Q: Pouvez-vous décrire votre saison 2020-21 ?
R: "J'étais capitaine du Havre qui venait de monter en D1. J'ai joué deux matches et j'ai eu le covid juste après. A ce moment-là, on ne s'inquiétait pas vraiment. Quand je reviens à l'entraînement, j'ai beaucoup de difficultés à respirer, à récupérer de mes efforts. A mon deuxième match, je fais un malaise. Ensuite, je me blesse au pied. Et fin janvier, en allant à l'entraînement, je sens une douleur dans la poitrine et je ne sens plus mon bras gauche. On me diagnostique une péricardite (une inflammation au coeur, NDLR). Au début, je ne pense pas du tout que c'est dû au covid. Mais le médecin me le confirme tout de suite. Après trois semaines de traitement, on me dit que tout est terminé et que je peux reprendre. Sauf qu'à l'entraînement, ça ne va toujours pas mieux, et mi-mars 2021, en match amical, je dois sortir au bout de cinq minutes, étourdie. Je vomis. Trois rechutes, au bout d'un moment, ça m'a énervée. A ce moment-là, je me suis dit que ça ne servait à rien, que mon corps n'était pas prêt, et j'ai décidé d'avoir un enfant avec mon conjoint, de faire une pause de neuf mois."
Q: Comment avez-vous vécu cette saison brisée ?
R: "C'était hyper bizarre. J'étais la première de l'équipe à être contaminée. C'était frustrant parce que personne ne pouvait comprendre ce que je ressentais. Certains devaient se dire que je ne faisais que me plaindre. Je ne prenais même plus de plaisir à jouer. J'avais travaillé dans le vide pendant des mois... Au début, on se disait que c'était normal, qu'il fallait prendre son mal en patience. Sauf que moi, je n'avais pas le temps, car une saison, ça passe vite. Au bout d'un moment, je n'osais plus rien dire car je voyais bien que ça agaçait le staff. Je subissais."
Q: Votre suivi médical a-t-il été défaillant ?
R: "Honnêtement, je ne peux pas en vouloir au staff médical du Havre. C'était inédit, personne ne savait quoi que ce soit sur le virus. Ils ont fait avec les armes qu'ils avaient à ce moment-là. Aujourd'hui, les remises en forme ont été adaptées, mais c'est parce qu'il y a plus de recul. Je l'ai peut-être eu trop tôt."
Q: Où en est votre carrière aujourd'hui ?
R: "J'avais décidé de ne pas prolonger au Havre, qui de toute façon ne m'aurait jamais renouvelée vu mon état physique. Je vais reprendre au Stade Malherbe de Caen (en tête de Régional 1, l'équivalent de la 3e division, NDLR), plus familial, ça m'attire. Je ne vis pas que pour le foot, heureusement car ça m'a permis de relativiser. Mais j'ai envie de retoucher au haut niveau."
Q: Craignez-vous de nouvelles rechutes ?
R: "Je n'ai plus aucun signe de péricardite, mais j'ai perdu toute ma condition physique. On verra si les symptômes reviennent. Le problème, c'est que je n'ai pas le droit de me faire vacciner car le vaccin peut réactiver la péricardite. Et si j'attrape le covid à nouveau, c'est pareil. Donc même après tout ce temps, je ne revis pas normalement. A Caen, je vais porter le masque dans le vestiaire, je ne vais pas vivre tous les moments d'équipe. Sportivement, cette période a été épuisante car je suis montée en D1 et je n'ai pas pu le vivre à 100%. Mais dans la vie de tous les jours, c'est pire. Je n'ai même pas fêté Noël en famille. Je pense qu'à un moment, je vais tout simplement devoir reprendre une vie normale, car sinon, je vais rester cloîtrée chez moi."