Est-ce frustrant de ne pas pouvoir exercer normalement son métier ?
"Avant mon arrivée, c'était bien clair. La situation est différente de celle d'il y a dix ans, je m'attendais exactement à ça. Mais il n'y a aucun problème, grâce à Éric (Bedouet, entraîneur). On a travaillé ensemble pendant deux ans (de 2005 à 2007), on a gardé le contact, on échangeait des infos, c'est donc différent. Ici je connais la maison, les gens du château, Marius (Trésor, ambassadeur du club), Patrick (Battiston, responsable du centre de formation), ça me rend plus à l'aise par rapport à ma situation. Il n'y a qu'au niveau de la communication que ça pose un peu problème car parfois on se sert de vous, les médias, pour faire passer des messages. Mais à part ça... Dans un autre endroit, oui, ça aurait été une situation plus dure à vivre".
Lors des matches, on vous sent plus serein, plus détaché...
"Oui complètement, ça, c'est vrai. Quand tu passes autant de temps (deux ans) au lit pour récupérer d'une lésion, tu prends de vraies distances, tu relativises complètement. Je n'étais pas un mec avec la grosse tête, à bouger partout, mais je suis devenu beaucoup plus humble, c'est la réalité".
Peut-on dire qu'avec votre staff, vous formez une petite famille ?
"Petite famille, non. Ce sera plus tard, avec les titres. Dans le foot, il faut de la connivence, de la compétence, une bonne ambiance mais il y a quelque chose de plus à avoir, ce sont les résultats. Avec un vécu commun, ça sera encore plus fort. J'ai gardé de bons souvenirs de ma première période ici avec Éric et Patrick (Colleter, son adjoint historique) parce qu'on avait aussi des résultats".
Depuis deux mois, vous avez eu le temps de faire le tour du propriétaire. Qu'est ce qui a changé depuis onze ans ?
"Il y a eu du changement, c'est normal mais vous aussi vous avez changé et moi plus que vous (rires). Il y avait Jean-Louis Triaud, le président, qui faisait le lien. Parfois il était dur, parfois il gérait ça comme une famille, c'était important. Avec Stéphane Martin que je ne connaissais pas, j'ai eu de très bons rapports. Le nouveau propriétaire, je l'ai vu deux fois. Je ne connais que le domaine du foot, mais les dirigeants en France, que ce soit ici, à Paris ou à Monaco, ont vraiment de la qualité. Ca simplifie les rapports mais il faut toujours des résultats".
Est-ce compliqué de rejoindre un groupe que vous n'avez pas choisi, sans vos propres recrues ?
"Non, ça ne pose pas de problème. Quand je suis venu à Bordeaux en 2005, il y avait cinq joueurs du centre de formation et j'ai fait venir de bons joueurs comme Fernando, Wendel, Henrique Jussiê, Denilson. Hormis Denilson qui n'est resté qu'un an et qui l'a regretté plus tard, tous les autres sont restés six à neuf ans. Aujourd'hui, ça serait très difficile de refaire la même chose, les temps ont changé, les mentalités aussi. Ca me fait réfléchir, il faut faire attention".
Vous confirmez qu'à l'avenir Bordeaux va s'appuyer sur son centre de formation ?
"Oui, il y a de très bons jeunes qui ont eu une très bonne formation mais il faut qu'ils restent au club. Au Brésil, des clubs achètent des joueurs qui n'ont même pas été titulaires en pro. C'est une nouvelle ère. Le foot a changé, les joueurs ne restent plus dans leur club formateur comme avant. Dès qu'ils ont la possibilité de partir ailleurs, ils s'en vont. Le foot doit rester un sport populaire. Si on perd ça, on perd l'essence du foot. J'espère garder les joueurs bien formés le plus longtemps possible".
Comment faire pour les garder ? Les faire jouer plus ?
"Oui. Mais pour leur donner envie de rester, il faut que le club soit prêt pour ça. Si on fait des paris avec les garçons, on sait que la réalité des résultats sera plus lente. Prenez l'exemple de Santos: avec la quantité de joueurs de 12, 13 ans qu'ils ont, ils n'ont pas besoin de chercher à droite ou à gauche. Les meilleurs comme Robinho, Neymar, à 17 ans, ils arrivent en pro et restent cinq, six ans au club. C'est une culture, tous les clubs n'ont pas cette philosophie. Bordeaux peut profiter de sa bonne formation s'il arrive à garder ses meilleurs éléments longtemps. En 2005, il y avait Mavuba, Planus, Chamakh, Marange formés au club qui jouaient régulièrement. Aujourd'hui, il faudrait arriver à en avoir sept, huit pour faire quelque chose d'important. C'est mon avis".
Propos recueillis par Raphaël PERRY.