Quatrième de Ligue 1 lors du dernier exercice, l'Olympique de Marseille figurerait à coup sûr beaucoup plus haut au classement des ambitieux, si toutefois il existait. Ayant échoué aux portes d'une qualification en Ligue des Champions, le club olympien prétend en effet à beaucoup plus, dans le sillage des déclarations et des aspirations de Frank McCourt et Jacques-Henri Eyraud, garants d'un projet visant à redonner à Marseille son éclat d'antan. Sauf qu'en matière de football plus que dans tout autre domaine, ce n'est bien souvent pas une distinction qui existe entre les paroles et les actes, c'est un fossé. Et le phocéen, qu'il le soit de naissance ou d'adoption, le sait sûrement mieux personne. Toutefois, celui qui n'est marseillais que par adoption serait bien inspiré de ne pas trop s'attacher à ces clichés associés aux habitants du Vieux-Port, plus vieux encore que le club fondé en août 1899.
En d'autres mots, arrivés avec un projet ultra ambitieux visant à enflammer les travées du fervent stade Vélodrome, force est de constater que les nouveaux dirigeants de l'OM pourraient déchanter lors des prochains mois, à l'heure où le fossé existant entre leurs promesses et les vérités du terrain commence sérieusement à se voir. Car si le club phocéen a échoué aux portes d'une qualification en Ligue des Champions, ce qui faisait pourtant office d'objectif assumé pour entrer dans un cycle de reconstruction, le projet de l'Olympique de Marseille peine depuis à décoller.
Et pour cause, après des désillusions sportives et un recrutement qui laisse songeur, le club aux neuf titres de Champion de France est loin d'être assuré de regoûter à la délicieuse musique qui berce les soirées du gratin européen la saison prochaine. Sixième de Ligue 1 avec 25 points au compteur, Marseille a certes l'occasion de s'installer sur le podium du championnat en cas de victoire face au Stade de Reims ce dimanche (17h00), mais a été à la limite du ridicule sur la pelouse de Francfort en Ligue Europa (4-0) jeudi soir. Eliminée en sortant de la compétiton par la petite porte, la formation entraînée par Rudi Garcia venait pourtant de se rassurer sur la pelouse d'Amiens (1-3) sans aucune de ses recrues, en marge de la 14ème journée. Des recrues, justement, qui se voulaient porteuses d'espoir au moment de leurs arrivées cet été, qui n'ont pas l'apport escompté et ne cessent de décevoir au fil des semaines. Focus sur celles-ci.
Kevin Strootman, une valeur sûre qui pose question
Arraché contre l'importante somme de 25 millions d'euros à l'AS Roma dans les derniers instants du mercato estival, devenant ainsi la 2ème recrue la plus onéreuse de l'histoire du club, le milieu de terrain avait été présenté en grande pompe comme la recrue phare qui avait longtemps fait défaut au club pendant un été marqué par le feuilleton Mario Balotelli. Il faut dire qu'avec 43 sélections pour les Pays-Bas et des matches références en pagaille sous les couleurs de la Roma, Kevin Strootman, son abattage exemplaire au milieu de terrain, ses transmissions niveau Ligue des Champions capables de casser les lignes adverses et son leadership naturel, avaient de quoi faire les beaux jours de l'OM, tandis que son association dans l'entrejeu aux côtés de Luis Guztavo en faisait saliver plus d'un.
Sauf que ce n'est un secret pour personne, après un peu moins d'une quinzaine de rencontres jouées dans sa nouvelle équipe, Kevin Strootman est très loin du niveau qui était le sien, et son influence dans le jeu marseillais ne saute guère aux yeux. "J'ai besoin de temps, c'est difficile. Je veux être important pour l'équipe, pour le club, mais je veux parler d'abord avec les pieds. Je suis un joueur qui a besoin des autres pour être bon sur le terrain. Nous avons des joueurs d'expérience qui ont fait la Coupe du monde. Je veux faire le maximum pour l'équipe mais sur le terrain d'abord. Je sais que je peux mieux faire et je dois mieux faire. C'est le moment de le montrer à tout le monde", avait d'ailleurs déclaré le principal intéressé avant une énième défaite concédée dans un stade Olimpico qu'il connaît si bien, face à la Lazio Rome (2-1), le 8 novembre dernier, en Ligue Europa. S'il est conscient de ses difficultés, la question est désormais de savoir si Kevin Strootman sera capable de retrouver son niveau, et si c'est le cas, dans quelle mesure et avec quel timing.
