László Bölöni raconte comment il a lancé la carrière de Cristiano Ronaldo

Ancien entraîneur de Nancy, Lens, Rennes et Monaco, László Bölöni est également le coach qui a lancé la carrière professionnelle de Cristiano Ronaldo au Sporting Portugal. Pour Goal, le technicien de 63 ans revient par le biais d'une chronique sur les débuts de CR7. C'était en 2002. À l'époque, personne ne connaissait le natif de Funchal (Portugal). Le point de départ d'une folle ascension qui a permis à Cristiano Ronaldo d'intégrer le cercle très fermé des plus grands de son sport.
C'était déjà un travailleur exceptionnel avec un talent miraculeux, mais il ne faut pas exagérer. S'il est là aujourd'hui, ce n'est pas grâce à moi. Au bon moment il a eu quelqu'un d'assez rigoureux pour le pousser plus rapidement que prévu en première division, quelqu'un d'assez courageux pour le sortir du groupe de jeunes et le jeter dans la piscine à côté des monstres comme Joao Pinto ou Paulo Bento. Il a eu la chance d'avoir quelqu'un pour modifier son jeu, travailler sa discipline tactique et le bouger de l'axe pour le mettre un petit peu partout pour qu'il puisse s'épanouir sur le côté. Mais le talent, c'est quelque chose de phénoménale que l'entraîneur ne donne jamais à un joueur. À l'époque, je parlais d'Eusebio et de Figo. D'une certaine manière, je savais que Ronaldo allait dépasser ces deux joueurs. Avec tout le respect que j'ai pour eux, je pense qu'il a déjà réussi avec son club et sa victoire à l'Euro avec le Portugal. Offrir quelque chose à sa nation. c'est ce qui lui manquait et il a réussi en amenant son pays sur le toit de l'Europe.
Avec Ronaldo, on a tout de suite fait un programme de six mois avec des entraînements supplémentaires. Il y avait de la musculation et du travail de coordination. Cela ne veut pas dire qu'il n'était pas coordonné, mais cela nous a permis de travailler un peu plus son explosivité parce que c'était un joueur assez longiligne pour son âge. Il fallait muscler ce jeune homme car il allait se heurter très rapidement à des défenseurs très costauds qui venaient pour beaucoup du Brésil. Ronaldo, malgré le talent qu'il pouvait avoir, était un mangeur de travail. Dès qu'il sortait sur le terrain, il exprimait une certaine maturité. Les qualités qu'il exprimait à l'entraînement m'ont vite poussé à le garder dans le groupe alors qu'au départ il n'était convoqué que temporairement en équipe première. C'était quelqu'un qui, malgré son jeune âge, parlait déjà par son jeu, son courage et sa maturité. Ce n'était pas quelqu'un qui parlait beaucoup, mais sa relation avec les joueurs et les coaches s'est faite par sa démonstration de courage et de maturité. Il avait quelque chose que les autres n'avaient pas.
Ronaldo était quelqu'un de rapide. Il était très explosif, mais physiquement il n'était pas encore bâti comme aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de le soulager de la pression des stoppeurs de 90 kilos en le mettant sur le côté où sa vitesse et ses dribbles pouvaient être exploités avec plus de facilité. Au départ, je n'étais pas vraiment convaincu (par son choix de partir à Manchester United à tout juste 18 ans, ndlr), mais il m'a vite fait mentir et j'étais très content de voir Alex Ferguson faire la même chose que moi en le plaçant sur l'aile. De temps en temps, je suis encore en contact avec lui, mais c'est beaucoup plus difficile d'approcher Ronaldo aujourd'hui.
Qui est le meilleur du monde ? C'est difficile à dire... On met des barèmes, on compte les buts, les titres... Mais on sait très bien que tous ces comptes ne sont pas vraiment réalistes. Moi, je suis forcément pro-Ronaldo, ce qui ne veut pas dire que je ne respecte pas Messi. C'est un génie, mais il ne faut pas oublier qu'il joue entre Neymar et Suarez, sans parler qu'il y a Iniesta et les autres autour de lui. Au Real Madrid, Ronaldo n'a pas le même soutien. On peut dire ce que l'on veut, mais Gareth Bale ne sera jamais Neymar et Suarez n'est pas impérativement Benzema. Modric est le seul milieu de terrain du Real Madrid qui se rapproche d'Iniesta. Par tout ça, je veux dire que Messi est mieux épaulé au Barça que Ronaldo au Real Madrid. Au Real Madrid comme au Portugal, tout le monde attend que la différence soit faite par Ronaldo. À Barcelone, il y a plusieurs joueurs qui peuvent plier le jeu. C'est vrai que c'est souvent Messi qui est décisif, mais contrairement à ce qui se passe à Barcelone, au Real Madrid tout ou presque tombe sur le dos de Ronaldo.