EXCLUSIF - Édouard Mendy, qui était l'une des révélations de la saison dernière en Ligue 2, confirme tout son potentiel dans l'élite. Avec Ederson (Manchester City) et Alisson Becker (Liverpool), il est le seul gardien à avoir réalisé huit clean sheets dans les cinq grands championnats européens cette saison. Des débuts tonitruants qu'il commente pour Goal avant ses retrouvailles avec l'Olympique de Marseille, dont il était le gardien de la réserve il n'y a pas si longtemps.
Vous avez porté le maillot de l'OM lors de la saison 2015-2016, que retenez-vous de votre aventure là-bas ?
Édouard Mendy : Je ne retiens que du positif. À Marseille, j'ai joué avec de très bons joueurs. Ça m'a permis de progresser. Et si j'en suis là aujourd'hui, c'est aussi parce que mon passage là-bas s'est très bien passé.
L'OM est venu vous chercher alors que vous étiez au chômage. On imagine que vous avez une certaine reconnaissance envers ce club.
C'est exactement ça. J'ai beaucoup de respect pour le club, et les personnes qui m'ont permis de signer à l'Olympique de Marseille. Déjà parce que j'aime beaucoup Marseille, et aussi parce que c'est le club qui m'a permis de me lancer.
Pourtant, vous n'avez jamais joué pour l'équipe première. Cela signifie-t-il que ça n'a pas marché pour vous ?
Je ne comprends pas pourquoi les gens disent que ça n'a pas marché. Je suis passé du chômage à Marseille. C'est quand même très positif. Quand je suis arrivé là-bas, la saison était déjà commencée. Flo Escales, espoir du club, était avec moi, donc au niveau du temps de jeu c'était lui qui était prioritaire. Mais dans mon esprit, je voulais avancer étape par étape, en ayant d'abord de bonnes sensations à l'entraînement. Je voulais dégager de l'envie et de la qualité. C'est ce qui s'est passé. Sur trente matches, j'en ai joué une petite dizaine. J'ai retrouvé du temps de jeu et grâce à ça plusieurs clubs de Ligue 2 m'ont contacté. Pour moi, l'année a été très bénéfique. J'ai pu participer à la finale de la Coupe de France, et à la fin de l'année le club m'a proposé deux ans de contrat. L'année ne pouvait pas être meilleure.
Vous ne regrettez donc rien de votre passage à l'Olympique de Marseille. Bien au contraire.
Ah non, je ne regrette rien, surtout que j'ai pu prendre le temps de la réflexion pour rejoindre Reims ensuite. C'est mon choix, ça. Et je suis fier d'avoir fait ce choix. Car au moment de choisir Reims, je savais que le club viserait la montée. J'arrivais pour accéder à l'élite.
Quel est votre plan de carrière maintenant que vous êtes installé comme titulaire au Stade de Reims ?
Je suis à la recherche du progrès, toujours à repousser mes limites. Je sais où je veux aller, mais je préfère garder ça pour moi en continuant à avancer.
Retourner un jour à l'OM, est-ce quelque chose qui vous emballerait ?
Sincèrement, je ne me projette pas. Je suis tellement obnubilé par le fait de maintenir Reims en Ligue 1 que ce qui se passe à côté je ne veux pas m'en occuper.
"Si j'avais été mal entouré, j'aurais sûrement arrêté le foot" Vous revenez de loin quand même. Avez-vous craint à un moment donné que ça ne soit déjà la fin de vos rêves ?
Quand on reste un an au chômage, même avec la meilleure volonté du monde, le doute s'installe. On cogite beaucoup, on essaye de peser le pour et le contre, de se dire quelle est la meilleure solution. J'allais être père de famille et de vraies questions se posaient. C'est là que mon entourage a joué un rôle majeur. Si j'avais été mal entouré, j'aurais sûrement arrêté le foot. Je ne remercierai jamais assez ma famille, mes cousins. Tous les gens qui ne m'ont pas lâché durant cette période.
C'est la récompense de votre abnégation en quelque sorte.
C'est sûr que le fait que je n'ai pas lâché a payé. Parfois, je repense aux fois où j'allais courir tout seul au stade, aux séances que j'allais faire avec mon petit frère. Aujourd'hui, je suis là. Je regarde, et je vois le chemin parcouru. Je me dis que c'est bien, mais ce n'est pas une fin en soi.
Actuellement, vous êtes l'un des trois gardiens à avoir réalisé le plus de clean sheets dans les cinq grands championnats européens cette saison (8). Que vous inspire ce coup de projecteur ?
