Les confidences de Dayot Upamecano

La France ne le connaît pas encore totalement. Pas assez. Formé à Valenciennes, le défenseur central a quitté le Nord pour Salzbourg en Autriche. Une rampe de lancement qui l'a propulsé en quelques années vers le Bayern Munich. A 23 ans, le natif d'Evreux doit encore franchir un cap en Bleu. Habitué d'une défense trois avec Julian Nagelsmann, il pourrait avoir une carte à jouer dans un système que Didier Deschamps entend pérenniser. Quelques jours avant une rencontre décisive face au Kazakhstan, il se confie sur ses premiers pas au Bayern Munich, sa relation avec son entraîneur et ses premiers pas avec la sélection. Tout en se confiant sur sa personnalité.
Quand on vous parle de vous, on revient souvent à votre timidité. Cela vous caractérise-t-il vraiment ?
Je dirais qu'il ne faut pas confondre timidité et calme. Je suis quelqu'un de calme, qui essaie de ne pas dire n'importe quoi, qui réfléchit à ce qu'il dit et à ce qu'il fait. Les gens ont tendance à dire que je suis timide parce qu'ils ne me connaissent pas, mais je suis juste calme. Tu ne peux pas être timide et jouer des gros matchs devant des milliers de personnes tous les week-ends comme je le fais. C'est impossible.
Cet été lors de votre signature au Bayern Munich, il paraît que vous avez fait un discours juste après avoir signé votre contrat. Racontez-nous ?
Oui, c'est vrai. Ce n'est pas quelque chose que j'avais prévu, mais c'est venu de manière spontanée. Après ma signature, je me suis levé et j'ai dit que je voulais dire quelques mots, car c'est un club qui m'a accordé sa confiance et je me devais de les remercier. Je leur ai dit que j'étais heureux d'être ici, que j'allais me donner à fond et me battre pour l'équipe. À ce moment-là, je n'ai pas réfléchi, j'ai posé le stylo et j'ai pris la parole en présence du directeur sportif, de l'entraîneur et d'une dizaine d'autres personnes.
Tout ça en allemand ?
Oui, bien sûr. Je crois que ça les a surpris. En même temps, si c'était la première fois qu'un joueur faisait ça, je comprends mieux pourquoi.
Comment jugez-vous votre début de saison avec Munich ?
Franchement, je me sens très bien, j'ai été très bien accueilli. Les entraîneurs et mes partenaires m'ont mis dans le bain rapidement. Ce n'est jamais facile d'arriver dans un club, mais je connais très bien l'entraîneur et c'est tout de même un avantage. Il y a beaucoup de schémas de jeu qu'il a fait à Leipzig et qu'il a reproduit au Bayern, en mieux. Donc c'était plus facile.
"Face à Gladbach, on a fait un peu n'importe quoi"
Il y a eu de bons matchs contre le FC Barcelone notamment, mais il y a aussi eu cette défaite face à Monchengladbach en Coupe d'Allemagne (0-5). Que s'est-il passé à titre personnel et collectif ?
C'était très dur pour nous et je tiens d'abord à m'excuser auprès des supporters. C'est une chose qui ne doit pas se reproduire. On a fait un peu n'importe quoi, on n'était pas dedans. Que ça soit moi ou le reste de l'équipe. Je dirais qu'il faut apprendre de nos erreurs et voir ce que l'on a fait par la suite, que ce soit contre l'Union Berlin ou en Ligue des champions face à Benfica (victoire 5-2 à chaque fois). Contre ces deux équipes, on a eu la bonne réaction. Ce match, c'était un accident et on va tout faire pour ne pas que cela ne se reproduise.
À Leipzig, vous avez rencontré Julian Nagelsmann, qui est aujourd'hui votre entraîneur au Bayern. En quoi est-il important dans votre parcours ?
Notre relation avec Julian est très bonne. J'aime les entraîneurs qui me disent les choses. Et lui me dit vraiment les choses. Quand je n'ai pas été bon, il vient me voir et me dit : « Là, tu as pris une mauvaise décision et tu aurais dû faire ça » et il me montre les images tout de suite. Il n'a pas peur de dire les choses. C'est ce que j'aime le plus chez lui. Il s'entretient aussi régulièrement avec les joueurs. Et en tant que défenseur, surtout, c'est très bon de l'avoir parce qu'avec lui, on essaie de prendre des risques et de jouer vers l'avant.
Avez-vous déjà joué à deux centraux avec lui ?
Oui. Le plus souvent, on joue à trois, mais il varie beaucoup aussi. Avec lui, on peut aussi s'adapter. Tout dépend de la manière dont l'adversaire va jouer.
