'auras plus à te faire de soucis", a-t-il expliqué.
Le football à la rescousse
Et cet enfant a grandi, d'un coup. Même les autres élèves et les parents de ses coéquipiers avaient du mal à croire son âge. À un tel point, que chaque jour pratiquement il devait montrer son document d'identité.
"Mon objectif était d'être le meilleur joueur de l'histoire de la Belgique. Pas seulement d'être bon, mais d'être le meilleur. Je jouais avec la rage pour tellement de raisons. Parce que je voyais courir les rats dans ma maison. Parce que je ne pouvais pas voir les matches de la Ligue des champions. Parce que les autres parents me regardaient d'une certaine manière...C'était ma mission", a-t-il énuméré.
Il a rapidement obtenu des résultats. À 12 ans, il a marqué 76 buts en 34 matches, alors qu'il jouait avec la vieille père de chaussures de son père.
Des buts et encore plus de buts le rapprochaient petit à petit de son rêve. Mais le confrontaient également à la jalousie et au racisme. "Quand les choses allaient bien, je lisais dans les journaux des articles où on m'appelait 'Romelu Lukaku, l'attaquant belge'. Quand ça allait moins bien, c'était 'Romelu Lukaku, l'attaquant belge d'origine congolaise", se rappelle-t-il.
Il a aujourd'hui 25 ans et plus envie que jamais de briller lors de ce Mondial. Peu seront ceux qui voudront y parvenir pour les mêmes motifs.
"Je suis né en Belgique. Je rêvais de jouer avec Anderlecht. Je rêvais d'être Vincent Kompany. Je suis Belge. Je ne sais pas pourquoi il y a des gens dans mon propre pays qui veulent me voir échouer. Quand je suis arrivé à Chelsea et que je ne jouais pas, j'ai appris que les gens se moquaient de moi. Quand j'ai été prêté à West Brom, je les ai entendu rire à nouveau. Mais c'est normal. Ces personnes n'étaient pas avec moi quand on mettait de l'eau dans nos céréales", conclut-il. L'histoire très touchante d'une volonté de se surpasser.
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