Les chiffres ne mentent pas. Mais c'est un peu comme pour un attaquant. S'il marque 20 buts, on ne va retenir que lui. Pour les gardiens, c'est pareil. Cette statistique appartient à l'équipe. Il y a un gros boulot qui est fait depuis la nomination du coach (David Guion). La saison dernière, on avait aussi réalisé beaucoup de clean sheets. On est dans la continuité de ce qu'on peut faire à l'échelon supérieur, donc c'est très positif.
Vos défis personnels ont-ils évolué depuis l'entame de la saison ?
Avec moi, c'est step by step. Plus la saison avance, plus je me fixe d'autres objectifs. Il faut que je continue à engranger de l'expérience, à être le plus performant possible pour mon équipe. Je repousse toujours mes paliers.
Vous surprenez-vous vous-même ?
Je ne dirais pas ça, parce que je bosse pour être performant le week-end. Si je ne bossais pas la semaine, je me dirais que je suis un voleur et que je ne mérite pas ce qui m'arrive. Mais ce n'est pas le cas. Je travaille dur pour être performant en match. Quand je le suis, c'est bien, je suis content. Et quand je ne le suis pas, je suis déçu. J'efface vite et je me remets au travail afin de faire en sorte que ça ne se reproduise pas le week-end suivant.
"Une immense fierté d'avoir débuté en sélection" Vous êtes parvenu à retourner l'opinion suite aux critiques dont vous avez fait l'objet après le match au Parc des Princes. En avez-vous conscience ?
Oui, bien sûr. Mais Paris reste Paris. Je suis gardien et l'erreur est humaine. Après ce match, il y avait deux solutions. Soit je me prenais la tête et je restais à cogiter sur ma faute de main. Soit au contraire, je prenais ce match comme un apprentissage du très, très haut-niveau. Aujourd'hui, je sais que je ne ferai pas ça. S'il y a un peu de monde, je ne dois pas me prendre la tête, je dois boxer en touche. C'est l'apprentissage, il faut être ouvert et apprendre de ses erreurs.
Durant la trêve, vous avez été récompensé par une première sélection avec le Sénégal. Quelle émotion avez-vous ressenti ?
Une immense fierté, d'autant que lorsque j'étais au chômage, la sélection nationale pouvait paraître utopique. Je ne vais pas dire que c'est l'aboutissement de quelque chose, mais rien que le fait d'être appelé est un gros palier de franchi. Le fait de jouer maintenant vient valider ce que je fais depuis ma signature à Marseille. C'est une vraie fierté pour ma famille, pour moi et mes proches. Sportivement, il n'y a pas plus haut comme challenge.
Il a fallu se montrer patient puisque vous aviez été appelé sans jouer la fois précédente.
C'est ça. J'ai été titularisé au bout du troisième rassemblement alors que certains attendent la 15e ou 16e rencontre pour débuter. Trois rassemblements, pour moi, c'est rapide. Mais c'est dans la continuité de ce que je fais en club. C'est cohérent et il faut que je continue à être performant pour continuer à être titularisé en sélection.
Il y aura la CAN en 2019. Ça aussi, c'est sûrement l'un de vos grands objectifs.
Mon objectif, c'est de participer à cette Coupe d'Afrique, c'est clair. Après, être titulaire ou non, ce sera au sélectionneur de décider. À moi d'être le plus performant possible cette saison pour espérer quelque chose de beau en fin d'année.
Au Vélodrome, vous allez retrouver Stéphane Cassard, qui était à l'origine de votre venue à Marseille. Avez-vous une idée de la manière dont vont se passer vos retrouvailles ?
Elles vont très bien se passer. J'ai eu une super entente avec Steph Cassard. Il m'a fait énormément progresser. Avec lui, j'ai réussi à effacer mon année de chômage. C'est une grosse satisfaction d'avoir pu travailler à ses côtés. Il a toujours cru en moi, et quand je lui ai annoncé mon départ, il était très déçu. Il voulait vraiment que je reste. Mais il m'a aussi dit qu'il ne se faisait pas de souci pour moi. Il savait que je rebondirai ailleurs.
Si on lui avait prédit tout ce qui vous arrive aujourd'hui, peut-être l'aurait-t-il cru alors.
Je ne suis pas sûr qu'il aurait cru à la statistique sur le nombre de clean sheets en Europe (rires). Mais être titulaire dans une équipe de Ligue 1, oui je pense.
Propos recueillis par Benjamin Quarez