Au stade Metropolitano de l'Atlético, la "coupe aux grandes oreilles" va changer de terre d'accueil pour rejoindre l'Angleterre, après trois saisons de mainmise du Real Madrid de Zinédine Zidane et cinq années consécutives de monopole espagnol.
Le rouge de Liverpool et le blanc de Tottenham ont coloré ce samedi les rues de Madrid, où des supporters des deux clubs déambulaient en chantant, buvaient de la bière aux terrasses par 32 degrés ou exhibaient désespérément des pancartes "buy tickets" ("j'achète des entrées").
Kemam Kalkavar, ingénieur de 50 ans originaire de Turquie et fervent supporter de Liverpool, avait pris spécialement l'avion depuis Ankara avec des amis, et se disait prêt à payer 5000 euros pour une entrée, car "regarder le match à l'intérieur du stade c'est bien plus passionnant".
Vendredi, une Vénézuélienne avait été interpellée sur la Puerta del Sol pour avoir vendu à un citoyen roumain deux faux tickets à 4200 euros chacun. Et la police a annoncé "deux nouvelles arrestations pour vente de fausses entrées aux abords de la zone de rencontre des supporters du Liverpool".
Opulente Premier League
Sur le terrain, qui prendra le pouvoir ? Liverpool, quintuple champion d'Europe, battu en finale l'an dernier par le Real et entraîné par le charismatique technicien allemand Jürgen Klopp ? Ou bien l'étonnant Tottenham de l'Argentin Mauricio Pochettino, un club qui vit sa première finale de C1 et brigue un premier sacre ?
Dans un Metropolitano bouillant et assourdissant, l'habituelle intensité physique de la Premier League promet du grand spectacle entre les 'Reds' de l'Egyptien Mohamed Salah et les 'Spurs' de l'Anglais Harry Kane, incertain avant la rencontre. Quant à la ferveur des chants anglais, elle risque de donner la chair de poule... à condition de supporter la canicule sévissant à Madrid, où la température doit atteindre samedi au moins 33 degrés.
"C'est un match fantastique à jouer et à savourer, même si la meilleure manière de l'apprécier est de gagner", a prévenu le gardien français Hugo Lloris, capitaine de Tottenham.
Quel que soit le vainqueur, voilà la Liga espagnole contrainte de rendre sa couronne européenne à l'opulente Premier League, en phase ascendante malgré l'interminable feuilleton politique du Brexit.
La force de frappe financière est l'une des raisons de la montée en puissance anglaise, mais pas uniquement: il faut aussi prendre en compte l'apport de techniciens étrangers réputés comme Klopp et Pochettino, qui ont amené "leur nouveauté, leur savoir-faire", de l'avis de Zinédine Zidane, et fait éclore de nombreux jeunes talents.
Un constat partagé par Klopp lui-même: "Nous avons deux vraies équipes dans cette finale. Je respecte énormément ce que "Poch" a accompli. Il avait un groupe très talentueux à son arrivée, mais la manière dont ils ont progressé est vraiment impressionnante", a dit vendredi l'entraîneur des 'Reds'.
Son homologue des 'Spurs' lui a rendu la politesse: "Liverpool est une grande équipe. Avec Manchester City, c'est la meilleure équipe d'Angleterre. Ils étaient déjà en finale l'an dernier et tout le mérite en revient à Jürgen et à ses joueurs", a répondu Pochettino.
Les deux clubs, comme d'ailleurs leurs entraîneurs, ont une opportunité idéale de se défaire de leur étiquette de perdants magnifiques. "Je ne me vois pas comme un 'loser'!", a lancé vendredi Klopp... qui a perdu les trois finales européennes qu'il a vécues comme entraîneur.
Dispositif de sécurité inédit
Au total, quelque 32 000 supporteurs anglais doivent prendre place au stade Metropolitano, d'une capacité de 68 000 spectateurs.
Mais "on prévoit que 70 000 supporters anglais vont passer le week-end ici avec nous", a dit à la télévision régionale Juan José Blardony, directeur de l'association des hôteliers madrilènes 'La Viña', estimant par ailleurs "qu'un million de litres de bière" serait consommé.
Même si Tottenham et Liverpool n'entretiennent pas de rivalité historique, les autorités espagnoles ont déployé un dispositif de sécurité inédit avec 4700 agents et pour la première fois un drone pour surveiller les supporters.
Selon la police, un Britannique a été interpellé dans l'après-midi près du stade, alors qu'il détenait des stupéfiants et avait agressé des agents, selon la police.
Dans la nuit de vendredi à samedi, quatre Britanniques avaient déjà été arrêtés pour différentes agressions.