Duje Caleta-Car, la grosse déception
200 minutes sur les 1260 disputées par l'Olympique de Marseille. Tel est le (faible) nombre de minutes jouées par Duje Caleta-Car en Ligue 1 depuis son arrivée. Un total presque dérisoire pour ce défenseur central d'avenir qui était du voyage en Russie avec la Croatie pour disputer la Coupe du Monde, pour lequel Jacques-Henri Eyraud n'avait pas hésité à sortir le chéquier (19 millions d'euros) afin de le recruter au Red Bull Salzbourg. Troisième recrue la plus onéreuse de l'histoire de l'OM, le finaliste du dernier Mondial pourrait, à défaut d'avoir joué souvent, s'être démarqué quand toutefois il en avait l'occasion. Malheureusement pour le principal intéressé, son temps de jeu famélique va de paire avec la qualité de ses prestations, lui qui avec son profil imposant ayant fait de l'oeil à Andoni Zubizarreta avait une sacré carte à joueur à un poste ou dire que la concurrence n'est pas très relevée est tout simplement un euphémisme.
"Il a de très bonnes qualités. Il comprend bien le jeu. [...] Les données qu'on a sur sa vitesse sont très bonnes. C'est un joueur qui défend toujours en avançant. Il essaie de presser l'attaquant, de gagner le ballon. Maintenant, il jouait à Salzbourg, en Autriche. C'était peut-être plus facile. Il doit comprendre comment créer un équilibre avec Adil Rami ou le défenseur à ses côtés. Mais il a un gros potentiel", déclarait Andoni Zubizarreta au sujet du joueur, réclamant de la patience. Des propos opposés à ceux de Rudi Garcia quelques semaines plus tard, impatient. "On répète souvent les mêmes erreurs, ça devient embêtant. Il faut continuer à montrer à certains d’entre nous, notamment ceux qui sont arrivés, Duje (Caleta-Car) et Nemanja (Radonjic), qu’il y a des choses à apprendre vite. On paye un peu leurs arrivées tardives", avait quant à lui déclaré l'entraîneur, remonté. Loin d'être idéal pour mettre sa recrue dans les meilleures dispositions.
"Ça a vraiment été difficile. Je suis arrivé dans un nouveau club, un nouveau pays, avec une nouvelle langue, de nouveaux coéquipiers. Personnellement je ne suis pas du tout content de mon début de saison. Je sais que je peux faire beaucoup mieux, je travaille de manière très dure pour cela", a pour sa part déclaré Duje Caleta-Car en conférence de presse. Difficile, c'est bel et bien le mot. Et pour cause, le calcul est simple, quand ce dernier débute la rencontre en tant que titulaire, l'Olympique de Marseille ne l'a jamais emporté, récoltant non sans mal une triste moyenne de 0,50 points par match. Insuffisant.
Nemanja Radonjic, autant de potentiel que de lacunes
"Il a de fortes qualités individuelles mais il faut qu’il dépoussière son jeu, il a des parasites. Il a vraiment l’esprit collectif. Il doit prendre des risques dans les 30 derniers mètres. C’est un joueur qui travaille beaucoup sur le plan défensif, c’est déjà une super base. Il faut juste lui expliquer comment travailler. Il a tout pour s’intégrer dans l’équipe et nous aider", analysait son entraîneur Rudi Garcia, nuancé, à propos du début de saison de l'ancien joueur de l'Etoile Rouge de Belgrade. Âgé de 22 ans et recruté pour la modique somme de 12 millions d'euros, il faut dire que celui qui compte 9 sélections pour la Serbie devra vraisemblablement prendre un certain temps avant de réellement offrir la pleine mesure de son potentiel, lui qui découvre à Marseille un niveau très au dessus de ce qu'il avait connu chez les prochains adversaires du Paris Saint-Germain en Ligue des Champions, largement battus (6-1) sur la pelouse du Parc des Princes au match aller.
"Radonjic ? Il faut lui laisser du temps. Déjà il ne parle pas la langue, il est en train de prendre des cours. Il faut qu’il apprenne à connaître le jeu de l’équipe et de ses coéquipiers. C’est un joueur qui va très vite et qui est capable d’éliminer. Mais malheureusement son match contre Francfort où il a fait une bêtise de relance l’a un peu inhibé du coup il n’ose plus trop tenter. On travaille pour lui redonner confiance", confiait pour sa part le directeur sportif du club. Une confiance à retrouver, c'est avant toute chose une confiance qui s'est envolée. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que cela se ressent sur le rectangle vert.
En témoignent les dernières déclarations du principal intéressé, dôté d'une pointe de vitesse ahurissante, mais dans la norme en Ligue 1 selon lui. "Tout le monde est aussi rapide que moi en France. Il y a vraiment une grosse différence entre la Serbie et ici. Tout d’abord, la vitesse. Ils courent partout ici". Pourtant, Nemanja Radonjic devra s'adapter à ces nouvelles contraintes s'il espère préserver les faveurs de son entraîneur. Car avec une seule passe décisive délivrée et zéro but inscrit après quatre mois passés dans la cité phocéenne, force est de constater que son bilan suscite autant d'interrogations que d'optimisme. Déclic dès ce dimanche face au Stade de Reims devant les fervents supporters du Stade Vélodrome (17h00) ? Ce ne serait pas de trop. Bien au contraire.