Avant Donetsk-Lyon, le Shakhtar déraciné par le conflit ukrainien

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Le Shakhtar affronte Lyon. Goal

Depuis bientôt cinq ans et le début des tensions militaires en Ukraine, l’adversaire des Gones ce mercredi soir vit un quotidien particulier.

27 novembre 2013. Voici la dernière fois que le Shakhtar a disputé un match de Ligue des champions dans son enceinte moderne de la Donbass Arena. Plus de cinq ans après, le club ukrainien a dû faire face à un contexte particulier, en raison de la guerre civile qui a fait rage dans le pays tout comme l’insurrection militaire en Crimée et dans sa région. Si le club n’a pas cessé d’exister et continue même d’obtenir des résultats sur la scène européenne, désormais il évolue loin de son stade construit spécifiquement pour l’Euro 2012. Déplacé successivement à Lviv, Odessa, Kharkov et désormais Kiev, l’ancienne équipe de Douglas Costa essaye tant bien que mal de tenir son rang.

Une marge de manoeuvre réduit sur le mercato

Si l’effectif actuel du Shakhtar reste de qualité, les achats du club ne sont plus aussi conséquents depuis quelques saisons. Avec les hostilités au coeur du Donbass, il devient parfois difficile même d’attirer certains joueurs même si la fameuse filière brésilienne marche toujours, à l’image des venues de Maycon (21 ans) et de Marquinhos Cipriano (19 ans). Avec l’une des meilleures cellules de recrutement en Europe pour l’Amérique du Sud, le club ukrainien bénéficie des bonnes bases du passé pour continuer à dénicher des perles rares, même si elles possèdent moins de certitudes que les Taison, Fred et Bernard.

Cependant, le Shakhtar reste sur un huitième de finale en C1 et deux titres consécutifs en première division Ukrainienne. Preuve que malgré tout, dans un climat assez particulier au quotidien avec des entraînements et des matches délocalisés, les Orange et Noir restent ambitieux et compétitifs. Contacté par Goal, un dirigeant du Shakhtar confirme que la guerre a bouleversé la politique sportive de son club. "Nous ne pouvons plus nous permettre des achats à 15-20 millions d'euros, les emplois sont instables. On ne veut rien risquer", affirme-t-il de manière anonyme.

Un stade utilisé pour des visites guidées et des meetings politiques

La Donbass Arenas avait nécessité 270 millions d’euros pour voir le jour. Après quatre ans d’existence et quelques rencontres de prestige dont le France-Ukraine de 2012, le stade a vu le conflit entre l’Ouest pro-européen et l’Est pro-russe s’inviter dans le débat et servir même de lieu d’affrontements. Les nombreuses vitres qui entouraient l'anneau supérieur de l'enceinte ont été soufflées par l'explosion de certaines bombes, donnant ainsi un nouvel aspect à ce lieu. Au début du conflit, en 2014, le football a rapidement été un enjeu mineur de ce stade qui a accueilli ses premières réunions politiques spontanées. Le dernier match de championnat a été organisé en mai de cette même année, pour célébrer la victoire du Shakhtar en championnat.

Yevhen Muzyka, journaliste ukrainien, témoigne de son évolution particulière et désormais beaucoup plus orientée vers des aspects politiques. "Le stade est maintenant contrôlé par la prétendue 'République populaire de Donetsk', l'État qui a fait sécession avec le reste du pays. Il y a des visites de stade pour près de deux euros. Les visiteurs sont allés au stade avec l'hymne de la Ligue des Champions au début, mais maintenant il n'y a plus la possibilité technique de jouer cette musique."

L’instauration de la loi martiale pousse l’équipe à jouer dans la capitale

Suite à la mise en place de la loi martiale, fin novembre, en raison des nouvelles tensions en Mer d’Azov entre la Russie et l’Occident, la zone de Kharkov a été jugée sensible par les autorités ukrainiennes et donc en conséquence inapte selon l’UEFA à accueillir un match de Ligue des champions. C’est donc Kiev qui a été choisi dans l’urgence pour cette rencontre entre le Shakhtar et l’Olympique lyonnais, décisive pour la qualification en huitièmes de finale. "C'était assez surprenant qu'ils jouent à Kiev et non à Lviv, a reconnu Yevhen Muzyka. On a finalement appris qu’à Lviv, il n’existe pas de Goal Line Technology. Ainsi le stade Olimpiski va accueillir ce match et dès le lendemain l’opposition entre le Dynamo Kiev et Jablonec."

Cette décision de déplacer le match a mis dans l’impasse certains supporters, qui n’ont pas les moyens ou les disponibilités pour se rendre à Kiev. Comme rapporté sur le site 'Segodnya', plusieurs familles ont souhaité que les remboursements de leurs billets aillent directement à des oeuvres de bienfaisance, à travers une lettre officielle adressée aux dirigeants des Orange et Noir.

Fair-play de son côté, le président du Dynamo Kiev a appelé les supporters et amoureux du ballon rond à se réunir ce mercredi soir dans le stade de la capitale afin de faire bloc derrière le Shakhtar, puis le lendemain pour le Dynamo. Les deux géants du football ukrainien, qui se partagent tous les titres depuis 1993, restent des intimes rivaux, à l'image des ultras du club de Kiev qui ont rejeté massivement cette main tendue. Cependant les clubs savent, eux, mettre parfois de côté leurs différents. Preuve que les deux parties de l’Ukraine ne sont pas totalement irréconciliables et que le football peut bien servir de socle pour reconstruire un pays profondément divisé.

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Shakhtar Donetsk