Soviétiques, pierres et pommes de pin
Isolée après la guerre civile espagnole (1936-1939) et l'instauration de la dictature franquiste, l'Espagne renaît sur le plan sportif grâce notamment à l'Euro-1964, gagné à domicile par la "Roja".
Avant la finale prévue au stade Santiago-Bernabeu face aux Soviétiques, le sélectionneur espagnol José Villalonga dessine sur le sable les limites d'un terrain et décrit à ses joueurs le jeu adverse en y disposant des pommes de pin. Puis il rajoute 11 pierres, censées représenter les Espagnols, avec cette phrase restée célèbre: "Les pierres sont toujours plus fortes que les pommes de pin".
En finale, devant les 120.000 spectateurs du stade madrilène inauguré en 1947, l'Espagne, jouant exceptionnellement en bleu, bat la sélection soviétique 2-1 pour décrocher son premier titre international. Et exalter la propagande anti-communiste du régime de Francisco Franco (1939-1975).
Et le président italien oublia le protocole
La finale du Mondial-1982 a été remportée par l'Italie contre l'Allemagne de l'Ouest (3-1) devant les 90.000 spectateurs du stade Bernabeu, doté avant la compétition d'un toit couvrant les trois quarts des tribunes.
Cette fois, c'est l'Espagne démocratique qui se met en scène avec la remise du trophée au capitaine italien Dino Zoff par le roi Juan Carlos, grand artisan de la transition pacifique du franquisme vers une monarchie constitutionnelle.
Mais dans la tribune d'honneur, c'est le président italien Sandro Pertini (1896-1990) qui se signale: le sémillant octogénaire célèbre chacun des buts des 'Azzurri' avec une joie communicative, peu conforme au protocole, sous les regards contrariés des dirigeants ouest-allemands...
C1, C3... L'Europe en jeu à Madrid
Au Real Madrid, treize fois vainqueur de la C1 (un record), l'épreuve-reine européenne fait partie de la culture du club, qui a accueilli quatre finales dans son stade.
Pour la première, lors de la deuxième édition de la compétition en 1957, le Real d'Alfredo Di Stéfano est tenant du trophée. Et l'équipe merengue conserve son titre en battant la Fiorentina 2-0 devant 124.000 spectateurs.
Puis, douze ans plus tard (1969), le Bernabeu accueille une nouvelle finale remportée 4-1 par l'AC Milan contre l'Ajax Amsterdam. L'image forte du match reste celle de l'arbitre espagnol du match, José Maria Ortiz de Mendibil, porté en triomphe par le public après la rencontre, à la façon d'un torero.
En 1980, Nottingham Forest remporte à Madrid sa deuxième C1 d'affilée contre Hambourg (1-0), avant un intermède de la "petite" Coupe d'Europe: en 1985 et 1986, le Real joue et gagne à domicile deux finales de la Coupe de l'UEFA (C3), alors disputées en deux matches aller-retour.
Enfin, en 2010, la compétition-reine, devenue Ligue des champions, s'offre une nouvelle finale au Bernabeu marquée par la défaite 2-0 du Bayern Munich contre l'Inter Milan de José Mourinho, qui s'installera quelques semaines plus tard dans ce même stade en devenant entraîneur du Real (2010-2013).
De l'Intercontinentale à la Libertadores
Créée en 1960, la Coupe Intercontinentale, ancêtre du Mondial des clubs, oppose le vainqueur de la Coupe d'Europe au lauréat de la Copa Libertadores. La première édition est remportée par le Real Madrid face à Peñarol (0-0 en Uruguay, 5-1 au Bernabeu), avant une revanche du club uruguayen en 1966 (2-0, 2-0).
Entretemps, en 1964, un match d'appui lors de la Coupe Intercontinentale entre l'Inter Milan et l'Independiente de Avellaneda se joue aussi au Bernabeu, où les Italiens s'imposent 1-0 sous une pluie diluvienne.
Et plus d'un demi-siècle plus tard, dans le contexte exceptionnel d'un match délocalisé pour cause de violences à Buenos Aires, le stade merengue (81.000 places) va accueillir dimanche la finale retour de Copa Libertadores entre River Plate et Boca Juniors, le match plus prestigieux du football sud-américain de clubs.
"Cette finale est une fierté pour ce stade, qui a accueilli tant de grands matches mais aucun comme celui-ci", a expliqué à l'AFP Alfredo Relaño, directeur du quotidien sportif madrilène As. "Assister à un River-Boca au Bernabeu est un cadeau de la providence. Un match aussi grand, aussi beau, aussi impressionnant, c'est une joie de l'accueillir."