La scène se déroule dans les rues de l'Escaillon, un quartier de Toulon où Jordan Amavi grandit. Alors qu'il n'a alors que 6 ans, le petit Jordan descend taper ses premiers ballons avec son cousin Raphaël et sa bande, de six ans plus âgés que lui. "Il était frustré parce qu'il n'arrivait pas à faire les mêmes choses que nous, se souvient Raphaël. Il boudait parce qu'il n'arrivait pas à mettre une tête et il m'a demandé de centrer sur lui. Le ballon est arrivé trop fort et il est tombé à la renverse en s'amochant un peu par terre. Au lieu de pleurer, il s'est relevé et m'a dit 'on recommence'". Le signe, déjà, d'une force de caractère qui lui permettra de réaliser son rêve de devenir footballeur professionnel et d'évoluer selon un code : accepter les épreuves pour progresser et avancer.
Construit par les difficultés de sa formation
De ses premiers ballons à Toulon à ceux tapés aux entraînements de l'équipe de France au mois d'octobre dernier, la vie de Jordan Amavi n'a toujours tourné qu'autour du football. Pourtant, le temps qui sépare les deux époques ne s'est pas écoulé comme un long fleuve tranquille. Secoué au centre de formation de Nice par une charge de travail très importante et les exigences de son coach Manuel Pires, Jordan Amavi doute. Enfermé dans un schéma qui se répète tous les jours, le jeune latéral multiplie les efforts et encaisse les mots durs de son formateur qui lui laisse entendre que ça ne suffira pas. "Il se posait beaucoup de questions, il craquait souvent, explique son cousin toujours très proche de lui. Ses trois années de formation ont été très compliquées mais elles ont construit l'homme en lui montrant que rester fort et ne rien lâcher amènent au succès". C'est la victoire en Gambardella avec l'OGC Nice en 2012 qui lui prouvera que tout arrive à point à celui qui travaille.
Deux ans après ce titre, Jordan Amavi est lancé dans le monde professionnel. Sa première saison pleine avec les Aiglons laisse entrevoir un très bel avenir et lui vaut ses premières sélections en équipe de France Espoirs. Alors que tout s'enchaînait à merveille après son transfert à Aston Villa, sa rupture des ligaments croisés du genou vient contrarier une progression linéaire vers le très haut niveau. Pas de quoi l'atteindre et encore moins le démobiliser. "Quand il s'est blessé, il en a pleuré mais j'ai été le seul à le voir dans cet état, se souvient Raphaël. Mais il a échangé avec son père et ses proches et en deux ou trois jours il était redevenu normal, comme si rien ne s'était passé". Une capacité de résilience cultivée depuis tout jeune et qui lui permet de toujours aborder les difficultés avec calme et détermination.
Jamais inquiet, toujours persévérant
Opéré à Lyon, rééduqué à Saint-Raphaël au contact de ses proches et réathlétisé sur les terrains de Clairefontaine, Jordan Amavi décide de se couper presque totalement de son quotidien anglais pour se retrouver et préparer son retour. La descente de son équipe en Championship n'entame pas sa volonté de revenir à Birmingham. En privé, le latéral confie qu'il s'y voit évoluer pour se réhabiliter physiquement, revenir à son meilleur niveau et pourquoi pas remonter en Premier League où il était venu pour briller. L'histoire ne s'écrira pas vraiment comme ça. Dans un vestiaire miné par plusieurs changements d'entraîneurs et une sorte de cabale contre les joueurs français de l'effectif, Jordan Amavi peine à se refaire une place d'indiscutable. "C'est la première fois que je le voyais vraiment accuser le coup, explique Raphaël qui vivait à ses côtés en Angleterre. Tout était compliqué, mais il n'a pas cherché de porte de sortie. Son idée, c'était de jouer pour revenir. Même après des matches anonymes sur des terrains froids, il restait deux heures sur l'analyse de sa performance avant de passer à autre chose". Au mois de janvier, un signe allait lui montrer que ses choix étaient destinés à payer.
Pendant le mercato hivernal, l'OM vient aux renseignements. Jordan Amavi, qui ne se sent pas encore à 100%, préfère achever la saison en deuxième division anglaise avant de changer d'air. Quelques mois plus tard, la pleine possession de ses moyens éveillera l'intérêt du FC Séville... et une nouvelle épreuve mentale. Après un doute émis sur son genou lors de la visite médicale en Andalousie, Jordan Amavi prend la route de Madrid pour se soumettre à une contre-expertise qui invalidera définitivement son transfert. Une heure après la mauvaise nouvelle, le jeune joueur de 24 ans rassurait lui-même ses proches. "Si ça ne s'est pas fait, c'est que ça ne devait pas se faire", explique-t-il en substance à ceux qui s'inquiétaient pour la suite.
À l'OM, les premiers mois seront radieux, jusqu'à sa première convocation en équipe de France pour valider le parcours d'un insubmersible combattant. Ce jeudi, en quarts de finale de la Ligue Europa face à Leipzig, Jordan Amavi tentera de mettre encore un peu plus de couleurs au tableau, même si sa performance lors du match aller fait écho à des difficultés persistantes depuis plusieurs semaines. "Zéro pointé. À ce point oui, avait-il dit dans son autocritique après la rencontre. Ça fait un petit moment que mes prestations ne sont pas bonnes [...] Je n'ai pas d'excuses, je me sentais bien physiquement et il va falloir que je me reprenne". Si tout cela inquiète quelqu'un, ce n'est certainement pas lui.