Sur les traces de Wahbi Khazri, enfant de Corse

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Wahbi Khazri (c) buteur contre lIrak en match amical. AFP

Sa technique légère et sa frappe lourde, Wahbi Khazri les a peaufinées sur un terrain pelé d'Ajaccio, où tout le monde se souvient d'un gamin gentil, représentant de la Corse à la Coupe d'Afrique, sous le maillot de la Tunisie.

"Il a travaillé sa technique là-dessus", dit l'entraîneur de son enfance, Francis Thierry, 72 ans, en ouvrant le bras sur le terrain en stabilisé du stade du Binda, celui de la Jeunesse Sportive Ajaccienne, où Khazri a joué de 4 à 14 ans.

"Pas de pelouse, on n'en veut pas", snobe le manager général, qui entraîne... toutes les équipes de la JSA, de 5 à 18 ans.

Sur ce stabilisé, "il faut vraiment apprendre la gestuelle du foot, surtout les contrôles, c'est plus difficile, alors on est plus concentré", développe le "Guy Roux de la JSA".

Dès ses 4 ans et demi, le petit Wahbi descendait de sa résidence, "A Mandarina", jusqu'au Binda.

Le petit surdoué a vite joué dans deux catégories en même temps.

"Aligné en U13 contre l'Étoile Filante Bastiaise le samedi, il avait mis 4 buts. Je l'avais surclassé et à nouveau aligné le dimanche contre le Sporting, en U14, il avait mis 3 buts!" se souvient Francis.

Khazri rayonne, l'équipe est à son service. Cela créait bien "quelques jalousies chez des parents, mais ils savaient qu'il était le meilleur, c'est lui qui terminait les actions", justifie le coach.

Le buteur de la Tunisie n'a que des bons souvenirs d'Ajaccio. "J'étais heureux, je ne manquais de rien, raconte-t-il. On était une bande copains. Souvent j'allais jouer avec les plus grands, ils tapaient à la maison pour savoir si je pouvais venir avec eux".

"Sans une égratignure !"

Un de ses grands-frères, Foued, en rigole encore: "Ma mère se demandait: +Qu'est-ce qu'ils veulent à mon petit ? Vous le ramenez sans une égratignure!+"

Et les terrains étaient encore pire que celui du Binda.

"On jouait des 12x12, sans les lignes, il ne fallait rien lâcher!" se souvient amusé le grand ami de la famille, Anthony Bernardi.

Dans la résidence "A Mandarina", faite d'un assemblage de petits immeubles rose délavé, Wahbi a travaillé ses tours, sur des terrains non conventionnés: les bouts de jardins entre les bâtisses.

L'un d'eux est en "L" et en pente, dans un petit coin. "Une équipe joue en montant, l'autre en descendant, et les deux goals ne se voient pas", décrit Anthony Bernardi.

Quelques années plus tard, un City Foot est construit à l'entrée de la résidence, accaparant les heures d'après l'école.

Ce nouveau terrain, "c'était du luxe pour nous!" s'exclame l'ami d'enfance, devant un synthétique, désormais abimé comme une vieille moquette.

Wahbi et les copains jouaient aussi sur le béton du terrain omnisports du lycée Filosello, tout proche, baptisé "Old Trafford" par les copains.

"On apprend, sur ces terrains, dit Anthony Bernardi en écho à Francis Thierry. Sur le béton, on doit rester debout."

"Corse" et "Tunisien"

C'est comme ça que Khazri a développé ses qualités techniques, et sa botte secrète: "une très grosse frappe de balle", dit son frère Foued, d'accord avec tous les témoins rencontrés par l'AFP.

Wahbi finit par taper dans l’œil de Bastia, le grand club de l'Île, son île.

"Moi je me sens corse, je suis né en Corse, j'ai les racines tunisiennes par mes parents, mais je suis né là-bas, j'ai la culture de là-bas", insiste Khazri.

"Je n'ai jamais senti de racisme en Corse, assure Khazri, c'est une terre très accueillante, très chaleureuse."

"Et je me sens aussi tunisien", prolonge-t-il, "fier" de répondre à l'appel des Aigles de Carthage, qui viennent le chercher en 2013, alors qu'il avait joué une fois pour les Espoirs français.

A Bastia, Benoît Tavenot prend le relais de Francis. L'entraîneur se souvient du N.10 stéphanois comme "un talent pur".

Avec Khazri, "on n'a jamais eu le moindre souci de comportement. La plus grosse bataille, à 15 ans, c'était avec la nourriture, il doit se souvenir que je l'ai surpris en +flag'+ dans sa chambre avec un paquet de chips!" raconte-t-il en riant.

"C'était un gentil garçon, prolonge Tavenot. Il n'avait pas encore trop la notion de l'effort. Mais il a avancé, il s'est pris en main seul, sa réussite, il est allé la chercher." 

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