Racheté en 2017 par Monaco, le Cercle Bruges vient de terminer à la dixième place du championnat belge à quelques points des playoffs. Soit le meilleur résultat du club depuis son entrée dans le giron de l’ASM. A l’occasion des cinq ans de ce partenariat et près d’un mois après la fin du championnat, Oleg Petrov, le vice-président de l’ASM, et Paul Mitchell, son directeur sportif, reviennent pour Goal sur l’évolution du partenariat entre les deux clubs et le projet qu’ils ont souhaité mettre en place.
Il y a cinq ans, l'AS Monaco reprenait le Cercle Bruges en deuxième division belge. A quoi ressemblait le club et comment l’avez-vous modernisé pour qu’il progresse ?
Oleg Petrov : Je n’étais pas là au tout début de l’aventure et Paul est arrivé un peu après moi. Le Cercle Bruges était un bon club mais nous souhaitions qu’il se développe plus rapidement. De mon point de vue, beaucoup de choses devaient être faites pour mieux le professionnaliser. Donc nous avons apporté notre expérience pour amener plus de qualité dans l’équipe mais aussi dans le management et l’organisation. Tout simplement pour avoir une vraie stratégie et c'est ce que Monaco a fait. Établir cette structure a pris du temps, il a fallu amener les bons joueurs, améliorer la partie sportive en dehors du terrain. Dès son arrivée, Paul (Mitchell) s’est impliqué dans le développement du Cercle Bruges. Et je suis très heureux du changement que nous avons pu apporter dans notre management avec la nomination de Ben Lambrecht (qui a été nommé manager général en avril 2021) mais aussi d’une équipe expérimentée, motivée et bien structurée autour de lui. Tout ça prend du temps.
Outre le prêt de joueurs, quelles compétences apportez-vous au Cercle Bruges ?
Paul Mitchell : Entre Monaco et Bruges, nous avons souhaité moderniser la stratégie qui existait entre les deux clubs mais aussi de permettre au Cercle de progresser. Quand nous sommes (lui et son équipe) arrivés à Monaco, nous avons commencé par présenter une stratégie claire. D’abord sur la manière dont nous voulions que nos équipes jouent. Ensuite, sur les profils que nous souhaitions recruter à savoir des jeunes talentueux, prometteurs, dynamiques et qui souhaitent se développer et voir leur carrière progresser. Nous voulions créer une infrastructure autour d’eux composée par des professionnels qui apportent leur expertise afin d’améliorer nos performances. On s’est notamment concentré sur le fait d’améliorer notre équipe médicale en amenant des médecins spécialisés, des physiothérapeutes, une personne en charge de la nutrition et de l’hydratation des joueurs par exemple. Nous avons essayé d’aller le plus loin possible dans les différents secteurs liés à la performance afin de créer une sorte d’organisation à 360 degrés qui serve les jeunes talents que nous recrutons ou développons avec l’AS Monaco.
"Nous n'avons jamais forcé les joueurs à aller au Cercle Bruges"
Si l’on regarde l’évolution des prêts de l’AS Monaco vers le Cercle Bruges, on constate que depuis votre arrivée (Paul Mitchell), ils ont diminué. Pourquoi ?
P. M. : Faire venir dix ou quinze joueurs de Monaco et les lâcher au Cercle Bruges sans infrastructure ni stratégie stable, ça ne marche pas. C’était contradictoire avec ce que nous essayons de faire et c'est ce que l'histoire nous a appris. La partie la plus importante pour nous a été de ralentir le volume pendant que nous nous concentrions sur la mise en place de l'environnement et de la culture nécessaires pour faire revenir des joueurs qui peuvent s'épanouir et réussir. C’est une stratégie qui porte ses fruits, comme nous l’avons montré avec Popovic et Utkus qui ont fini par s’engager avec le Cercle et jouent excellemment bien.
Cet été allez-vous prêter des joueurs issus de votre formation ou de votre recrutement au Cercle Bruges ? Était-ce le sens de la visite du Cercle Bruges sur le Rocher d’il y a quelques semaines ?
P. M. : Oui ! Chaque année, lorsque la saison se termine, toute l'équipe technique du Cercle Bruges vient passer une semaine à Monaco. Nous en profitons pour faire une analyse complète de la saison écoulée mais aussi présenter l'équipe technique à l’ensemble de notre académie et de notre équipe de Nationale 2. Cela leur permet de discuter, de faire connaissance avec les joueurs et ensuite nous faisons des recommandations sur les joueurs qui pourraient être prêté ou venir en pré-saison pour s’intégrer, s'épanouir et apporter quelque chose au Cercle. Je pense qu'il y a quatre ou cinq profils intéressants que nous pourrions prêter la saison prochaine.
Cela veut-il dire que le Cercle Bruges choisit les joueurs qu’il souhaite avoir pour la saison prochaine ?
P. M. : C’est un équilibre ! Nous n'avons jamais forcé les joueurs à aller au Cercle Bruges. Ce n’a jamais été la bonne position. C'est une collaboration. Nous faisons des recommandations parce que nous connaissons les joueurs depuis beaucoup plus longtemps et nous connaissons les principes d'organisation de tout le club. L’intérêt est que ce prêt soit une bonne étape pour le joueur et pour le club car nous voulons capitaliser sur nos succès de la saison.
