À 84 ans, sa démarche est devenue dandinante mais son regard est toujours captivant, preuve d'un esprit qui a conservé toute sa vigueur.
Derrière ses lunettes rondes et sa bonhomie, ce supporter du club de Belenenses, troisième club lisboète, ne parvient toujours pas à comprendre l'admiration dont il fait l'objet.
Fin mars, un hommage national au Parlement, le premier du genre au Portugal pour une personne associée au sport, lui a pourtant été rendu.
Cette reconnaissance, il la doit à sa théorie sur la motricité humaine, la science qu'il a inventée. Assis entouré de ses livres dans un grand hôtel lisboète, il assure ne "jamais avoir enseigné le football" mais sait résumer ses principes.
'L'homme derrière le joueur'
"Le football est une science humaine, c'est l'homme qui est au centre de tout", explique-t-il à l''AFP'. "Qui ne connaît que la tactique ou la technique ne sera jamais un grand entraîneur. Il faut des connaissances dans d'autres domaines qui font ressortir l'homme derrière le joueur, comme la psychologie ou la philosophie".
Celui qui a le mieux compris ces maximes n'est autre que José Mourinho, son "surdoué" arrivé à la faculté de motricité humaine de l'Université technique de Lisbonne en 1982 et qui tentera d'enlever un nouveau titre européen ce mercredi.
Lors de l'hommage à Manuel Sergio, dans la salle comble du Sénat, les éloges pleuvaient à la tribune pour celui qui fut tour à tour fonctionnaire de la marine portugaise, éducateur, professeur, philosophe et député.
"Au Sporting, nous avons un grand respect pour les travaux de Manuel Sergio, ils ont permis une approche scientifique dans notre club", glisse Aurélio Pereira, directeur du centre de formation de l'équipe lisboète qui a notamment repéré Cristiano Ronaldo.
Aujourd'hui tout le football portugais, de ses anciens élèves comme José Mourinho en passant par des coachs qui ne l'ont même pas fréquenté comme Leonardo Jardim, loue sa philosophie.
'Pauvre diable'
Par le passé, Manuel Sergio a avalé pas mal de couleuvres. Quand il appelle dans ses premiers ouvrages à la fin des années 70 à "une révolution dans la façon d'approcher le sport au Portugal", il se heurte à une forte hostilité dans le milieu du football.
"On me traitait de 'pauvre diable', d'illuminé, ça me rappelait Galilée", confie le vieux monsieur à l''AFP'.
"À l'époque dans le football les joueurs passaient des heures à courir sur les plages et dans les forêts. Pourtant, personne n'aurait pensé qu'on puisse être meilleur musicien en passant une heure à courir autour de son piano", poursuivait-il.
Le déclic vient finalement de José Maria Pedroto. D'abord sceptique, il est le premier entraîneur à appliquer les préceptes de Manuel Sergio qui lui permettront, à la tête du FC Porto, de mettre fin à l'hégémonie des clubs de Lisbonne à partir de la saison 1977-1978.
"À travers Pedroto il y a une révolution scientifique dans l'approche du football au Portugal. Le nouveau FC Porto, conquérant, naît ici", juge Manuel Sergio.
Cette notoriété lui permettra finalement de créer la faculté de motricité humaine de l'Université technique de Lisbonne et d'écrire plus de 40 livres déclinant ses théories sur le sport.
Aujourd'hui, Manuel Sergio ne regrette pas d'avoir désobéi à sa mère qui le voyait curé et à son père qui lui prédisait une carrière à la banque et s'estime fier de participer au "rayonnement d'un si petit pays à l'étranger".