Le Parc des Princes occupe une place particulière dans la trajectoire de Tanguy Ndombélé. Le 5 août 2017, le jeune amiénois y fête sa grande première en Ligue 1 avant d’y revenir un mois plus tard… sous le maillot de l’Olympique lyonnais. En quelques semaines, le jeune milieu de terrain découvre la première division, connait sa première sélection en équipe de France Espoirs puis rejoint un des cadors du championnat de France pour écrire les premières pages de ce qui ressemble de loin à un véritable conte de fée. Lorsqu’on la regarde d’un peu plus près, l’histoire de Tanguy Ndombélé n’a pourtant rien d'un récit candide. Entre les grands chapitres de son ascension, le milieu de terrain de 22 ans s’est battu, y compris contre lui-même, pour réussir à en modifier le fil.
Un jeune à la confiance ébranlée
Lorsque Patrice Descamps l’accueille au printemps 2014, il découvre un jeune joueur brisé par un sentiment d’échec. L’actuel directeur du centre de formation d’Amiens se souvient : « On sentait bien qu’il avait un potentiel mais ses performances n’étaient pas en adéquation. La première image a été celle d’un garçon fermé, réfractaire à la discussion et qui considérait l’adulte comme un ennemi ». Car il vient de vivre la désillusion d’un gamin à qui l’on promet monts et merveilles. Après avoir quitté Guingamp qui ne lui proposait pas ce à quoi il aspirait, Tanguy Ndombélé passe sans succès plusieurs essais au sein de clubs professionnels avant de s’engager à Amiens en contrat amateur non rémunéré. Après une saison avec l’équipe réserve, le natif de Longjumeau décide de reprendre la route et voyage, un peu partout en Europe, où il ne trouve toujours pas preneur. C’est à ce moment précis, lorsqu’il revient à Amiens pour demander humblement à ses dirigeants de le reprendre, que l’histoire du phénomène débute. « Il était dans un état mental difficile, reprend Patrice Descamps. Il était bourré d’émotions négatives causées par le fossé entre ce qu’il espérait et la réalité. Il a dû surmonter cette période sombre, se forger un mental et un degré d’écoute qu’il avait perdu ». Pas simple. L’adolescent traîne quelques démons dont il va se défaire avec force et pugnacité.
"S'il avait gardé le masque, il jouerait certainement en DH"
Un jour où rien n’allait dans le bon sens, Patrice Descamps décide de jouer une carte de dernier recours. « Il fallait qu’il extériorise, qu’il casse la barrière qu’il mettait entre nous », explique-t-il en racontant l’anecdote. Les deux hommes quittent le centre et se retrouvent seuls, derrière un court de tennis que Tanguy Ndombélé gardera en symbole d’un jour important. La conversation est tendue lorsque le technicien lui assène ses vérités. Les échanges sont musclés et le tête à tête n’est pas qu’une métaphore. Malgré les apparences, la scène lie le joueur et l’entraîneur qui entament ensemble une nouvelle page de leur collaboration. « Il s’est créé quelque chose entre nous même si ça a été négatif sur le coup, explique Descamps. Il a senti que la main était tendue et c’est ce qu’il avait besoin de comprendre, qu’on était là pour lui et pas contre lui. Aujourd’hui on en rigole et on se dit tu te souviens de cette conversation, derrière le court de tennis… ». Dès ce moment, Tanguy Ndombélé se dédie corps et âme à un projet qu’il va mener à bien de manière magistrale.
Dès lors qu’il se sent bien dans ses baskets, Tanguy Ndombélé amorce le changement pour devenir le joueur que tout le monde connait aujourd’hui. Au terme de cette deuxième saison amiénoise, le milieu de terrain est proposé au staff pro qui lui fait de nouveau signer un contrat amateur. Qu’importe, il sait où il veut aller et travaille sans rien demander, même lorsque Christophe Pélissier l’aligne en tant qu’arrière-droit. Patrice Descamps, pour conclure : «Je savais qu’il s’imaginait autre chose alors je l’appelle pour lui demander comment ça se passe. Il m’a répondu exactement ce que j’espérais entendre. ‘Coach, s’il veut me faire jouer gardien, je jouerai gardien’. J’ai su à ce moment là que tout irait bien. Tanguy est un monstre, mais il faut aller gratter derrière ces mecs pour aller en chercher la moelle. Derrière ces gars là il y a des hommes au grand coeur et Tanguy est vraiment attachant. S’il avait gardé le masque, il jouerait certainement en DH ». Après une transfert à l'OL et des performances de haute volée chez les Gones, c'est aujourd’hui en équipe de France que l’histoire va suivre son son cours...
En route vers les sommets
Tanguy Ndombélé est toujours le même. Parfois l’air renfrogné, il ne changera pas un caractère forgé au gré des épreuves mais il sait désormais s’en servir pour avancer. « C’est quelqu’un qui peut mettre un peu de temps s’ouvrir au départ, c’est vrai, témoigne son sélectionneur chez les Espoirs Sylvain Ripoll. Il faut le décoder, il faut aller le chercher mais une fois que c’est fait on découvre un garçon attachant, un bon coéquipier et surtout un vrai compétiteur ». Derrière le taiseux se cache un leader en puissance, un joueur qui n’emmène tous les autres que lorsqu’il s’exprime sur un terrain. « Ce n’est pas lui qui va prendre la parole dans le vestiaire, détaille Harisson Manzala, son ancien coéquipier à Amiens et ami dans la vie. Lui, c’est un leader dans sa manière d’être sur le terrain, il tire les autres vers le haut à toujours aller de l’avant. Il y a un souvenir qui me reste pour illustrer ça. Il y a deux ans en fin de saison, on est quatrième de Ligue 2 avec Amiens et on doit faire une série pour monter. On va jouer à Sochaux et on est en difficulté. C’est Tanguy qui a marqué pour égaliser et qui a mis le deuxième pour nous donner la victoire alors qu'il n'avait jamais marqué en pro!». Un résumé du personnage, de son caractère et de son talent qu’il démontrait toujours de manière spectaculaire dans les grands matches avant de trouver la régularité du plus haut niveau.
« Il était bien sûr identifié comme un joueur capable de passer le cap et d’intégrer l’équipe de France A, appuie Sylvain Ripoll. Didier Deschamps et son staff ont un oeil très intéressé sur ce qui se passe chez les Espoirs, sur le suivi des matches et des comportements dans le groupe. Ses qualités atypiques de dynamiteur de jeu font la différence mais c’est surtout la régularité avec laquelle il les exploitent maintenant qui ont fait la différence ». Désormais à la hauteur de ses qualités, le jeune joueur de 21 ans s’efforce de progresser pour atteindre les standards des meilleurs joueurs du monde à son poste. Alors qu’il pourrait revêtir pour la première fois le maillot des Bleus face à l’Islande en amical jeudi prochain, Tanguy Ndombélé poursuit son chemin vers l’excellence en se concentrant toujours sur ce qu’il aime le plus : le football et les matches d’après. Cela tombe bien, ils conduisent tout droit au Parc des Princes puis à Guingamp : un parallèle amusant entre là où l’histoire a commencé et où elle a pris sens.