À un peu plus d'un mois et demi de la Coupe d'Afrique des Nations en Égypte, Gernot Rohr a livré pour 'Goal' son sentiment sur le tournoi à venir au pays des Pharaons. Invaincu avec le Nigeria depuis la dernière Coupe du monde en Russie, l'ancien entraîneur de Nice et de Bordeaux nous dévoile les coulisses de sa préparation, sa méthode pour la liste des 23 joueurs mais aussi son avenir à la tête des 'Super Eagles'.
Comment vous sentez-vous à un mois et demi de la compétition ?
"On est en pleine préparation et observation de nos joueurs pour la liste que l’on espère la meilleure possible. On est en train de s’organiser pour nos stages avant la compétition, pour que tout se passe bien niveau organisation. On est en train de suivre les U20 qui sont actuellement en Allemagne pour préparer le mondial. Je ne m’interdis pas de prendre un ou deux joueurs de ce groupe pour ma liste. On communique aussi avec les U23 qui préparent les qualifications des Jeux Olympiques tout comme les contacts réguliers avec nos blessés. L’état d’esprit est tout de même déjà tourné à 100% vers la CAN."
Justement, de quelle manière préparez-vous en détails votre liste ?
"C'est le fruit logique de tout ce qu’il s’est passé depuis la Coupe du Monde. La liste est quelque chose de naturelle, on ne s’enferme pas, on a nos joueurs qui donnent satisfaction et il y a deux ou trois garçons qui peuvent prétendre à rentrer dans une liste élargie qui nous servira pour nos matches de préparation avant de la réduire à 23 joueurs avant notre départ pour l’Égypte."
Comment évaluez-vous la progression de votre équipe 11 mois après la Coupe du monde en Russie ?
"Nous sommes invaincus depuis ce Mondial. Il n’y a plus de stars puisque, pour l’instant, Obi Mikel et Victor Moses se sont retirés. L’équipe s’est bien comportée depuis un an avec de belles trouvailles comme notre arrière gauche Jamilu Collins, Samuel Kalu, Samuel Chukwueze ou encore Odion Ighalo qui a retrouvé de la confiance. On a pratiqué un jeu offensif et on a été récompensés."
Vous allez affronter la Guinée, Madagascar et le Burundi dans votre groupe, quel jugement portez-vous sur ces adversaires ?
"C’est compliqué car on a deux novices qui auront beaucoup d’enthousiasme et on ne les connaît pas beaucoup. Il faut organiser du scouting pour les connaître un peu plus. On en sait un peu plus sur la Guinée même si ça fait longtemps qu’il n’y a pas eu de match contre eux. Ils ont un très bel effectif avec Kamano des Girondins et Keita de Liverpool. Ils ont fini devant la Côte d’Ivoire tout de même. Certains pensent que notre groupe est facile et c’est là tout le danger."
Étiez-vous favorable au passage à 24 équipes pour la CAN ?
"C’est loin des 48 équipes annoncées au Mondial. C’est une tendance générale qui est actuelle dans le football. Je trouve ça bien de s’ouvrir et d’avoir des nouveaux pays, il ne faut pas que ça soit réservé à une certaine élite tous les deux ans. C’est aussi une bonne chose que ça se passe en juin, dans l’intérêt du football africain."
Redoutez-vous la chaleur d'ailleurs ?
"Jouer le soir en juin c’est agréable, c’est mieux que le froid en Afrique du Sud. On préfère tous la chaleur que des températures basses, on aura que le match à 16h30 qui risque d’être chaud sinon ça va pour notre groupe."
Quel est selon vous le favori de cette compétition ? L’Égypte à domicile ?
"Oui l’Égypte mais il y a aussi la Tunisie de Khazri et d’Alain Giresse, le Maroc, le Cameroun, ce sont des équipes qui réalisent toujours de bonnes performances dans cette CAN. On veut se mêler à cette lutte."
La jeune génération actuelle ressent-elle la pression de la comparaison avec l'équipe des années 90 et des joueurs comme Kanu, Okocha et West ?
"Je n’ai pas un seul joueur qui peut faire la différence comme un Okocha. On doit faire la différence en tant qu’équipe et c’est ça notre force. J’aurais évidemment bien voulu avoir un Okocha ou un Kanu dans mon équipe, nous ne l’avons pas encore. Peut-être que ça viendra avec les jeunes qui poussent derrière."
À propos de vos joueurs, comment va Samuel Kalu, secoué psychologiquement après l’enlèvement de sa mère au Nigeria il y a deux mois ?
"J’ai des nouvelles régulièrement, je suis très proche de lui depuis ce problème. Nous avons essayé de le soutenir, il est venu à la maison, on a pris des conseils d’Obi Mikel qui a connu ça. Il y a beaucoup de solidarité. Il va mieux même si cette histoire l’a plombé physiquement car il n’a pas dormi pendant une semaine. Il a repris l’entraînement, il va revenir dans le groupe des Girondins la semaine prochaine d’après ce que j’ai compris. J’espère qu’il pourra être apte et faire deux ou trois matches avant de nous rejoindre."
Samuel Chukwueze peut être selon vous la révélation de la CAN 2019 ?
"Il peut devenir un très bon joueur en effet mais on a un problème avec Villarreal qui ne veut pas qu’il fasse les deux compétitions où il est engagé à savoir la CAN avec nous et la Coupe du Monde U20. Il faut voir comment on peut résoudre cela car il n’a pas eu beaucoup de repos depuis deux ans. On doit préserver sa santé."
Si Victor Moses décidait de rejouer pour la sélection, êtes-vous motivé à l’idée de le rappeler ?
"On a essayé de le convaincre de ne pas se retirer mais il a fait son choix. S’il revient sur cette décision, c’est à lui de nous le dire. On est ouvert au dialogue mais on ne va se mettre à genoux pour demander à un joueur de revenir."
Ahmed Musa va-t-il succéder définitivement à Obi Mikel pour le brassard de capitaine ?
"Pas encore de choix définitif. Il est prévu de rencontrer Obi Mikel prochainement pour faire le point avec lui, s’il veut revenir en sélection ou non. Il est revenu à la compétition suite à sa blessure au genou. Ce n’est pas impossible qu’il fasse la CAN s’il se sent prêt."
Un mot sur Stephen Keshi, décédé il y a trois ans. Que représente-t-il à vos yeux et pour le football nigérian ?
"On joue actuellement dans un stade qui porte son nom, c’est une façon de l’honorer. Il a laissé une grande trace dans le football nigérian. Je le connaissais avant, quand il évoluait dans les années 90 à Strasbourg. Je sais qu’il a beaucoup, beaucoup fait ici et on va essayer de faire aussi bien que lui au niveau du palmarès."
Qu'en est-il de votre avenir alors que votre contrat s'arrête en juin 2020 ?
"C’est toujours difficile de se projeter quand on est entraîneur, encore plus dans un pays africain. J’ai toujours essayé de respecter mes contrats mais ce qui compte avant tout ici, c’est l’immédiat avec les résultats. On veut travailler pour l’avenir c’est pour cela que l’on a une équipe jeune. Pour l’instant ça marche, on verra après la CAN où l’on fera le point."
Propos recueillis par Adrien Mathieu.