Mondial 2018 : La Syrie rate son but, Damas s'effondre en larmes

BeSoccer il y a 6 années 819
La détresse des supporters syriens à Damas, après lélimination de leur équipe. AFP

Dans un café à Damas, les larmes ont remplacé les encouragements : mardi, la Syrie en guerre a vu s'éloigner définitivement le rêve d'une qualification pour le Mondial-2018, après sa défaite contre l'Australie, (1-2).

En territoire rebelle, où l'équipe était perçue comme un symbole du régime de Bachar al-Assad, rares sont ceux qui se sont émus du résultat, illustrant une nouvelle fois les divisions dans un pays ravagé par la guerre depuis 2011.

Pour les Aigles du Qassioun -surnom de l'équipe syrienne-, une victoire face à l'Australie aurait permis une participation au barrage intercontinental, dernière étape avant le Mondial en Russie.

Mais le rêve qui faisaient vibrer les Syriens depuis plusieurs semaines s'est brisé mardi.

"Maintenant, il n'y a plus que de la tristesse et des espoirs déçus. On était tout proche", lâche Dana Abou-Chaar, la voix pleine de sanglots, après avoir regardé le match dans un café de Damas.

Autour d'elle, les vuvuzelas se sont tues. Sonnés, les téléspectateurs enfouissent leur visage dans leurs paumes, se prennent dans les bras.

Quelques minutes plus tôt, ils hurlaient à s'époumoner pour encourager leur équipe nationale, accompagnant leurs olés d'applaudissements rythmés.

"J'étais très enthousiaste. J'attendais la victoire de l'équipe syrienne", poursuit Dana, jeune étudiante de 18 ans qui n'est pas allée à l'université pour ne pas rater la rencontre.

"L'équipe a uni le peuple syrien"

"Le peuple syrien avait besoin d'une telle joie, même si c'était à travers le sport. Le peuple syrien a vécu la guerre pendant sept ans, il attendait la joie même si c'était avec un but", ajoute-t-elle, drapeau syrien à la main.

A ses côtés, ses amies ne peuvent retenir leurs larmes.

"J'ai pris un jour de vacances pour regarder le match. On a pas eu de chance", soupire Ramez Tellawoui, qui avait revêtu pour l'occasion le maillot rouge des Aigles du Qassioun.

"L'équipe a fait ce que la politique et les hommes de religion n'ont pas réussi, elle a uni le peuple syrien", se console toutefois ce comptable de 29 ans, évoquant la guerre qui a fait plus de 330.000 morts et des millions de déplacés.

"Même les joueurs qui étaient à l'étranger sont rentrés", poursuit M. Tellawoui, en référence au célèbre attaquant Firas al-Khatib et le buteur emblématique Omar al-Soma.

"Le tir de Soma a été perdu", déplore M. Tellawoui : son coup franc, qui aurait permis d'aller aux tirs au but, s'est fracassé sur le poteau australien dans les arrêts de jeu de la prolongation.

Après la défaite, les rues de Damas étaient désertes, tandis que les magasins ont fermé plus tôt.

"Vous avez dessiné la joie sur les visages de tous les Syriens", a indiqué la présidence dans un communiqué, saluant les "héros".

"J'encourageais les joueurs adverses"

Mais dans les territoires rebelles, certains se sont réjouis de la défaite de la Syrie, affichant sans complexe leur soutien à l'Australie.

L'enthousiasme prudent, qui pouvait se faire sentir chez les supporters au début du rêve syrien, s'est parfois transformé en hostilité franche, alors que des joueurs ont dédié leurs victoires précédentes au président Assad.

"Je regardais les matchs de l'équipe syrienne, mais j'espérais toujours leur défaite et j'encourageais les équipes adverses", se réjouit Khair Ali Daoud, qui a suivi la rencontre avec un groupe d'amis à Idleb, dernière province aux mains des rebelles dans le nord-ouest syrien.

"Je suis heureux de les voir quitter la compétition et de leur défaite face à l'Australie. Un jour, on aura l'équipe de la Syrie libre, qui représentera tous les Syriens", poursuit le jeune homme de 24 ans.

Fin 2016, il avait été évacué des quartiers rebelles d'Alep, la deuxième ville de Syrie reconquise par le régime dans son intégralité après des années de combats meurtriers et destructeurs.

Sur les réseaux sociaux, le hashtag "l'équipe des barils" a fait son apparition en arabe, en référence aux barils d'explosifs que l'aviation du régime est accusée d'utiliser lors des combats.

Dans la Ghouta orientale, aucun rassemblement dans les cafés pour visionner le match, et soutien mitigé pour l'équipe.

"J'étais heureux et triste en même temps", reconnaît Youssef Chedid, 21 ans.

"On était très enthousiaste, notre équipe allait gagner et le nom de la Syrie allait s'imposer dans le monde. Mais on était triste aussi, le régime a politisé la question, présentant l'équipe comme la sienne".

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