Q : Comment vivez-vous la situation depuis la Turquie, entre inquiétude liée au virus et incertitude sportive ?
R : "C'est une période pas évidente à vivre. On se pose beaucoup de questions, mentalement ça travaille. C'est vrai que ça fait peur, je pense beaucoup à mes parents en région parisienne. La santé passe avant tout: on oublie ce qu'on a, ce qu'on n'a pas, tout le monde est au même niveau. C'est une très belle épreuve de la vie. Les premiers jours (du confinement) ça allait."
"Mais après trois semaines, je commence à tourner en rond. Je fais du sport tous les jours, mais ça n'a rien à voir avec le rythme habituel où on se réveille tôt, on voyage les week-ends pour les matches à l'extérieur, à domicile il y a des mises au vert. Là il n'y a plus rien. D'un coup, boum, tout s'est éteint. On passe du stade à la maison, de l'ambiance au silence. C'est dur mentalement. Ca fait sept ans que je suis dans le monde pro, je n'ai jamais connu ça: se réveiller sans avoir d'entraînement. Je fais une première séance avec 30 à 40 minutes de vélo d'appartement. En fin d'après-midi, je descends dans la salle de muscu pour faire de la course et du renforcement musculaire. Mais ça ne remplacera pas les entraînements, le rythme des matches. Si le Championnat reprend, physiquement et mentalement ça va être compliqué."
Q : La Turquie a tardé à arrêter le Championnat, comment avez-vous vécu ce moment ?
R: "On a joué le dernier match à domicile à huis clos (1-0 le 14 mars contre Gaziantep) dans une ambiance vraiment triste, c'est une victoire qu'on n'a pas savouré. Après le match, on a tout de suite contacté nos familles parce qu'on sentait qu'il se passait quelque chose en France, en Espagne, etc. On a continué à s'entraîner avant un match contre Başakşehir."
"Tout le monde arrêtait de s'entraîner, on ne comprenait pas pourquoi nous on continuait. Le coach et le staff attendaient de connaître les décisions officielles. Nous, on leur disait: +Faites quelque chose sinon on ne va pas venir+. Ils ont arrêté juste après. Le foot, on l'a mis de côté complètement du jour au lendemain. Et maintenant, on attend."
Q : Gardez-vous l'espoir que la saison reprenne ?
R : "En tant que joueur et fan de foot, j'ai envie que ça reprenne et de finir la saison. Il reste huit matches de championnat plus deux éventuellement en Coupe parce qu'on est en demi-finales. J'aimerais bien reprendre dès maintenant, on s'entraîne un petit mois et on finit tout rapidement. Mais le problème, c'est qu'avec le virus on ne sait pas ce qui va se passer. Si ça peut nous mettre tous en danger, je pense qu'il ne vaut mieux pas. Même à huis clos, cela rassemble 40 joueurs, les staffs, les arbitres."
"Quand tu joues, tu transpires et tu touches ton adversaire, tu tombes. Si on reprend, on n'aura pas joué depuis deux mois, on ne sera pas en condition. Tu vas rajouter des masques (de protection), des gants, sous cette chaleur... Dans ce cas-là on fait plutôt un match Fifa, c'est bien! Avec le ramadan en plus, les corps ne seront pas à 100% pour certains. Si on reprend tant mieux, mais il faudra préparer les corps. Sinon, les blessures, ça va y aller."
Propos recueillis par Jérémy TALBOT.