En Argentine, des footballeurs trans ouvrent le chemin de l'intégration

BeSoccer il y a 4 années 819
En Argentine, des footballeurs trans ouvrent le chemin de l'intégration. AFP

C'est sur un terrain de football qu'ils se sentent le mieux : Mara et Marcos y jouissent non seulement du plaisir que leur procure la pratique de leur sport favori, mais aussi de la satisfaction d'être des pionniers de l'intégration de joueurs transsexuels dans les équipes argentines. 

Grande, mince, ses longs cheveux noués en queue de cheval, Mara Gomez joue pour l'équipe de Villa San Carlos de La Plata, à une cinquantaine de km de Buenos Aires. A 23 ans, elle aspire à devenir la première joueuse transgenre à s'inscrire dans la toute jeune ligue professionnelle de football féminin d'Argentine. 

"J'ai beaucoup souffert à cause de la discrimination, de l'exclusion, des insultes dans la rue et à l'école. Je me suis accroché au football, c'était comme une thérapie", confie Mara à l'AFP. 

La jeune femme, née garçon, a commencé à jouer au football à 15 ans. Elle s'est distinguée comme la meilleure buteuse des deux dernières saisons de la ligue féminine de La Plata. C'est ainsi que Villa San Carlos, équipe de football professionnel féminin, l'a repérée.

"Elle est rapide et a un très bon tir. Contrairement à ce que pensent la plupart des gens, elle n'est pas si forte que ça. J'ai plusieurs filles qui sont plus fortes et bien qu'elle soit rapide, j'ai des filles plus rapides. Elle est intelligente, elle apprend vite. Et elle a un but, c'est ce qui nous manque", décrit son entraîneur Juan Cruz Vitale. 

Le club attend une demande de transfert de la part de la fédération argentine de football dès que les activités suspendues par le nouveau coronavirus reprendront.

L'Argentine a été un pays pionnier en Amérique latine en adoptant une loi sur l'identité sexuelle dès 2012, qui a permis à Mara de faire modifier les informations de sa carte d'identité nationale à l'âge de 18 ans. 

"Je suis très heureuse de savoir qu'en tant que société, nous faisons un peu plus, nous ouvrons les esprits", dit-elle face à la perspective de devenir professionnelle dans ce pays qui compte de nombreux joueurs parmi les meilleurs du monde, de Diego Maradona à Lionel Messi. 

Marcos Rojo, 20 ans, a rejoint, lui, le club Union del Suburbio à Gualeguaychu (nord-est) cette année en tant qu'avant-centre. C'est la première équipe masculine pour laquelle il joue.

 Il y a deux ans, il a fait modifier son nom et son sexe sur sa carte d'identité, et l'équipe n'a pas hésité à l'intégrer. 

Dans la salle à manger de sa maison est toujours accrochée une photo de son 15e anniversaire où il apparaît en fille. Toute sa famille l'a soutenu dans la transition. 

"Je voulais faire le changement d'identité parce que j'ai toujours aimé jouer avec les hommes. Depuis que je suis petit, je me sens appartenir à ce genre. Le football a été une étape importante pour moi, parce que c'était ce que je voulais", explique le jeune homme. 

"Le soutien d'une équipe pour ce genre de changement est très important", confie aussi ce supporteur de l'équipe de Buenos Aires, Boca Juniors. 

Marcos assiste aux entraînements et a déjà joué plusieurs matches amicaux. Il est en terminale et veut poursuivre sa carrière de footballeur. 

Le football masculin "est beaucoup plus exigeant. Les garçons ont tous de bons coups de pied. Pour moi, ce sera un exploit si jamais j'arrive à jouer en première division", devise-t-il. 

Sebastian Rajoy, le président de l'Union del Suburbio, affirme sans hésiter que "tout le monde a le droit de faire du sport". 

"Ce sont les clubs moins prestigieux qui donnent cette opportunité. Quelqu'un doit commencer, dans ce cas, c'est nous", souligne-t-il. 

Au-delà de leurs compétences et de leur dévouement, dans ce contexte d'une intégration progressive des athlètes transsexuels, Mara et Marcos sont tous deux conscients qu'on pourrait à terme leur demander de passer un test hormonal afin d'être pleinement intégrés à leur équipe. 

"La discussion qui a lieu est liée au dilemme entre la biologie et le respect des droits", résume Ayelen Pujol, spécialiste des questions de sport et de genre.

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