Personne n'a oublié cette petite phrase que Cristiano Ronaldo a murmurée, il y a quelques années, le rictus aux lèvres : "les buts, c'est comme le ketchup : quand ils arrivent, ils viennent tous en même temps". L'image a fait sourire tout le monde, mais elle illustre la carrière du Portugais. Car Cristiano Ronaldo est un fauve. Il a la vie de footballeur qu'il s'est imposée. Et en ce sens, ses petites périodes de vide prennent les mêmes proportions que ses interminables séries de buts.
Une bête (blessée) attirée par les grands combats
Les cycles ont toujours accompagné la carrière du numéro 7, mais il y a quelque chose de nouveau depuis quelques années, et cette saison en particulier, ce sont ces différences de rendement selon les enjeux et les terrains de jeu. En s'y penchant de plus près, les paradoxes sont nombreux. L'opposition entre le Ronaldo de la Liga et celui de la Ligue des champions est la plus criante, celle qui saute aux yeux. En ayant disputé trois fois plus de matches en Espagne, l'attaquant ne compte que deux petits buts de plus que sur la scène européenne, où il caracole en tête des buteurs. Un gouffre qui se retrouve dans d'autres facteurs, comme son pourcentage de tirs cadrés ou de dribbles réussis.
Il était possible de voir cette autre facette il y a un an, déjà, dans les grandes batailles du printemps. Peut-être même que pour la première fois de sa carrière, Cristiano Ronaldo a remporté un Ballon d'Or sur une période très précise de l'année. Dans les chiffres bruts, son cru 2017 avait été moins fertile que celui de Lionel Messi.
En revanche, c'est lui qui a permis au Real Madrid de grimper sur le toit de l'Europe pour la deuxième fois en deux ans, et la conquête de son club est devenue la sienne. Le tout avait été magnifié par une pluie de buts à chaque marche franchie entre les huitièmes et le sacre final (5 contre le Bayern Munich, 3 contre l’Atlético Madrid et 2 face à la Juventus).
Ce masque de gladiateur, Cristiano Ronaldo l'a laissé tomber à la fin de l'été. Il n'a jamais digéré sa suspension de 5 matches en début de saison. Ronaldo est comme ça. L'injustice est un thème qui rythme sa carrière. Elle le porte souvent. Mais elle le plombe aussi, parfois. Il a donc fallu attendre le mois d'octobre pour voir la star du Real Madrid débloquer son compteur en Liga. Avec cette perspective-là, son total moyen (11 buts) prend un peu plus de relief.
Qui plus est en rappelant que 7 de ces 11 buts ont été inscrits en 2018, depuis un mois et demi. Un autre paradoxe. Comme ses 23 buts toutes compétitions confondues (11 en Liga et 9 en Ligue des Champions donc, mais aussi 2 en Coupe du Monde des clubs et 1 en Supercoupe d'Espagne), un chiffre attestant qu'il est tout bonnement plus prolifique que la saison passée (21) au même stade. Ronaldo a donc repris des couleurs, même si quelques rechutes laissent planer cette drôle d'impression qu'il n'a pas totalement réglé la mire.
Et puis il y a la perception que l'on se fait de ce joueur. Et il en est en partie responsable. En plaçant la jauge de ses performances sur ses buts et rien que ses buts (ou presque), Cristiano a fait un choix. Il n'a plus la caution créative de Lionel Messi et Neymar, deux étoiles de sa galaxie, parce que son évolution naturelle en a fait un attaquant de bout de chaîne. Difficile donc de s'enthousiasmer sur son jeu quand il n'est pas aussi vorace qu'il doit l'être. Ce qui est sûr, c'est que ce joueur-là carbure à l'orgueil et à la motivation, et que c'est à lui, en grande partie, que le Real Madrid va lier son destin. Comme c'est à Neymar et quelques autres que Paris liera le sien. Vraiment, la Ligue des champions porte bien son nom.