Il faut tomber très bas, parfois, pour trouver une identité. Les derniers jours de l'été ont vu Marseille glisser dans les profondeurs de la Ligue 1 et il n'y avait rien à garder, à l'époque, ou pas grand-chose. Au soir d'une humiliation contre Rennes au Vélodrome où l'OM avait touché le fond, Rudi Garcia a dû casser son puzzle, complètement. Et partir sur autre chose. Reconstruire. Assembler d'autres pièces.
On attendait les artistes...
Le cru 2017-18 de l'Olympique de Marseille est donc né dans ce contexte. On attendait Dimitri Payet, forcément, mais l'international français a passé trop de temps à l'infirmerie depuis le lever de rideau et ses replis défensifs aléatoires sont un problème quand il est à gauche. Payet a donc glissé dans l'axe avec une réussite certaine, mais il peut encore donner plus. On attendait Morgan Sanson, aussi. Recruté à Montpellier l'hiver dernier, le milieu a vu sa cote s'effriter après des premiers mois prometteurs, où sa vista et sa qualité de passe en avait fait un maillon important. Mais son activité dans la récupération du ballon a été déficiente.
On attendait Maxime Lopez, évidemment, parce que ce minot avait fait une entrée fracassante dans le paysage. Presque un an plus tard, il est en quête d'un second souffle. On attendait Valère Germain, enfin. Auréolé d'un titre de champion de France avec une équipe de Monaco irrésistible, cet attaquant à tout faire est loué pour sa justesse, mais il n'a toujours pas débloqué son compteur dans sa ville natale. On attendait les artistes, en somme.
C'est pourtant en s'appuyant sur d'autres vertus que l'OM a commencé à se reconstruire. La devise du club, "droit au but", a quelque chose d'un idéal. C'est autant un appel au spectacle qu'au don de soi, deux traits qui ne peuvent pas toujours se marier. Et si Rudi Garcia a écrit quelques belles pages en misant sur un football pétillant, l'entraîneur de l'OM a dû renier ses idées pour stopper l'hémorragie. Dans l'environnement marseillais, il n'avait pas d'autre choix. Avec le recul, la victoire étriquée à Amiens (0-2) ressemble à un tournant. Auteur d'un doublé, Clinton Njie en était. Et Germain, Sanson ou Lopez, eux, avaient quitté le onze.
Auguissa, Njie et Ocampos ont pris du galon
Avec ses qualités et ses défauts, Njie, auteur de 5 buts depuis le début de saison, est alors devenu le représentant d'un groupe que l'on n’attendait pas dans l'effectif du club. Son explosivité et sa vitesse ne gomment pas sa maladresse, mais il en a fait assez pour jouer un rôle important. Ses performances ont comblé la disette de Valère Germain tout en assurant la transition à un poste où Konstantínos Mítroglou n'était pas encore entré en scène. Après ses premiers pas, le buteur grec, pataud, n'a pas convaincu grand monde et Njie aura encore du temps de jeu.
Le saviez-vous ? Clinton Njie est le meilleur buteur de l'OM en Ligue 1 avec Florian Thauvin (5 buts)
Dans le même veine, Lucas Ocampos a lui aussi marqué des points. Après deux prêts en Italie, l'Argentin est revenu en odeur de sainteté. C'est une sorte de chien fou de l'attaque parfois frustrant, pas très académique et un peu gauche, mais il est infatigable, tenace et roublard. Les mots de Rudi Garcia résument l'idée. "C'est un coéquipier modèle. Un joueur capable d'éliminer, celui qui a le plus gros volume de jeu de tout le groupe, celui qui fait plus d'efforts offensifs et défensifs, parfois aux dépens d'une certaine lucidité dans les vingt derniers mètres. Il est tellement généreux…". Depuis le début de saison, Ocampos, souvent aligné côté gauche, a empilé quatre buts - tous décisifs.
Si Garcia a donc fait émerger des lieutenants devant, l'entraîneur de l'OM a surtout eu le mérite de rectifier le milieu. Trop exposée dans le cœur du jeu quand elle n'avait pas le ballon, son équipe a retrouvé un équilibre. Elle a appris à souffrir, déjà, et elle le récupère plus rapidement, surtout. Le 'Classico' contre Paris (2-2) a mis en lumière cette nouvelle façon de faire. Dans le rôle de la tête d'affiche, Luiz Gustavo en a montré un peu plus que les autres. Il personnifie la méthode. Et dans son sillage, André-Frank Zambo Anguissa enchaîne aussi les prestations remarquées, à tel point que l'activité du jeune international Camerounais est aujourd'hui indispensable dans le circuit de l'équipe. Ajoutons Jordan Amavi derrière, qui a rapidement profité des déboires de Patrice Evra pour s'imposer sur le côté gauche.
Avec ce nouveau puzzle, l'OM avance et peut penser à la suite. L'esthétique reviendra. Florian Thauvin a un peu plus de confort pour déclencher ses coups de patte. Dimitri Payet fait jouer les autres en numéro 10 et la charnière centrale, menée par un Rami solide, a gagné en sérénité. Marseille respire. Les rôles ont été distribués, enfin. Et le film a commencé.