Dernier incident en date: la semaine dernière, lors d'une rencontre contre le Panama au stade Atzeca de la capitale mexicaine, le gardien de l'équipe locale s'est vu gratifié de l'injure puto (en français pédé), devenue presque rituelle. Son méfait ? Avoir osé botter en touche.
Le pays s'est déjà vu infliger 14 amendes par la Fifa mais celles-ci se sont avérées vaines et l'instance menace désormais de mesures plus sévères. Le Mexique, qui n'est pas le seul pays concerné, est dans le viseur des instances du football et pourrait bien se voir priver des éliminatoires prévues pour septembre 2020.
Inquiète, la Fédération mexicaine de football (FMF) est passée à la vitesse supérieure en annonçant en septembre le lancement d'une vaste campagne auprès des supporters.
Objectif : éduquer les supporteurs dont les débordements se traduisent par des injures homophobes à l'encontre de joueurs tombés en disgrâce. Une partie loin d'être gagnée.
"Chants de guerre"
Si des supporteurs mexicains soutiennent cette campagne, d'autres considèrent qu'elle limite leur droit à entonner ce qu'ils appellent des "chants de guerre".
Eusebio Valdez, 52 ans, défend ainsi son droit à crier ce qu'il veut. "Chaque cri est propre à chaque pays. Dans les pays d'Amérique du sud comme en Europe, chaque équipe à ses cris. Ce sont des cris de guerre", estime-t-il. "Je ne comprends pas qu'on nous les interdise parce que c'est dans notre culture. Cela ne fait de mal à personne".
La presse spécialisée au Mexique fait remonter à 2003 les premières insultes homophobes entendues dans les stades du pays. Elles avaient alors visé le gardien Oswaldo Sanchez qui jouait pour l'équipe de Chivas, rivale du club Atlas de Guadalajara.
Avant le match contre le Panama, la FMF, qui n'a pas répondu aux sollicitations de l'AFP', avait anticipé.
"Soutiens l'équipe sans offenser son rival. Ne te mets pas hors-jeu" affichait une pancarte en évidence dans le stade. Des écrans géants diffusaient des annonces de diverses personnalités du monde du football : "Crie tout ce que tu veux, à l'exception de ce qui peut te faire sortir du terrain".
"Si nous n'obtenons pas de résultats avant les éliminatoires, notre participation sera mise en péril", a récemment mis en garde le président de la FMF Yon de Luisa.
"Vitrine"
Selon lui, les possibles sanctions que la FIFA pourrait imposer vont d'une amende de 20.000 francs suisses (18.180 euros), au huis-clos partiel ou total, voire à une déduction de points.
La FMF s'est aussi jointe à une institution gouvernementale (la Conapred) chargée de lutter contre la discrimination. Ensemble elles ont défini un plan d'action qui commence par un diagnostic en profondeur.
"Le football est une vitrine pour le public. Si nous autorisons des actes discriminatoires dans les stades, cela veut dire que nous sommes capables de les tolérer en dehors", estime Alexandra Haas, dirigeante de Conapred.
L'injure +puto+ n'est cependant pas la seule à jaillir durant les matches. Des éclaircissements ont été exigés lorsqu'en 2010 le Panaméen Felipe Baloy, alors joueur dans le club Santos, s'est plaint d'avoir été traité de "singe", "nègre" et "esclave" par ses rivaux de l'équipe des Pumas durant un match.
"Je vois bien pourquoi on veut retirer ce qui devient une habitude chez nous et dans le monde. Cela va faire du bien au foot. Mais ce n'est pas juste que nous ayons à payer les conséquences de quelques supporteurs isolés", estime Erick Ramirez, un supporteur de 18 ans.
"Mais nous devons accepter de le faire, car l'échéance du Mondial approche", ajoute-t-il.