Vous souvenez-vous d'Henri Saivet ?
La Commission d’appel de la Fédération française de football a confirmé, ce mardi 5 juillet la relégation administrative des Girondins de Bordeaux en National. Dans ce contexte très actuel, revenons sur l'un des joueurs qui aura fait les beaux jours du club français : Henri Saivet.
" En fait, j’aurais dû signer à Paris, mais au final, je suis allé à Bordeaux. A la base, mon frère était là-bas, et ma mère a préféré que j’aille à Bordeaux pour ça, parce qu’il allait pouvoir me guider, me surveiller, donc c’était plus facile et rassurant pour elle de m’envoyer à Bordeaux. C'était le destin, surtout vu la manière dont ça s’est fait… Je devais d’abord venir faire un tournoi avec Bordeaux, qui m’avait repéré, mais avec mon équipe, Cergy, on avait la finale de la coupe du Val d’Oise, donc je n’ai pas pu y aller. Et dans la foulée, Paris était là, et ils m’ont apprécié, donc j’avais signé en leur faveur, un premier accord, pour intégrer leur école de foot." à t-il déclaré à 'Girondins'.
"Mais peu de temps après, je croise Guy Hillion, qui était le recruteur des jeunes pour les Girondins, en compagnie de Patrick Battiston, le directeur du centre, donc ils me reconnaissent et me demandent ce que je fais l’année prochaine. J’avais 11 ans, 12 ans, j’étais tout content de leur dire que j’allais au Paris Saint-Germain, surtout que je venais de la région parisienne, et que c’était assez symbolique, quelque chose de très fort pour moi, car ce club était un peu le seul qui me faisait rêver à l’époque. Alors je leur explique, et ils me disent : Mais t’es fou, pourquoi tu signes à Paris ?! Le PSG ne fait pas jouer les jeunes ! Il faut venir à Bordeaux, c’est mieux pour toi !"
Et voilà comment Henri Saivet a débuté sous l'ère bordelaise, un peu de hasard, et un choix cornélien qui lui aura réussi.
2011, le lancement de la fusée
Depuis déjà trois saisons, il dispute quelques matchs de second rang, ou rentre dans les dernières minutes comme on lance un jeune pour lui faire découvrir le monde professionnel. Après 6 mois passés en prêt en Ligue 2 à Angers, il développe une relation avec l'entraineur en place Francis Gillot.
À cette période, l'équipe a la classe européenne : Carasso, Trémoulinas, Obraniak ou encore Plasil. Dans un premier temps craintif, le déclic apparaît ensuite : «Le fait que le coach vienne vous voir, c’est important pour la confiance. Ça permet de savoir où on va. Cela m’a encore plus boosté. J’ai pris conscience de certaines choses. Je me suis dit : je n’ai plus rien à perdre, il faut que je donne tout ».
Sous son aile, il disputera 117 matchs en 3 ans, inscrit 19 buts et délivre 11 passes décisives.
Vous souvennez-vous ? De son but en finale de Coupe de France (2013) face à Evian Thonon Gaillard, avec la balle qu'il pousse du bout du pied suite à un coup franc. Cette année-là, Bordeaux est vainqueur de la Coupe de France sur le score de 3 buts à 2.
2016, le crash se profile
En perte de vitesse avec Bordeaux qui voit son collectif s'appauvrir et les difficultés survenir, Saivet est l'une des victimes des changements d'entraîneurs successifs (Willy Sagnol et Ulrich Ramé).
Le défi anglais se propose à lui et file à Newcastle pour 5 millions d'euros. Pourquoi ce club finalement ? À cette époque, les clubs anglais de milieu de tableau et notamment Newcastle raffolent des jeunes français : Obertan (Bordeaux) , Gouffran (Bordeaux), Rivière (Toulouse), Cabella (Marseille) ...En 3 mots, pas chers, jeunes et techniques sont les raisons d'une telle vague de recrutement, poussive, qui submerge la Ligue 1.
Et les attentes sont souvent "trop" élevées. Le recruteur de Newcastle à l'époque, Simon Stainrod évoquait "'l'ère Ben Arfa", qui avait provoqué un séisme dans le football anglais. Depuis, tous sont à la recherche de son successeur : des résultats immédiats, des efforts physiques marqués, des relations humaines oubliées. Malheureusement, c'est ce qui a causé du tort à Saivet.
Saint-Etienne en 2016, Sivasspor (2018) , Bursaspor (2018) sont quelques bouées de sauvetage lancées par certains clubs qui croient encore en l'éternelle promesse. Des passages peu fructueux, le Lion n'aurait-il plus faim? Galtier se confiait au 'Quotidien' "Un meneur de jeu ? Je pensais l’avoir trouvé avec Henri Saivet. Mais s’il n’a pas joué en Angleterre, maintenant, je sais pourquoi : il n’a plus envie. Du tout. On te souffle son nom, tu te dis “bonne idée”."
Parmi ces 3 clubs, Sivasspor aura été celui où il aura eu un rôle plus important, 26 matchs joués. 16 ème du championnat turc, c'est peut-être aussi car ses camarades ne savaient pas si le foot se jouait au pied ou à la main...
2020, la perte de signal assurée
6 matchs en 6 saisons à Newcastle, les fainéants parleront d'une chance, le joueur a lui révélé que cette période blanche avait été vécue comme un supplice «J'avais été recruté pour jouer et je ne jouais pas. C'était dur. J’avais l’impression d’être payé à ne rien faire. C’était horrible. T’es là, tu ne sers à rien.»
Le foot business délaisse complètement la rationalité. Certes, certaines de ces blessures et ses différents prêts expliqueront une partie de l'histoire ... Mais tout de même, ce n'était pas le frère d'Abou Diaby ...
Sa dernière saison officielle (2020-2021), le joueur ne dispute que 4 matchs dans l'équipe réserve, évoluant en 4ème division. Le 26 Mai 2019 aura été son dernier match professionnel.
Steve Bruce, entraineur lors de sa dernière campagne déclarait «Il est disponible et il doit aller jouer avec eux» évoquant les U23 , « Henri est dans son coin depuis que je suis ici, nous essayons de le traiter avec respect, et il s’entraîne tous les jours ». Certes, les buts se sont font rares, mais c’est en partie dû au fait que le joueur est devenu un milieu de terrain central après avoir joué auparavant dans des rôles offensifs. Il est resté droit dans sa ligne de conduite, aux antipodes du joueur star : pas de prise de poids, pas un style de vie festif, pas de sorties médiatiques. Et bien qu’il trottine avec les moins de 23 ans de Newcastle, il n'y aura pas un seul club pour frapper à sa porte pendant plus d'un an (juin 2021-juillet 2022)
2022, un second départ ?
Après un an sans club, le milieu de terrain sénégalais de 31 ans devrait être en forme au moment d’entamer la saison en Ligue 2 avec un déplacement à Guingamp le 30 juillet. À Pau, il espère retrouver une seconde jeunesse.
«Peut-être qu’un jour j’aurai la chance de montrer ce que je sais faire», avait-il déclaré en 2017. 5 ans après, l'espoir d'une renaissance du Lion de la Teranga est attendu. À 31 ans, il n'entachera pas son palmarès : 4 trophées, 24 sélections et sa persévérance inépuisable.