Sur Salzbourg : "Les gens me disaient ''où-vas-tu Dayot ? ''"
En Allemagne, il y a des supporters qui vous appellent ''Supermecano" ...
(Il sourit) C'est vrai qu'en Allemagne, j'ai une très bonne image. Ça fait un petit moment que je suis là. J'essaie d'être sérieux et de montrer une bonne mentalité. J'ai toujours été respectueux, je ne suis jamais arrivé en retard à un entraînement ou n'ai jamais fait d'écart. Ça va dans les deux sens, si tu es respectueux, les gens te respectent.
Le public français vous connaît moins, car vous êtes partis il y a six ans pour rejoindre le RB Salzbourg (Autriche). Est-ce le meilleur choix de votre vie ?
Oui, c'est un des meilleurs choix de ma vie. Les gens me disaient en me regardant dans les yeux : « où vas-tu Dayot ? Tu vas te perdre, tu fais n'importe quoi ! ». Et je répondais : « Écoutez, vous allez voir ». Je suis resté calme et j'ai travaillé. Et aujourd'hui, ces mêmes personnes me disent que j'avais raison. À l'époque, j'avais visité les installations, j'avais parlé avec tout le monde là-bas, que ce soit avec Ralf Ragnick (NDLR : architecte du projet Red Bull à Salzbourg et Leipzig, aujourd'hui au Lokomotiv Moscou), avec l'entraîneur ou la personne en charge d'accueillir les nouveaux et de faire la traduction. J'ai refusé beaucoup de clubs pour y aller. Quand ce club est venu, j'ai discuté avec mes parents et ils m'ont dit d'écouter ce qu'ils avaient à me proposer. Et j'ai vu que cela correspondait à mes ambitions.
Comment vous présenteriez-vous aux supporters de l'équipe de France ?
Déjà, je conseillerais aux supporters de suivre nos matchs. Il est vrai que l'on me connaît plus en Allemagne qu'en France. Avec le temps, je pense que les gens vont me découvrir. Comment je me présenterais ? Je suis quelqu'un qui écoute beaucoup de musique. De tous les styles, mais en ce moment, je suis très musique africaine comme Bissa Kode, Burna Boy, Joe Boy, qui a sorti un bon album d'ailleurs. Même Koffi Olomide, Oumou Sangaré, j'écoute tout. J'essaie de lire aussi. Là, pour le rassemblement, j'ai ramené un bouquin sur des leçons de sagesse.
Vous avez porté le maillot des A pour la première fois en août dernier. Quel regard portez-vous sur vos quatre premières sélections ?
Je vais retenir les bonnes choses. J'ai marqué un but et on a gagné la Ligue des Nations. Maintenant, je vais essayer de performer en match, que ce soit avec l'équipe de France et le Bayern Munich, de me battre aux entraînements pour essayer de gagner ma place et pourquoi pas démarrer un match avec les Bleus.
Dans le contenu des matchs, tout ne s'est pas toujours bien passé avec l'équipe de France... Comment jugez-vous vos prestations ?
Quand je suis arrivé à Leipzig, ça n'a pas été facile. Au Bayern aussi. Le but, c'est de rester concentré et de ne pas penser uniquement à la performance. J'essaie de voir plus loin que ça. Je continue à travailler et je n'ai pas fini d'apprendre.
Ce système à trois défenseurs avec les Bleus, vous donne-t-il plus de chances d'être titulaire ?
Si on est là, c'est que l'on a tous une chance. Je ne fais pas la composition de l'équipe, mais si je démarre en tant que titulaire, je vais essayer de répondre présent.
Que devez-vous faire de mieux que les fois précédentes pour justement répondre présent ?
En ce moment, je suis au mieux. Après, ce n'est pas à moi de dire ce que j'ai fait de bien ou de mal, mais à l'entraîneur.
"J'aimerais être à ce mondial, comme j'aurais aimé être à l'Euro"
La Coupe du monde 2022 doit être dans un coin de votre tête désormais ou votre objectif est-il d’abord de faire partie de la prochaine liste ?
Bien sûr ! Mais là, tout de suite, je pense d'abord à la qualification pour la Coupe du monde et ce match contre le Kazakhstan. Mais c'est sûr que j'aimerais être à ce mondial comme j'aurais aimé être à l'Euro. Et cela renforce encore plus mon envie d'être au Qatar.
Tu es le seul joueur de l'équipe de France qui a pour agent une femme (Raquel Rosa)...
J'ai été élevé par ma mère donc pour moi c'est tout à fait normal. Elle fait du bon travail et a déjà une longue expérience dans le foot masculin pro. Je lui fais confiance. Je ne vais pas comparer à un homme, car je ne vois aucune différence.