Celle qui a été surnommée la "Pelé en jupe" par le "Roi" lui-même a toujours le même tempérament, bien trempé. Alors qu'un journaliste allemand l'interrogeait après la défaite contre l'Australie (3-2), Marta en a eu marre d'attendre une question qui ne venait pas.
Pointant un doigt vengeur en direction du reporter, elle lance : "Mon Dieu, comment pouvez-vous oublier ça ! J'ai marqué 16 buts en Coupe du monde, comme votre Klose. Vous auriez quand même pu poser la question". Puis, dans un grand rire, elle tourne le dos à la caméra et s'éclipse, non sans avoir lancé au traducteur: "Dites-lui, dites-lui ce que j'ai dit".
Le match suivant (contre l'Italie, succès 1-0), elle marquera pour s'emparer seule du record de buts marqués en Coupes du monde, hommes et femmes confondus, avec 17 réalisations, une de plus que l'Allemand Miroslav Klose.
"Egalité femmes-hommes"
"Je suis heureuse, pas seulement d'avoir battu ce record mais également d'avoir pu incarner ces femmes et coéquipières qui jouent au football", savoure-t-elle. Ce Mondial en France est à ses yeux "une opportunité incroyable pour avoir plus de soutien pour l'égalité femmes-hommes".
Mais peut-elle tenir le rythme sur le terrain ? Touchée à la cuisse gauche en arrivant en France, elle n'a pas joué le premier match contre la Jamaïque, et n'a pas pu rester 90 minutes sur le terrain durant les deux autres rencontres.
Comment se sent-elle ? "Après une blessure, il faut un peu de temps. Si j'avais pu, j'aurais joué l'intégralité du match mais cela impliquait de prendre le risque d'une nouvelle blessure ou de ressentir plus de douleurs", a-t-elle répondu après le match contre l'Italie.
Désignée six fois meilleure joueuse mondiale par la Fifa, sans avoir jamais gagné de Coupe du monde, Marta a vu le premier Ballon d'Or de l'histoire revenir à la Norvégienne de Lyon Ada Hegerberg.
Mais la principale victoire de l'attaquante de poche (1,62 m) est ailleurs: s'être extirpée de la misère après une enfance difficile à Alagoas, un des Etats les plus pauvres du Nord-est brésilien.
Marta Vieira da Silva a passé sa vie à courir. Pour éviter la chaleur de Dois Riachos, l'humble village où elle est née, elle s'échappait au lever du jour pour jouer au ballon.
Ses parents se séparent quand elle a moins d'un an et sa mère se retrouve seule avec quatre enfants. Elle ne peut aller à l'école qu'à neuf ans, faute d'argent pour l'achat de fournitures scolaires.
Camouflée au milieu des garçons, elle participe à des tournois, jusqu'à ce qu'un entraîneur la chasse. Les garçons menaçaient de lui casser la jambe, ne supportant pas de se faire dribbler par une fille.
Plus de buts que Pelé
C'est alors qu'un responsable local l'emmène à Rio de Janeiro. Elle a 14 ans et c'est au moment où elle monte dans l'autocar que sa mère prend au sérieux sa passion dévorante pour le foot.
Après trois jours de voyage, lors du premier test, elle est engagée dans l'équipe de jeunes du Vasco da Gama.
Son immense talent ne tarde pas à taper dans l'œil des spécialistes et elle dispute son premier Mondial en 2003, à 17 ans, comme Pelé.
L'année d'après, Marta atterrit à Umeå, dans le nord-est de la Suède, dans une puissante équipe féminine qui, quelques mois plus tard, est sacrée championne d'Europe.
La Brésilienne poursuit sa carrière entre Suède et Etats-Unis (elle évolue aujourd'hui au Orlando Pride), avec quelques piges au Santos, le club du "Roi".
Mais c'est avec le maillot jaune et vert de la Seleçao que la numéro 10 a obtenu ses lettres de noblesse, avec 119 buts. Plus que Pelé, qui n'en a inscrit "que" 95 en sélection.