"L’objectif du Cercle n'est pas uniquement de se faire prêter des joueurs de l’AS Monaco"
Certains joueurs ont parfois été réticents à l’idée d’être prêté au Cercle Bruges, avez-vous plus d’arguments aujourd’hui pour les convaincre d’y jouer ?
P. M. : Oui, c'est un assez juste ! Il y avait de la négativité des deux côtés parce que nous n'avions pas bien travaillé. Lors de notre première saison, il a été plus difficile de convaincre les joueurs qu’il s’agissait d’une étape intéressante au sortir du centre de formation ou même pour certains qui côtoient l’équipe première de Monaco. Nous avons cherché à expliquer à nos jeunes joueurs les avantages qu’ils pourraient avoir en allant dans une ligue supérieure comme la Belgique et comment cela pourrait développer leur carrière. Et maintenant, nous pouvons nous appuyer sur des exemples : l'année dernière, Pavlovic (il a été prêté en janvier à Bâle) a été prêté pour la seconde moitié de la saison. Il était l'un des meilleurs jeunes défenseurs du football belge. Il est revenu et est devenu un international serbe senior qualifié pour la Coupe du monde. Utkus et Popovic, qui viennent de notre académie (ils sont arrivés en cours de formation à l’ASM) sont venus en pré-saison sur nos recommandations et ont signé des contrats avec le Cercle. Et les deux sont maintenant très appréciés. Tout cela est le résultat d'une nouvelle culture, d'un nouvel environnement et d'une réelle concentration sur le développement des joueurs. Je pense que tout le monde reconnaît que nous nous débrouillons extrêmement bien, que ce soit à Monaco ou à Bruges.
O.P. : Il m'a fallu du temps pour convaincre, avant même l'arrivée de Paul. Certains joueurs refusaient d'aller au Cercle Bruges. Nous avons repositionné le Cercle comme un club qui est extrêmement stratégique et important. Désormais, les joueurs doivent gagner le droit de rejoindre le Cercle. On ne bouche pas les trous. Maintenant nous disons à un joueur : "Ok, tu vas à Bruges seulement si tu as le potentiel de revenir à Monaco pour l'équipe première."
Aucun des Monégasques qui sont passés en prêt au Cercle Bruges n’a réussi à s’imposer sur le Rocher ni même à faire partie régulièrement de la rotation. Est-ce désormais l’objectif ?
O. G. : Bien sûr ! Et pas seulement maintenant. Nous recrutons des talents de différents horizons. L'objectif de Bruges est de faire en sorte que les joueurs talentueux, quels qu'ils soient, puissent jouer dans la ligue belge, dans le projet de Monaco ou dans des clubs plus importants en Europe. Il ne s'agit pas seulement de performances, mais d’être aussi un lieu où les talents peuvent se développer et s’épanouir.
Donc le Cercle Bruges n’a uniquement vocation à recevoir des joueurs de l’AS Monaco en prêt ?
O. G. : L’objectif du Cercle n'est pas uniquement de se faire prêter des joueurs de l’AS Monaco. Il s'agit d'être performant dans le championnat belge avec une équipe, qu'elle soit recrutée directement par le Cercle ou composée de joueurs de Monaco ou ailleurs. Nous utilisons ce championnat pour voir les joueurs à l'œuvre et éventuellement les développer pour Monaco.
Il y a trois semaines, le staff du Cercle Bruges est venu à Monaco pour parler des améliorations et des joueurs qui pourront venir en prêt. A quoi ressemblera Bruges la saison prochaine ?
P. M. : Je pense qu'il aura un an de plus et aura donc un peu plus de maturité. Cette semaine a été consacrée à un examen approfondi des performances, des matchs individuels, à l'évaluation de chaque joueur et à la manière dont nous souhaitons construire l'équipe, aux améliorations, aux joueurs en fin de contrat, aux joueurs qui doivent être renouvelés. Et au mercato qui s’ouvre dans quelques semaines. Nous voulons que le Cercle grandisse et qu’il soit une destination attractive pour les joueurs qui croient pouvoir se développer et qui ont un état d'esprit ambitieux. Nous voulons aussi être une équipe dynamique, excitante et que les gens soient enthousiasmés par le style de jeu.
"Nous nous attendons tous les deux à être ici et à continuer le travail"
Nous avons beaucoup parlé du futur du lien qui existe entre Monaco et le Cercle Bruges, serez-vous là l’année prochaine pour en garantir la pérennité ?
P. M. : (Rires). Notre plan n’est pas d’être ailleurs. Nous planifions avec soin la suite pour poursuivre le développement de nos clubs. Nous savions, lorsque nous avons entrepris le projet, que nous aurions besoin de temps, de patience, car il y a beaucoup de travail à faire des deux côtés. Notre objectif est sans aucun doute de poursuivre le travail pour lequel nous avons été engagés et de remporter des succès. J'ai été engagé pour construire toute l'infrastructure, des deux côtés de notre organisation, pour la rendre financièrement viable dans des temps difficiles et pour amener les deux équipes à un niveau de performance élevé. Donc oui, nous souhaitons tous les deux être ici et continuer le travail pour lequel nous avons signé. Nous savons tous deux qu'il s'agit d'un projet à long terme.
O. P. : Je suis fondamentalement d’accord et le plan est de continuer notre travail à Monaco et au Cercle Bruges. L'objectif est de continuer et de construire.