Double Championne d'Europe en 2008 et 2012, Championne du Monde en 2010, l'hégémonie de la 'Roja' sur le football mondial, grâce à des principes de jeu très clairs, avait fait de la sélection ibérique l'une des toutes meilleures de l'histoire de ce sport. Composée de joueurs cadres évoluant pour la plupart dans les deux plus grands clubs du pays, tels que Casillas, Puyol, Piqué, Sergio Ramos, Iniesta ou encore Xavi, la sélection qui n'avait jusque là remporté aucun titre mondial reposait son succès sur une génération dorée, formées dans deux écoles qui ne jurent que par le succès : celles du FC Barcelone et du Real Madrid.
Dix ans après le premier Euro remporté en Autriche, Sergio Ramos et Raúl Albiol sont les derniers rescapés de l'équipe entraînée par Luis Aragonés, tandis que la Roja n'a plus été en mesure de passer le cap des huitièmes de finale en Coupe du Monde. Éliminée à ce stade en Russie cet été face au pays organisateur, la sélection qui, grâce à son jeu reposant sur un mouvement constant entre les lignes et sur un nombre de transmissions record entre ses différents éléments et qui avait marqué le football mondial de son empreinte, est en pleine reconstruction. Bien loin de ses standards habituels.
La faute notamment aux retraites internationales des joueurs qui avaient oeuvré pour sa réussite, tels que Xavi Hernandez en 2014 ou Xabi Alonso en 2017, mais aussi Andrés Iniesta et Gérard Piqué cet été. Mais aussi à la méforme du FC Barcelone depuis quelques saisons et au manque de joueurs espagnols évoluant chez le grand rival du Real Madrid, pourtant sur le toit du monde après 3 Ligues des Champions remportées successivement.
Luis Enrique appelé à la rescousse et une ADN a retrouver
Ainsi, le déclin de l'Espagne n'est finalement pas une surprise. Alors pour entamer une opération reconstruction plus que nécessaire, la Fédération a fait appel à un homme : Luis Enrique. Ancien entraîneur à succès du côté du FC Barcelone entre 2014 et 2017, le natif de Gijon est l'un des derniers garants des principes de jeu propres à la sélection ibérique, pratiquant le mythique tiki-taka, une façon de jouer qui réclame que le ballon soit en mouvement constant, permettant ainsi d'afficher une large possession et d'instauter un pressing important dès la perte du cuir, de manière à asphyxier l'adversaire.
"J'ai vu une attitude exemplaire, un comportement exceptionnel des joueurs et du staff et sur le terrain de belles choses. Au final je suis agréablement surpris. Je n'ai aucun doute sur le onze. Une fois que j'ai vu tout le monde à l'entraînement, j'ai été surpris. Même si je les connaissais avant, ils m'ont épaté au niveau de leur comportement exemplaire. En tant que coach c'est la meilleure attitue que j'ai vue", déclarait le technicien en conférence de presse quelques jours après son intronisation, lui qui avait succédé à un Fernando Hierro intérimaire, n'ayant pas su tirer profit du travail effectué en amont par Julen Lopetegui. Il faut dire qu'en allant l'emporter à Wembley face à l'Angleterre (1-2) puis en terrassant la Croatie (6-0), pourtant finaliste du dernier Mondial, pour le compte de la Ligue des Nations, ses débuts au poste de sélectionneur ont été une grande réussite. Particulièrement encourageant.
Un groupe plus jeune, dans lequel figurent des joueurs de tous bords
En plus d'avoir mis fin aux après-midi libres et d'avoir privé les joueurs de téléphone durant les repas, le très stricte Luis Enrique a surtout concocté un groupe à son image, travailleur et déterminé. Ainsi, terminés les supposés clans entre joueurs du FC Barcelone et du Real Madrid dont la presse espagnole faisait écho depuis de nombreux mois, de même que le statut d'intouchable dont pouvaient jouir ceux qui composaient ces mêmes clans. Dans cette optique, moins en vue qu'il ne l'avait été par le passé si bien en club qu'en sélection, le latéral gauche Jordi Alba, 66 capes, qui n'avait d'ailleurs pas hésité à critiquer ouvertement Luis Enrique quand ce dernier avait quitté le FC Barcelone, est désormais préféré à Marcos Alonso (Chelsea) et José Gaya (Valence).
Pour affronter le Pays de Galles en amical jeudi soir, puis l'Angleterre le 15 octobre en marge de la Ligue des Nations, le sélectionneur de 48 ans doit néanmoins faire face à des blessures handicapantes, telles que celles d'Isco, Carvajal, Sergi Roberto et Diego Costa. Pour pallier à celles-ci, Luis Enrique devrait donc faire confiance à Paco Alcacer, de retour à son meilleur niveau du côté du Borussia Dortmund, mais aussi aux jeunes pousses de son effectif, en donnant plus de responsabilités à des joueurs comme Dani Ceballos, Rodri ou encore Marco Asensio, tous les trois âgés de 22 ans.
Une génération qui, selon Raúl Albiol, le seul du vestiaire avec Sergio Ramos a pouvoir s'essayer légitimement au jeu des comparaisons, n'a rien à envier à la précédente. De même que Luis Enrique n'a rien à envier à Luis Aragonés, car il est animé par la même envie contagieuse de triompher. "À l'époque, nous avions Xavi, Iniesta, et maintenant nous avons Isco et Asensio, par exemple. Ce sont des étapes qui passent, mais le niveau des joueurs est le même. Ce sont finalement des joueurs qui sont tous titulaires des meilleures équipes d'Europe. Il est nécessaire de travailler collectivement pour redevenir la meilleure sélection. Le football a changé, les temps sont différents et ce n'est pas pareil. Les deux (Aragonès et Enrique) ont le gène gagnant. Ce que Luis Aragonés a transmis à cette équipe. Il l'avait convaincu qu'elle pourrait être championne d'Europe et maintenant, avec Luis Enrique, c'est à peu près la même chose, il veut convaincre ce groupe qu'il peut redevenir champion", a ainsi confié le joueur aux 51 sélections.
Si Marco Asensio, la jeune pépite du Real Madrid qui indépendamment de sa volonté apparaît comme le symbole parfait d'une ambitieuse nouvelle génération espagnole, se montre aussi séduisant qu'il ne l'avait été face à la sélection au Damier, réussissant un magnifique triplé de passes décisives et étant auteur d'une frappe dont il a le secret sur le deuxième but des siens, force est de constater que cette Roja au nouveau visage peut aisément prétendre à deux nouvelles victoires. Synonymes de sans faute pour Luis Enrique dans sa tentative de reconstruction, demarrée sous les meilleurs auspices.